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Anya della Croce, programmatrice à Fri-Son (Suisse)

Anya della Croce, programmatrice à Fri-Son (Suisse)

Qui êtes-vous et quel est votre parcours?

Je m’appelle Anya della Croce, j’ai 38 ans, je vis en Suisse et je suis active dans le milieu de la musique depuis maintenant 18 ans.

J’ai fait le tour de pas mal de choses avant de trouver ce qui me plaisait vraiment et surtout là où j’avais les meilleures compétences. 

J’ai commencé par un stage à la programmation et l’organisation d’événements pour une chaîne d’établissements à Lausanne (5 restaurants/1 club). J’étais en charge de l’organisation de tous les événements spéciaux, des expositions ainsi que de la programmation d’une petite salle de concert de 250 places. 

J’ai ensuite été engagée comme assistante dans une agence de booking, puis comme attachée de presse dans une maison de disque. 

En parallèle, j’ai fait des études en animation socioculturelle, ce qui m’a amenée à Bruxelles pour quelques mois puis à être engagée chez AMG, depuis devenu Two Gentlemen. J’ai eu la chance de toucher tant au management d’artistes qu’à la production de tournée et au booking.

J’ai travaillé pendant plus de 6 ans avec les Young Gods comme directrice de production et de tournée, j’ai donc beaucoup voyagé, pour autant qu’on puisse parler de voyage quand on parle de tournée! 

Pendant 4 ans, j’ai sillonné les festivals suisses en tant que tour manager pour la chaîne de radio nationale Couleur 3. 

En 2008, j’ai été approchée par le For Noise Festival pour reprendre la programmation. Cela faisait des années que je n‘avais plus fait de programmation, mais j’avais envie de relever le défi. 

Le festival s’est arrêté l’an dernier, mais j’ai été à la tête de la programmation pendant 9 belles années. 

En 2011, j’ai quitté Two Gentlemen pour monter ma propre structure. Avec mon acolyte de longue date, nous avons créé PASS PASS et nous offrons des solutions de promotion, communication et gestion d’événements culturels. Nous avons ainsi eu l’occasion de travailler pour divers festivals, pour des projets plus associatifs ou au contraire plus institutionnels. 

On peut dire que je suis assez polyvalente, mais j’ai surtout eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment, et surtout elles m’ont fait confiance. 

Votre emploi actuel: 

Je suis programmatrice ou directrice artistique à Fri-Son, à Fribourg en Suisse. 

Je garde quelques mandats en parallèle gérés par PASS PASS, comme la production artistique du festival Blues Rules à Crissier, un peu de consulting et je suis également active dans le domaine de la formation.

Parlez-nous davantage de Fri-Son et des services offerts: 

Fri-Son est une association à but non lucratif. Il s’agit d’une salle de concert de 1200 places qui a été créée en 1983. Nous fêterons les 35 ans du club l’an prochain. 

La salle peut être un peu réduite, et depuis 2001 nous avons également un petit club de 300 places qu’on appelle la Bobine. 

C’est une salle historique en Suisse qui se situe à la frontière entre la Suisse alémanique et la Suisse romande et qui, par conséquent, est bilingue. 

Fri-Son est jusqu’à ce jour la plus grande salle de concerts de Suisse romande à gérer l’entièreté de sa programmation de manière indépendante. Il est en effet très important pour nous de pouvoir décider de la ligne artistique, et ce, tant dans la programmation des concerts que dans l’accueil de DJs régionaux, nationaux et internationaux. La programmation propose un panorama du paysage musical actuel, dans tous les styles de musique dites actuelles, tant par la programmation de groupes de renommée que par les découvertes de nouveaux artistes. 

Le bureau emploie 9 personnes à temps partiel, mais la totalité des collaborateurs représente plus de 150 personnes. Nous travaillons avec différents « groupes » pour la gestion de la salle au quotidien (bar, sécurité, vestiaire, décoration, organisateurs de soirées non concerts, catering ou encore accueil). C’est un peu une grande famille: l’intégration est un point important, tout comme la formation. Chaque année, Fri-Son forment de nombreuses personnes aux métiers du spectacle: communication, production, accueil du public et surtout technicien son et lumière.

Notre mission consiste également à soutenir la scène locale et nationale; on accueille régulièrement des résidences et ils ont une place importante dans notre programmation. 

Fri-Son est ouvert tous les jeudis, vendredis et samedis, en plus des soirs de semaine où il y a des concerts. Par conséquent, nous avons une grande partie de notre programmation qui n’est pas des concerts. On propose des soirées DJ, des rollerdiscos, des soirées cinéma ou encore des soirées Ping Pong. On a également les traditionnelles soirées de Noël et de Nouvel An. 

Quels sont les enjeux pour une programmatrice? 

Ce qui est toujours délicat, c’est de trouver le bon équilibre entre le fait de devoir remplir la salle (qui est grande) et le fait de pouvoir proposer des artistes de qualité et de vraies découvertes. Nous avons la chance de pouvoir moduler la capacité de la salle, ce qui nous permet également de faire des concerts plus intimistes et avec moins de pression financière. Il ne faut pas non plus oublier qu’on ne programme pas pour soi, mais pour le public.

L’une des problématiques en Suisse est le fait que c’est un petit territoire et qu’il y a énormément de salles et de festivals. La concurrence est donc rude et il faut souvent se battre pour pouvoir confirmer un artiste, sans pour autant faire monter les enchères et offrir trop d’argent, ce qui casse le marché. Il y a aussi les problèmes d’exclusivité; avec une capacité de 1200 places, je ne peux pas remplir la salle si le groupe fait 3 concerts en Suisse. 2 c’est souvent le maximum, et il faut s’assurer que l’autre date ne se fera pas trop près. Après, certains groupes ne font même plus de date en Suisse sur certaines tournées: le marché discographique est lui aussi petit, et donc ce n’est pas une priorité pour les labels ou maisons de disques. Mais les cachets sont de manière générale assez élevés (c’est bien connu, la Suisse est un pays riche…), donc c’est souvent là-dessus que cela se décide au final. En revanche, Fri-Son bénéficie d’une renommée internationale et a une histoire, donc je n’irais pas jusqu’à dire que c’est facile à programmer, mais en général ça aide, car les agents et/ou les artistes connaissent le nom de la salle et sa réputation. 

J’ai particulièrement de plaisir à suivre les artistes qu’on programme pour la première fois et j’essaie donc de les re-programmer sur les tournées suivantes. Cela a été le cas de Kate Tempest, qui était venue en 2014 pour son premier concert en Suisse et qui a choisi de revenir à Fri-Son pour la sortie de son deuxième album, alors qu’il y avait énormément d’intérêt de la part de nombreuses salles. Elle nous a d’ailleurs promis qu’elle reviendrait jusqu’à ce qu’on fasse un sold out! Je trouve important de chérir les relations qui peuvent naître entre un artiste et la salle, et bien évidemment avec le public aussi. 

Une des choses qui a beaucoup changé ces dernières années est que la majeure partie des artistes internationaux tournent avec un support, ce qui nous rend les choses plus difficiles pour mettre en avant la scène locale et leur proposer de belles premières parties. On doit donc trouver d’autres moyens pour les soutenir. 

Je dirais aussi que la particularité de ce métier est qu’il s’agit de culture et d’art, mais que c’est un vrai business: parfois on parle plus d’argent que de musique, c’est dommage. Je pense qu’il est important de se rappeler que nous sommes là pour «divertir» les gens (même si je déteste ce terme), pour leur donner du plaisir, partager un moment; nous ne sommes pas médecins, nous ne faisons pas la guerre, il n’y aura pas mort d’hommes si on ne répond pas à un mail dans la minute ou si on prend quelques jours de vacances. Je trouve que les gens ont parfois tendance à l’oublier… 

Et puis ce qui compte au final, c’est le concert, c’est ce moment de partage entre l’artiste et son public, entre les gens du public entre eux, avec les gens qui travaillent sur la soirée aussi. C’est pour ça que j’aime ce métier, on crée des liens tout le temps, on partage des émotions, et quand on a des frissons, c’est là que la magie opère. 

3 conseils pour ceux qui veulent se lancer dans une carrière musicale?

1. Sois curieux! Tout le temps! Va voir des concerts, écoute de la musique, renseigne-toi!

2. Le réseau, c’est une des choses les plus importantes, et il faut l’entretenir! 

3. N’oublie jamais de rester passionné.

Fri-Son

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