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Virginie Turcot-Lamarre, créatrice de Louve

Virginie Turcot-Lamarre, créatrice de Louve

En collaboration avec l’École d’ébénisterie d’art de Montréal.

Avec Louve, une ligne de bijoux indépendante basée à Montréal, Virginie Turcot-Lamarre imagine et crée à la main, des pièces alliant bois et cuir. Chaque bijou est confectionné à partir de matières récupérées, mettant de l’avant les imperfections et le caractère unique du bois.

 

Quel parcours vous a mené vers le travail du bois et la naissance de Louve?

Je n’ai pas officiellement de formation en ébénisterie. J’ai grandi entourée d’une famille de grands amoureux du bois. C’est de là, je pense, que me provient mon intérêt pour le travail du bois. J’ai commencé sans me douter que mon intérêt pour le design et la création de bijoux donnerait en fait naissance à une marque assez distinctive. Les bijoux ont toujours été pour moi un univers dans lequel je me suis sentie à l’aise d’expérimenter. Tout a donc commencé comme ça, en faisant des expérimentations.

J’avais une idée en tête et je ne trouvais rien qui correspondait vraiment à ce que je recherchais alors je me suis mise à me fabriquer des bijoux en bois comme je les imaginais. C’est là que j’ai découvert tout un univers. Je passais un temps fou dans l’atelier d’ébénisterie de mon père et j’explorais toutes sortes de transformations du bois. C’est ainsi parti de cette idée un peu abstraite et ça s’est ensuite développé, petit à petit, pour devenir une ligne finalement assez concrète qui est devenue Louve. Le projet s’est présenté à moi comme une option de plus en plus plausible et très enthousiasmante, alors je l’ai développé peu à peu.

Qu’est-ce que Louve?

Louve est une ligne de bijoux en bois et cuir. Chaque pièce est confectionnée à la main, une à la fois, dans un grand souci du détail et un respect de la matière. Je travaille en grande majorité à partir de matière récupérée qui peut m’arriver sous différentes formes: planches inutilisées, retailles, meubles récupérés, troncs tombés, bûches abandonnées…

Mes pièces de bois sont toutes fabriquées à partir d’essences d’arbres locales souvent en érable, en bouleau ou en cerisier et parfois en chêne, en noyer, en merisier ou en hêtre.

La majorité provient des environs de mon atelier, mais j’ai aussi de la famille et des amis qui me récupèrent des pièces de bois provenant de différentes régions du Québec. Dernièrement, j’ai eu accès à des planches de noyer récupérées près de Bromont et à une bûche provenant d’un cerisier malade coupé dans la région de Sherbrooke. Cela donne souvent lieu à de belles surprises qui seront probablement impossibles à reproduire. Je trouve ça intéressant. Ça leur rajoute une couche d’histoire supplémentaire.

D’où provient cette idée de marier création de bijoux et travail du bois? 

Je trouve que le bois est un matériau très riche parce qu’il est pratiquement indomptable; on dirait qu’il reste vivant parfois très longtemps, même après avoir été coupé. Le bois préserve toutes sortes de détails comme s’il les gardait en mémoire.

Au moment de fabriquer mes pièces de bois, il m’arrive de tomber sur de magnifiques surprises qui étaient contenues à l’intérieur. J’essaie de récupérer et de mettre en valeur ces détails qu’on appelle parfois des ”imperfections”. Cela fait en sorte que, même si je voulais faire 5 bijoux identiques, ils seraient toujours différents.

Ceci place les gens devant le grand dilemme de choisir leur pièce en les faisant hésiter parfois entre une minuscule différence de teinte ou de texture ou entre la petite imperfection dans le bois qu’on préfère, ou pas. Les personnes se trouvent donc souvent à choisir leur pièce en fonction d’un coup de coeur pour des petits détails très précis.

Je trouve que, souvent, la pièce devient vraiment à l’image de la personne. J’aime me laisser croire que c’est peut-être parfois un peu le bijou qui choisit son cou. Plusieurs personnes m’ont avoué voir leur bijou comme une sorte de porte-bonheur ou d’amulette leur apportant du courage ou les faisant sentir en confiance à des moments-clés. J’aime attribuer à mes pièces une sorte de pouvoir difficile à définir

Quelle est la réalité d’une femme œuvrant dans le domaine du bois?

Je me considère comme une ébéniste plutôt autodidacte. Je n’ai donc eu que peu accès au monde de l’ébénisterie à proprement parler. Mon travail du bois étant précisément appliqué au bijou, je me trouve concrètement beaucoup plus proche du milieu de la mode locale que de l’ébénisterie.

Vous êtes-vous heurtée à des difficultés en tant que femme entrepreneure? 

En tant que femme, d’autant plus lorsqu’on est relativement jeune, nous avons à fournir un effort supplémentaire pour prouver notre crédibilité et nous sommes automatiquement sujettes à recevoir plus de «conseils». Je pense que pour moi, la meilleure solution demeure de me faire confiance et de rester fidèle à mes idées.

Malgré que le domaine entrepreneurial demeure effectivement, encore aujourd’hui, dominé par les hommes, le milieu de la mode à l’échelle locale est quant à lui un milieu somme toute assez féminin. Je pense que cela fait en sorte que les dynamiques sont très différentes de ce qu’elles pourraient être dans d’autres milieux entrepreneuriaux.

De mon expérience, je trouve qu’il y a énormément d’entraide et de collaboration. J’y ai rencontré tellement de femmes brillantes et très inspirantes. Je crois que le milieu de la mode locale est confronté à une situation qui, je dirais, dépasse les sexes, car nous nous mesurons à des géants de l’industrie de la fast fashion. En tant que designers et acteurs d’une communauté de mode locale, nous nous devons de faire front commun pour espérer la moindre chance de survie. Dans ce contexte, l’entraide et la collaboration sont des valeurs qui deviennent vraiment primordiales à la vitalité du milieu.

Selon vous, y aurait-il des moyens d’améliorer la situation des femmes entrepreneures?

Si on aborde la question d’un point de vue très concret, les femmes demeurent, d’une part, défavorisées sur le plan salarial. Elles gagnent encore, en 2017, autour de 80% du salaire de leurs collègues masculins et elles se retrouvent également plus nombreuses dans des emplois moins rémunérés et des emplois à temps partiel.

Parallèlement, les domaines (comme le communautaire, la culture et la mode) dans lesquels les salaires sont bas et où les postes à temps partiel sont nombreux, sont majoritairement occupés par des femmes.

Je pense qu’afin d’améliorer la situation des femmes entrepreneures, mais également pour leur permettre la possibilité même de lancer un projet entrepreneurial, il faudrait commencer par rétablir cet écart et améliorer les conditions de travail de ces milieux majoritairement occupés par des femmes. Il faudrait rendre le milieu entrepreneurial plus accessible financièrement en fournissant du financement à travers des programmes de bourses qui seraient plus spécifiques et mieux développés. Ce qui serait un point de départ!

Quels sont vos projets à venir?

J’ai plusieurs projets en tête. Il y a une grande bulle autour de ce que moi j’imagine être Louve. Je crois qu’il y a beaucoup de choses qui pourraient venir complémenter et alimenter cet univers. Toujours en restant dans le bois et le cuir, j’aimerais développer de nouveaux produits et étendre doucement ma ligne au-delà des bijoux.

Louve

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