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Julien Álvarez Thomet, producteur, auteur, compositeur et interprète pour Bombolessé

Julien Álvarez Thomet, producteur, auteur, compositeur et interprète pour Bombolessé

Parlez-moi de votre groupe de musique Bombolessé:

On fait de la musique brésiliennisée. Je suis né à Cuba et j’ai grandi au Brésil. Mon père est Français et ma mère Espagnole, donc je suis très mélangé. J’écris en français, en portugais, en espagnol. J’ai appris la musique au Brésil, ce qui fait que j’ai un style très brésilien dans la composition de jeu. Dans le groupe on est tous très influencé par la musique brésilienne. On fait globalement de la musique métissée.

Comment est-ce que vous gérez votre carrière musicale?

On a une petite équipe: un agent de spectacle au Canada, une consultante qui fait des demandes de subventions, une petite relation de presse qui fait tous nos contacts avec les médias. Mais on est pas mal indépendant. C’est nous qui décidons en général où est-ce qu’on va faire des tournées. Les subventions au Québec, c’est ce qui nous fait survivre, parce que sinon c’est très difficile ici de vivre de ça.

Comment est-ce que vous ressentez la crise de l’industrie musicale?

C’est catastrophique! On est un groupe qui a été formé en 2003. Cela fait presque 15 ans qu’on roule et on a vraiment vu toute la chute des dernières années. On a trois CDs et les trois ont vraiment écrit trois grandes périodes. Le premier c’était encore la belle époque où l’on vendait des disques en magasin et on passait à la radio, à la télé même. Après le deuxième disque, les ventes en magasin ont commencé à chuter, puis plus de télévision, de moins en moins la radio, mais les ventes iTunes ont compensé les pertes, ça allait. Depuis qu’on a sorti le troisième disque il y a 2 ans, c’est la dégringolade totale. On ne vend même plus de CDs en concert. On a Spotify maintenant qui coûte 10$ par mois, pourquoi est-ce que tu vas acheter un disque? Mais ce qui est génial avec ce nouveau moyen, c’est que maintenant on peut se faire connaître. Parfois ça fait même revivre d’anciennes chansons que les gens se mettent à écouter. C’est super pour la visibilité.

Comment est-ce que vous faites pour survivre dans ces conditions?

On essaye vraiment de jouer partout, que ce soit au Canada, en Europe ou ailleurs, et surtout de faire beaucoup de demandes de subventions. On fait 10 demandes par années, on en a une. La compétition est féroce. Les seules subventions qu’on a plus facilement, ce sont celles des tournées. C’est pour cela qu’on tourne beaucoup aussi, parce que le gouvernement a un intérêt à faire tourner les artistes pour contribuer au rayonnement de l’image du Canada et du Québec.

Comment est-ce que vous vous voyez affronter cette crise?

On ne fait que parler de cette crise. J’ai le sentiment qu’on est comme des poulets sans têtes. C’est comme si on était lâché dans la forêt tout seul et on ne sait pas trop comment s’y prendre. Tout le monde a plein d’idées: il y en a qui disent qu’il faut diversifier un maximum le nombre de projets, avoir une version acoustique par exemple, créer des ateliers musicaux, s’axer aussi vers des ateliers dans les écoles, d’autres proposent des tournées dans les parcs, le retour des spectacles dans les petits lieux, les subventions aussi.

Et vous, qu’est-ce que vous avez envie de faire, quelles sont vos solutions?

Au lieu de faire un album, on va faire des EP. On ne va même pas se fatiguer à faire un disque physique, on va plutôt opter pour une approche visuelle YouTube. Aujourd’hui, il n’est plus juste question de musique, il faut beaucoup plus se diriger vers le visuel, le concept, l’idée sur la façon de véhiculer les chansons. Ce n’est plus tant la chanson qui compte, mais beaucoup plus ce qu’on présente. La vidéo donne plus de visibilité à une chanson. Sinon, la meilleure formule, selon moi, c’est de continuer à écrire des chansons au maximum. Le futur des musiciens est surtout dans l’écriture, dans la composition, car le futur est dans les éditions, dans tout ce qui est droit d’auteur. Tout le monde a besoin de musique, que ce soit les jeux vidéo, de nouvelles chaînes de télévision, des canaux YouTube, la radio, et ils paient pour.

Sinon il y a la voie de l’interprétation, car il y aura toujours des contrats, des spectacles. Mais c’est triste parce qu’on n’arrive même pas à faire monter les tarifs des cachets des musiciens. Les prix n’ont pas bougé depuis que j’ai commencé. Moi, par exemple, pour vendre ce qui me reste des CDs je vais faire du porte-à-porte. Il faut diversifier les approches. Il ne faut pas avoir la grosse tête et être très humble, prêt à redescendre les marches. On a dû redescendre beaucoup de marches avec le groupe…

C’est triste d’entendre ce que vous dites… Et qu’est-ce que vous cherchez à un événement comme les Rendez-vous Pro des Francos?

Auparavant, on était dans une petite rivière où il y avait toujours du saumon. Aujourd’hui, on est dans un océan immense avec des courants partout, et on a juste une petite ligne pour pêcher. Donc il faut vraiment qu’on se fasse un immense filet de pêche pour le lancer dans l’océan et voir où est-ce que ça va mordre, où est-ce qu’on va attraper un poisson. La pêche est devenue industrielle. On a besoin d’idées et de voir ce qui se fait ailleurs, trouver des conseils et puis se faire des contacts, des alliances, se trouver des partenaires. On cherche toujours à se faire des partenaires internationaux. Par ailleurs, on nous donne beaucoup d’outils dans ces formations-là. C’est super, il y a toujours quelque chose à prendre.

Je vous souhaite beaucoup de courage et de succès pour votre avenir musical, malgré toutes les difficultés présentes!

Merci! Du succès on en a, le problème est plutôt financier. Mais ce n’est pas grave, on fait ce qu’on aime! Même en faisant du porte-à-porte, je suis quand même heureux. 

Bombolessé

NDLR: Les propos de cette entrevue ont été condensés.

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