Le FRIMAT, pour Festival de la relève indépendante musicale en Abitibi-Témiscamingue, est comme son nom l’indique un événement offrant une vitrine aux groupes de la relève (et quelques beaux prix). Il permet également aux Valdoriens de voir une dizaine d’autres groupes en concert au cours de la fin de semaine. Le tout se déroule dans une ambiance joyeuse et communautaire (dans le sens le plus noble du terme, relatif à la communauté): il suffit de voir la nuée de bénévoles dévoués à l’oeuvre pour le comprendre.
Mon premier FRIMAT a débuté le mercredi soir 19, alors que la lumière dorée de la fin du jour illuminait les lettres FRIMAT et l’avion planté devant la salle Félix-Leclerc; salle point d’ancrage du festival où se déroule tous les soirs le concert principal et où prend place la vitrine.
C’est devant ce même avion que mon festival se terminera, dans le creux de la nuit du samedi à dimanche, lors d’une absurde guerre de crêpes, une tradition que l’équipe du FRIMAT poursuit bon an mal an pendant le FME, mais à laquelle je n’avais jamais eu la chance d’assister. Une manière mémorable de boucler mon périple valdorien.
Même sans savoir que ça allait se conclure d’aussi belle manière, dès la première soirée, on a compris qu’on assistait à quelque chose d’important.
C’est Louis-Philippe Gingras qui a cassé la glace mercredi, notamment avec sa pièce Hôtel Continental, inspirée du lieu même où on dort pour la durée de notre séjour. On se dit que ça augure bien quant à être à la bonne place au bon moment, et les prochains jours tendront à nous le confirmer.
C’est Émile Bilodeau qui suit, devant une salle pleine malgré le milieu de la semaine, et on est soufflé par le galon qu’a pris le jeune homme en deux ans à peine. Alors que le parterre, composée de jeunes adultes, connait ses chansons par coeur et les entame sans se faire prier, le chanteur livre son matériel avec une grande maîtrise et un plaisir évident. Ses interventions renforcent un lien qu’il crée sans peine avec le public, se montrant tantôt drôle, tantôt vulnérable, toujours attachant. Un artiste à surveiller, que ses chansons nous touchent ou pas.
Le lendemain, c’est Francis Faubert qui ouvre le bal lors d’un 5 à 7. Accompagné de Mat Vézio à la batterie, il livre avec intensité ses chansons rugueuses et son rock abrasif devant un public un peu réduit mais attentif, alors que dehors le ciel se déchire et que des trombes d’eau en tombent. Faubert a eu la bonne idée d’inviter à se joindre à lui en début de concert son ami d’enfance et poète Benoit Legros, du collectif Joual de bataille, dont les textes résonnent longtemps une fois déclamés.
La deuxième soirée voit défiler sur la scène Caravane, quatuor rock abrasif dont les envolées vocales rappellent parfois At The Drive-in, et qui cherche à faire vivre aux spectateurs une messe dont le rock serait le nouveau p’tit Jésus (eau bénite incluse). Le chanteur se démène, les cheveux vont et viennent et la foule répond à la proposition avec enthousiasme.
C’est Lubik, incarnation la plus probante du rock abitibien actuel, et ayant accessoirement raflé les prix du public et du jury lors de l’édition 2013 du FRIMAT, qui enchaîne. Dans ce qui sera possiblement le meilleur spectacle que nous verrons pendant le FRIMAT, le chanteur Alexandre Picard nous fera une démonstration de son énergie débordante et de son bonheur d’être là. Il saute partout avec le sourire, ne reste pas en place deux secondes et effectue même des petits sprints autour des autres musiciens, entre deux sauts. Sa bonne humeur est tout à fait contagieuse et l’aller-retour d’énergie entre la foule et le groupe poursuit un improbable crescendo, ayant déjà commencé haut. On sent dans ses interventions un amour sincère envers le public et une foi inébranlable en la curiosité (musicale, dans ce cas-ci) des gens.
Et à passer quelques jours ici, on le comprend. Ce qu’on trouve le plus beau, pendant le festival, c’est de constater la confiance des festivaliers envers ce que propose l’équipe organisatrice et la générosité du public lorsqu’il aime ce qu’il entend et ce qu’il voit. (Attention à ne pas étirer indéfiniment les jams par contre: la salle risque de malheureusement se vider de presque moitié, même si ce sont Fred Fortin et sa bande de très talentueux musiciens qui se laissent emporter par l’inspiration du moment.)
Cette confiance est palpable lors des fins de soirée au Prospecteur, où ont défilé Mordicus et son rock rétro, les Vulvets et leur plotte-surf puis La Bronze avec sa pop-électro scintillante pour conclure. Chacune des soirées s’est surpassée par son ambiance joyeuse et bruyante, et par le body surfing qui s’est fait sans parcimonie. Le bonheur était aussi au rendez-vous lors du spectacle des Soeurs Boulay, accueillies par une foule compacte qui connaissait très bien leur répertoire.
Prospection de talents
Aspect non-négligeable du FRIMAT, la vitrine des groupes de la relève mobilise particulièrement les festivaliers d’année en année, permettant de faire de belles découvertes et d’encourager les participants qu’ils connaissent. Afin d’assurer de s’assurer un bassin toujours renouvelé de candidats tout en gardant sa cohérence, le concours se décline en deux catégories: la première pour les groupes vivant en Abitibi, et l’autre pour les formations musicales dont au moins l’un des membres est originaire de la région. Cette année, ce sont six groupes qui se sont succédés sur deux jours.
Le premier soir, on a eu droit à Saturn’s Assembly, originaire de La Sarre, dont les influences se trouvent résolument du côté métal (et qui compte parmi ses membres un duo père-fils fort attachant), Van Tassel, qui propose un rock accrocheur et mélodique qui peut évoquer les belles années de Weezer, ainsi que Shawn Wine and The Winos, dont les mélodies rappellent parfois Mumford and sons, avec le banjo et l’instrumentation nerveuse.
Le deuxième soir, c’est le charismatique Guillaume Rivard qui a débuté la soirée avec ses chansons dépouillées empreintes de nostalgie. Dans un tout autre style, les Génies Bouchard ont offert un hip hop énergique, bien ficelé et particulièrement accrocheur. C’est Marjolaine Morasse, à la voix puissante et à l’instrumentation délicate, qui a conclu la soirée en offrant ses chansons à l’univers chaud et piquant comme la laine qu’elle affectionne tant.
Cette dernière a remporté le Prix du public du samedi et le Prix Saint-Jean-Baptiste, alors que la bande de Shawn Wine and The Winos, en plus de remporter le Prix du public du vendredi soir, est aussi repartie avec les Prix Les Enracinés et Les Beaux à voir. C’est Van Tassel qui s’est mérité le Prix FME, s’assurant une participation au populaire festival.
Mon premier FRIMAT m’a permis de renouveler le constat que le peu d’attention médiatique donnée aux projets loin de la métropole n’a rien à voir avec un immobilisme culturel. Au contraire, il semble que les gens passionnés et les projets que ceux-ci portent avec coeur ont d’autant plus d’impact qu’ils ont l’espace pour rayonner et faire une différence dans leur communauté. L’aventure marque de mon côté un coup de coeur renouvelé pour l’Abitibi. Nous nous reverrons!
Merci d’ailleurs à Tourisme Abitibi-Témiscamingue et à l’Office du tourisme et des congrès de Val-d’Or, particulièrement à Nancy Arpin, pour avoir partagé avec nous différentes activités coups de coeur de la région.
FRIMAT à Val-d’Or