Close
Regarder Cindy Boyce qui observe les coulisses

Regarder Cindy Boyce qui observe les coulisses

Programme B

Vous l’aurez deviné, la ressemblance au niveau du nom de famille entre l’auteure de ces lignes et son sujet est tout sauf un hasard.

Commençons par une mise en contexte: je connais Cindy Boyce depuis 29 ans, et elle a eu un appareil photo dans les mains une bonne partie de sa vie. Diplômée du Cégep du Vieux Montréal en 2009, elle se consacre depuis à sa carrière de photographe à temps plein, ayant un penchant pour les portraits, le culinaire, l’édition et l’événementiel.

Il y a un an et demi, la Place des Arts contacte Cindy pour documenter son programme de résidences. À ce moment-là, l’équipe ne sait pas de quelle façon les photos seront présentées, mais une chose est certaine: il faut documenter le travail des dix productions dans les salles de répétition. La prise de photos s’est donc échelonnée sur plus d’un an, et l’idée d’une exposition, assortie d’un site web pour assurer la pérennité et permettre au public de découvrir plus de clichés, s’est peu à peu imposée.

Maryse Boyce: Dans ta démarche en général, tu aimes soigner tes backgrounds et tu portes une attention particulière à la lumière. Les salles de répétition n’ont pas toujours le meilleur éclairage ni les plus beaux fonds. C’était quoi le plus grand défi pour toi, photographiquement parlant?

Cindy Boyce: J’avoue que c’était quand même un défi, mais ça vient avec la photo documentaire. C’est sûr que ce sont des photos dont je suis fière, compte tenu du contexte, mais c’est vrai que ce ne sont pas toutes les salles de résidence qui étaient le plus photogéniques ou le plus facile à travailler d’un point de vue de lumière.

C’est sûr que dans ce contexte-là, de photos sur le vif, il faut laisser un peu son côté parfait/soigné de côté, parce que c’est pas ça l’objectif. Le but, c’est de mettre en lumière, de rendre visuellement le plus beau possible ce qu’on a devant nous. Tout ça, ça parle plus qu’un éclairage soigné.

Le but c’était vraiment que leur résidence, leur répétition, leur travail ne soit pas dérangé par ma présence. Donc vraiment j’étais plus le témoin de ce qui se passe, j’étais plus en retrait à essayer de documenter leurs trucs.

Par exemple, 8 [ci-haut], ça se passait dans la 5e salle. [Les comédiens] s’étaient installés une table en plein milieu de la scène. C’est une répétition, pour eux c’est une conversation: ils ont leur bouteille d’eau, leur sac de chips, leurs collations… Moi je documente, je ne vais pas faire du home staging et dire: «Bon, on enlève les bouteilles d’eau!» Le but, c’est justement que les gens oublient ma présence et que ça soit le plus naturel possible, donc c’est sûr que je fais avec la réalité, avec ce que j’ai. Je me concentre plus sur les close-ups du visage, les expressions, les interactions entre les personnes.

Vous l’aurez compris, pour officier en coulisses et capter les interactions entre les gens, la magie qui opère et le travail qui avance, il faut être discrète. Après avoir été présentée par un membre de l’équipe de la Place des Arts, Cindy passait deux ou trois heures dans la salle de répétition avec l’équipe et se faisait toute petite, la sensibilité aux aguets. Souvent dans un contexte de basse lumière, il était hors de question d’utiliser son flash, ce qui donnait un défi supplémentaire.

M.B.: En regardant les photos, je ne peux m’empêcher d’être impressionnée par la polyvalence dont tu as dû faire preuve. Chaque production est très différente, autant au niveau du nombre d’intervenants que du contexte où tu as pris les photos. Comme il s’agissait de spectacles en préparation, j’imagine que tu n’avais pas énormément d’informations avant de rencontrer les équipes. Comment te préparais-tu?

C.B.: C’était une belle surprise à chaque fois. C’est sûr que je me préparais, dans le sens où psychologiquement, j’étais prête à tout, et j’avais tout mon matériel sur moi. En même temps, je ne pouvais pas me préparer plus que ça. Je savais ça allait se dérouler dans quelle salle et à peu près combien de gens allaient être présents. C’est sûr qu’il y a eu des défis différents chaque fois.

Ainsi, pour 100% Montréal, les photos de Cindy témoignent de la première fois où tous les participants étaient réunis dans la salle où aurait lieu le spectacle. Elle a voulu rendre compte du double rôle de spectateur et de participant que tenait chacun des intervenants. Pour Fractals of you, les photos ont été prises une journée où l’équipe faisait les tests de projection et d’éclairage, donc en contexte de basse lumière. Elle a voulu montrer le contexte qui entoure la création du spectacle, notamment en incluant la console.

M.B.: Je sais que dans ton travail, la sélection de photos est l’aspect que tu trouves le plus difficile. Quand on prend entre 500 et 600 photos par résidence, comment est-ce qu’on choisit? Avez-vous fait la sélection en équipe?

C.B.: C’est clair que la sélection, c’est un gros défi! Au départ, je faisais un premier tri et j’en envoyais chaque fois une sélection large à la Place des Arts, entre 75 et 100 photos. Il y a environ 3 mois, on a fait meeting d’une journée complète avec l’équipe, où on est passé au travers toutes les photos. C’est difficile de faire une sélection finale quand tu ne sais pas pourquoi [les photos vont être utilisées], mais là, vu qu’on le savait… C’était beaucoup plus facile. On a eu les mêmes coups de coeur.

M.B.: Dans l’oeil de Cindy Boyce est ta quatrième expo. C’est aussi la plus importante. De quoi es-tu la plus fière?

C.B.: Les 3 premières fois [où j’ai exposé], c’était des séries plus personnelles, des photos du quotidien qui sortaient de ma pratique professionnelle. C’est sûr que c’était une fierté, parce que c’était mon matériel. Mais à travers l’expo de la Place des Arts, c’est un autre niveau. Là, c’est une production à grande échelle, avec ByHaus qui a fait la scénographie, où l’impression et le montage ont été pris en charge de manière super professionnelle.

Je suis fière d’avoir réussi à répondre au mandat. De pouvoir donner au grand public une image de c’est quoi qui se passe en répétition. De donner une petite vision de ce à quoi ça peut ressembler. Visuellement, je suis super contente aussi: on sent l’émotion, que ça soit pour le petit groupe de comédiens dans 8 que pour l’Opéra [de Montréal, qui présentait La Bohème], où l’équipe est plus imposante. On dirait que pour chaque résidence, j’ai réussi à capter ce qui se passait quand j’y étais. Je pense que c’est ça qui me rend le plus fière.

Dans l’oeil de Cindy Boyce

à l’Espace culturel Georges-Émile-Lapalme de la Place des Arts jusqu’au 26 novembre

Crédit photos: 37e AVENUE

Close
0