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Entretien avec Nathalie Bourget, fondatrice de l’agence RubisVaria

Entretien avec Nathalie Bourget, fondatrice de l’agence RubisVaria

Parlez-moi de vous et de votre agence RubisVaria:

Cela va faire presque 11 ans que j’ai démarré ma propre agence. J’en suis la propriétaire. L’agence RubisVaria fait du booking et de la production de spectacles majoritairement. J’ai une artiste en gérance également, mais pour la majorité des artistes, c’est du booking et quelques-uns en production de spectacles.

Qu’est-ce qui a changé depuis que vous avez commencé à travailler il y a 11 ans?

C’est certain que le milieu beaucoup changé. Avant [de lancer] ma compagnie, j’ai travaillé 9 ans chez Spectra, au Festival de jazz et aux Francofolies il y a longtemps. Le marché est beaucoup plus difficile qu’il y a 11 ans, encore plus qu’il y a 20 ans disons, où c’était beaucoup plus facile de faire circuler un artiste en spectacle. C’était beaucoup plus facile avant de développer des artistes de relève et de pouvoir les positionner. 

Aujourd’hui, il y a énormément de compétition, il y a beaucoup plus d’artistes aussi qui tournent en même temps et beaucoup moins de ventes de billets. Il y a une grosse problématique dans la vente des billets en général: les gens sortent moins, ils ont moins le goût d’aller voir des spectacles, les gens gardent l’argent pour voir un ou deux de spectacle par année de grosses pointures américaines ou internationales au lieu d’encourager les artistes locaux.

Pourquoi cette tendance de la population à moins sortir?

On est dans une ère du « cocooning ». Les gens aiment mieux se faire un souper entre amis que d’aller voir un spectacle. Ils ont moins besoin de sortir, sont moins portés vers la découverte et la culture qu’ils ne l’étaient auparavant peut-être. Cela dépend des générations. Je trouve qu’il y a chez les plus jeunes beaucoup moins d’intérêt à découvrir. Ils vont encore voir des spectacles, mais plus que des grosses pointures internationales. 

C’est quelque chose qui affecte aussi la vente des billets en général. Il y a de plus en plus de festivals et d’événements gratuits. C’est bien pour faire découvrir des artistes, mais je trouve qu’en général cela nuit à la vente des billets durant le restant de l’année. Souvent, les gens attendent de voir un concert gratuit durant un festival l’été.

Qu’est-ce qui a changé dans votre travail avec l’artiste?

Les outils de promotion ont beaucoup changé par rapport au web. Quand je vais signer un nouvel artiste, je m’assure que ce soit quelqu’un de fort en réseaux sociaux, parce qu’en tant qu’agente de spectacle ou productrice, ce n’est pas mon mandat que de développer son public. Il a une grande part à faire pour se faire découvrir. 

Donc je m’assure tout le temps que le travail soit fait par l’artiste, ce qui n’était pas le cas avant. On se basait beaucoup sur la compagnie de disque, sur la gérance. On demande beaucoup plus aux artistes aujourd’hui que l’on demandait avant. 

Auparavant, l’artiste se laissait bercer. À part créer sa musique, il n’avait pas grand chose à faire. Mais maintenant, chaque artiste a vraiment la responsabilité d’alimenter ses réseaux sociaux, de les personnaliser, il doit beaucoup plus s’impliquer dans son développement de carrière je trouve. Il y a de moins en moins d’artistes gérés aussi. Les gens ne veulent pas prendre de risque et les artistes doivent s’autogérer.

Comment est-ce que vous ressentez la crise dans votre travail et comment est-ce que vous la confrontez?

C’est plus difficile, car on fait moins d’argent à cause des ventes qui ont baissé. Mais on essaye de travailler en relation très étroite avec les autres partenaires pour faire découvrir un artiste le plus possible. 

Il y a eu beaucoup de coupures de subventions à tous les niveaux aussi, donc on prend moins de risque pour faire circuler des artistes. Ces dernières sont de moins en moins élevées aussi, les cachets ont énormément descendu par rapport à il y a 20 ans. Et je ne parle même pas de ventes d’albums, uniquement des ventes de spectacles. 

La situation n’est pas très rose en ce moment. Mais on essaye tous de trouver des solutions pour aider le monde du spectacle. On crée des débats, on tente des rencontres. Mais il n’y a pas de miracles…

Quelles sont les solutions que vous essayez de trouver?

Tout passe par le développement et la visibilité qu’on peut donner à un artiste. Plus on le fait découvrir, plus les gens vont avoir le goût d’aller le voir en spectacle ou d’acheter son album. Le problème, c’est qu’on a de moins en moins de plateformes disponibles pour faire découvrir un artiste. 

Avant, cela se faisait beaucoup par la télévision, par des émissions qui permettait aux artistes d’aller y performer. Maintenant tout passe par le web. Mais le web est immense! Donc ce n’est pas forcément facile d’y attirer l’attention: il faut créer des buzz, travailler sur les médias sociaux, la publicité. Le travail est de plus en plus difficile aussi parce qu’on a énormément de talents ici! On a beaucoup de bons artistes, et malheureusement ce ne sont pas toujours les meilleurs qui circulent.

Qu’est-ce qui vous amène à un événement comme les Rendez-vous Pros des Francos?

Cet événement permet de créer des relations avec d’autres membres de l’industrie. C’est le moment de faire des rencontres et puis d’avoir la chance de discuter avec des gens qui font le même métier que nous finalement. 

C’est un événement qui est très convivial: des cocktails sont organisés tous les jours, on rencontre plein de gens. Il y a également la possibilité de rencontrer des délégations internationales. Les rencontres pro organisent aussi des speed meeting où on a la chance de présenter nos artistes à des délégués internationaux, ce qui est très intéressant pour le développement international des artistes en général. On en profite pour faire découvrir notre catalogue au complet. Il y a aussi les vitrines organisées par des compagnies de disque, ce qui permet de donner une visibilité aux artistes. 

NDLR: Les propos de cette entrevue ont été condensés.

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