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L’histoire derrière le Village au Pied-du-Courant: Le pionnier du placemaking à Montréal

L’histoire derrière le Village au Pied-du-Courant: Le pionnier du placemaking à Montréal

Quand on lui demande une définition du Village au Pied-du-Courant, la directrice du Village Violaine St-Cyr indique adapter la réponse selon la personne qui la questionne. Précurseur du mouvement des espaces éphémères à Montréal, le Village est le seul projet de l’organisme La Pépinière qui se déploie à l’échelle de la ville, où les visiteurs ne côtoient pas uniquement leurs voisins de quartier. «Ça se veut un espace d’expression, de rencontre pour tous les Montréalais», affirme-t-elle.

Plusieurs seront surpris de savoir que celui-ci a d’abord fait son apparition à l’autre bout de la ville au Bassin Peel en 2013. «C’était tout petit, ça durait un week-end seulement, et il n’y avait pas encore le volet d’animation culturelle.» Les installations étaient faites à partir d’objets remaniés par les artisans de l’association du design urbain du Québec (ADUQ). 

La puce à l’oreille, les AmiEs du Courant Sainte-Marie font appel à Jérôme Glad, Maxim Bragoli et leur équipe pour animer un terrain vague du quartier. Utilisé comme chute à neige l’hiver, l’endroit demeure abandonné une fois l’été arrivé. Ainsi, imaginé par l’incubateur d’espaces de vie La Pépinière (également derrière Les Jardineries et la Petite Floride), le Village au Pied-du-Courant tel qu’on le connaît ouvre ses portes en 2014 et attire un nombre inespéré de curieux. 

Au tournant de 2015, l’espace éphémère accuse un coup dur lors du départ de l’ADUQ. «On a contemplé l’idée de redonner le site aux AmiEs du Courant Sainte-Marie, mais l’organisme risquait de crouler sous la pression des responsabilités», se souvient la directrice. La Pépinière décide donc de demeurer à la barre de l’administration. Les Amis demeurent néanmoins l’oreille citoyenne pour tout ce qui se passe dans le quartier; de l’avenir du secteur immobilier aux détails abordés par les conseils de l’arrondissement. 

Les berges, l’affaire de tous 

Au Village, le zonage n’existe pas. Le lieu tente de briser l’isolement social en effaçant les frontières urbaines afin d’encourager la spontanéité dans l’espace public. «Ce n’est pas un parc uniquement réservé aux chiens ou aux enfants par exemple! On y retrouve un peu de tout, et ça permet au public de se mélanger à travers les âges et les occupations.»

Entre le travail et la maison, on passe le mot dans le quartier, car la directrice voit de plus en plus de petites fêtes improvisées, même lorsque le Village n’a pas d’événement prévu au calendrier. «Les gens apportent une ambiance différente avec leur présence à chaque jour», s’enthousiasme-t-elle. 

La programmation en tant que destination 

Les collaborations et les partenariats sont la force des espaces éphémères. Lancé chaque hiver, le concours de projets d’aménagement devient de plus en plus convoité par des designers audacieux. L’organisme invite aussi des artistes en arts visuels pour produire des murales sur le site. La programmation culturelle est le fruit des propositions de quelques centaines de volontaires durant l’année. 

L’année dernière, s’est ajouté un appel à contributions plus large d’initiatives ou d’entreprises en démarrage qui désirent investir l’espace. Les intéressés portent souvent des projets en rodage ou qui sondent le marché. Le Village abrite par exemple la bibliothèque de la LAAT où l’on peut consulter en tout temps des beaux livres sur l’art et l’architecture. En 2017, la ferme La Grillonnerie a offert des ateliers sur la consommation d’insectes, ces fameuses protéines de demain. 

Nouveauté cette année, une petite portion du site est accessible plus tôt dans l’intention d’offrir un horaire plus flexible aux familles des environs. Durant ces heures, des activités à plus petite portée sont proposées, comme des soirées BBQ, du yoga pour enfants ou des jeux guidés sur le terrain d’aventures. 

Entreprise périlleuse

Construire un espace citoyen demande des reins solides: «Ce n’est pas vrai qu’on peut se lancer dans ce type de projet du jour au lendemain». En effet, le projet requiert de bonnes connaissances dans la gestion d’un organisme à but non lucratif. Du contrat d’assurances, à l’acquisition de permis, en passant par le respect des normes municipales; ces précautions peuvent peser lourd sur la motivation de petits groupes avides de démarrer des initiatives.

À la merci de la météo changeante, l’espace doit aussi assurer une fréquentation assidue sur le site, car l’essentiel de ses revenus provient des ventes du bar et de la cantine. Détenant peu de ressources, les fondateurs ont réalisé la nécessité de piger dans des registres d’activités variés afin d’assurer la participation citoyenne. «Il fallait créer un milieu de vie, habiter l’endroit», résume Violaine St-Cyr.

Bien établie, La Pépinière use maintenant de son influence pour sensibiliser la Ville de Montréal à la nécessité de réduire le risque financier propre aux villages éphémères. Activiste, l’entreprise réclame à Québec la création de programmes de fonds destinés aux espaces comme ceux qu’il développe.

Leurs efforts ont porté leurs fruits lorsque l’Arrondissement de Ville-Marie et le Ministère des Transports du Québec ont apporté leur soutien dès 2015. Le Port de Montréal se joint au mouvement l’année suivante. «On est une nouvelle forme d’entité qui n’a pas encore fait ses preuves dans le système de financement public actuel. C’est un engrenage qui prend du temps à changer, mais j’ai espoir que les esprits vont s’y ouvrir», croit Violaine St-Cyr. 

Un cercle de bailleurs de fonds composé notamment de l’organisme Culture Montréal et de la fondation SOCAN s’est également formé. Les fonds publics combinés s’élèvent présentement à 12 % du budget de fonctionnement. 

Un espace public libéré des publicités

Le Village au Pied-du-Courant préserve sa vocation citoyenne avec des espaces dépouillés de grandes bannières publicitaires. «Les évènements culturels sur la place publique sont souvent associés à des grandes commandites. On comprend les raisons financières d’un tel affichage, mais ça équivaut à vendre l’espace public et ça dénature l’expérience du placemaking», considère la directrice. 

La Pépinière tient à rétablir le lien de confiance qui existait autrefois entre voisins en testant les limites d’un système longtemps dicté par la bureaucratie. «C’est la responsabilité de tous de mettre de la pression sur la Ville et les arrondissements pour démontrer le besoin de financement. Si tout est réglementé par la loi, comment peut-on se rencontrer?», se demande Violaine St-Cyr.

De fil en aiguille, l’un des premiers espaces éphémères à Montréal a inventé sa propre case dans le paysage urbain et c’est ce qui fait toute la complexité du projet, mais aussi sa beauté. 

Village au Pied-du-Courant 

Ouvert du jeudi au dimanche jusqu’à la mi-septembre.

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*Le «placemaking» est une démarche d’aménagement des espaces urbains qui promeut la réappropriation de l’espace public par le citoyen.

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