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Luc Bossé des Éditions Pow Pow: «Vendre un livre, c’est dur.»

Luc Bossé des Éditions Pow Pow: «Vendre un livre, c’est dur.»

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec

On les voit passer ponctuellement. Des pourcentages menaçants, des coups de gueule percutants, des appels alarmants à se pencher au plus vite sur les problèmes de l’industrie du livre au Québec. Ce n’est pas une lubie, loin de là: depuis 2012, les ventes annuelles de livres neufs ont connu une baisse de 11%, soit de 74,1 millions de dollars. Mais quand on va plus loin que les chiffres, qu’en est-il vraiment? Les grands – et petits – joueurs tirent quelles impressions du milieu littéraire, dans lequel ils évoluent tous les jours? Tour d’horizon avec divers auteurs, éditeurs, distributeurs, conseillers littéraires, libraires (et alouette).

«C’est un accident si j’ai lancé Pow Pow.» Celui qui a travaillé dans le monde de la pub une dizaine d’années a décidé de s’inscrire au SAJE, un programme d’accompagnement d’entrepreneurs. «J’ai faké que j’allais partir une maison d’édition pour recevoir du chômage en dessinant des bandes dessinées, mais j’ai finalement fait le plan d’affaires. J’ai fini par y croire.» Et c’est ainsi qu’est née la maison d’édition Pow Pow en 2010, qui se spécialise en bande dessinée.

A-t-il l’impression que la bande dessinée, tout de même nichée, est le parent pauvre de la littérature? «Hum, moins que la poésie! L’offre en bande dessinée n’est pas si élevée. Souvent, c’est la seule branche qui est en progression.» C’est souvent par rapport à la perception des lecteurs que c’est plus difficile. «Il y a parfois un manque de reconnaissance, des préjugés. Je me rappelle d’une petite fille de 11 ou 12 ans qui voulait avoir Ping-Pong de Zviane, une sorte d’essai sous forme de bande dessinée. Sa famille l’a découragée comme si ce n’était pas un vrai livre. Je me suis rendu compte après coup que j’aurais dû lui donner…» Une conception qui fait la vie dure à l’industrie de la bande dessinée, malheureusement.

Selon le fondateur de Pow Pow, il y a un manque d’éducation à pourvoir. «Penser qu’une bande dessinée n’est pas un vrai livre, ça me dépasse totalement. Pour moi, c’est une forme d’écriture, une calligraphie. Les dessins remplacent les mots, mais font partie de la narration. Il n’y a pas qu’Astérix…»

De passion… et de défis financiers

Selon son expérience, possible de vivre des profits d’une maison d’édition? «Oui, mais ce n’est vraiment pas facile. Tu me parles dans un moment plus difficile justement. J’ai tenté de développer le côté anglophone de Pow Pow, et ça marche moins bien que prévu. Je me demande souvent si je prends les bonnes décisions. C’est beaucoup d’essais et erreurs. J’ai été chanceux, je suis tombé sur les bons livres.» Vivre de sa passion, c’est souvent loin d’être un choix qui inclut un salaire blindé et des conditions de travail folles…

C’est sans parler des auteurs, qui reçoivent plus souvent qu’autrement des montants bien peu élevés pour leur dur labeur. «C’est vraiment long faire une bande dessinée! Certains bédéistes vont avoir droit à des chèques très bas, parfois de 1000 ou 2000 dollars pour un titre. Tu ne vas pas chier loin avec ça. C’est rare de véritablement en vivre, et il faut vraiment que ça tente à l’auteur!»

Est-il tout de même optimiste face à l’industrie du livre? «Eh boy. Ça dépend des jours. Publier un livre, c’est facile. Vendre un livre, c’est dur. La compétition ne vient même pas des autres éditeurs, elle arrive surtout de Netflix, de Spotify, des vinyles, même des jeux vidéos… Pas des livres électroniques par contre. J’ai l’impression que l’objet va rester, comme la radio et la télévision. Quand on pense qu’un compte Netflix ou Spotify c’est seulement 10 dollars par mois, et qu’un livre coûte autour de 25 dollars! Je pense que c’est l’industrie qui va devoir s’adapter. Par exemple, c’est bien qu’il y ait des salons du livre partout, mais c’est très cher y aller et c’est très long. J’ai l’impression que ce sont de vieux réflexes qui ne conviennent plus à la réalité d’aujourd’hui.» Que lui souhaite-t-il à cette fameuse industrie qui a besoin de se dépoussiérer un peu? «Vendre plus de livres!» Voilà qui est clair.

Derrière la couverture – Point sur l’industrie du livre au Québec, un dossier à suivre chaque semaine

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