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«Achetez du cache-cernes!» – Marie-Pier Hamon, rédactrice en chef de M Webzine

«Achetez du cache-cernes!» – Marie-Pier Hamon, rédactrice en chef de M Webzine

On réfère souvent aux blogues et webzines comme une nouveauté dans le monde médiatique, alors que certains commencent à sérieusement s’organiser et même, à répondre à des besoins que les médias traditionnels n’arrivent plus à remplir. Comment les nouveaux joueurs arrivent-ils à se faire une place dans ce monde qui perd de plus en plus ses airs de chantier chaotique? 

Si lancer un blogue ou un webzine spécialisé en culture underground et émergente répondait à un besoin criant de la scène artistique il y a quelques années, ce n’est plus autant le cas aujourd’hui au Québec. Les plateformes se sont multipliées, spécialisées, définies, et une sélection naturelle a permis aux plus forts – ou aux plus obstinés, c’est selon – de maintenir la barque à flot. Qu’est-ce qui peut motiver les jeunes blogueurs en herbe à se lancer dans un monde qui se structure, oui, mais qui présente encore des règles financières floues et où les premières années riment inévitablement avec bénévolat?

«Je n’ai pas lancé M Webzine pour combler un manque de couverture. Au contraire, je pense que la scène alternative est maintenant super bien desservie. Je pense juste que c’est important d’encourager cette musique-là. Ça va plus me chercher. La musique de CKOI, j’en écoute pas! C’est vraiment par intérêt personnel: mon webzine, j’en mange!», lance celle qui a d’abord fait ses armes chez les Nerds.

Gérer un webzine… à travers tout le reste

Débuter un projet comme M Webzine, ça demande beaucoup de temps et d’investissement personnel. «Je pense que les gens ne réalisent pas. J’en reviens pas, c’est un bon 40h. Quand j’ai un samedi soir libre, je capote!» Celle qui gagne sa vie comme enseignante au secondaire et qui complète actuellement un certificat en journalisme à l’Université de Montréal – oui oui, en plus de gérer un webzine – avoue que le cache-cernes est son meilleur ami. «Je me dis tout le temps que je devrais être commanditée par CoverGirl! Un jour, j’étais tellement fatiguée que j’ai compté le nombre d’heures où je travaille dans une semaine… Et j’ai réalisé que c’était de 70 à 80 heures.»

Du temps qui paie – en quelque sorte – puisque Hamon a réussi à se forger une belle réputation dans le milieu en moins d’un an. «Le webzine est né le 1er juin 2016. Ça s’est fait sur un coup de tête, dans un cours de journalisme en ligne. Très vite, j’ai eu un super bel accueil des festivals. Quand le FME m’a donné ma première accréditation, je me suis dit “Ça y est!”.» Entourée d’une poignée de collaborateurs avec qui elle aime particulièrement travailler, la rédactrice en chef a à coeur d’offrir du contenu de qualité, qu’elle publie des entrevues, couvertures ou articles funkys. «Il y a de très bons blogues sur le web, et aussi des sites qui manquent énormément de qualité. Fautes dans le titre, photos choisies à la va-vite… C’est peut-être pour ça qu’il y a un manque de respect envers ce travail.»

Un manque de respect? «Dans le milieu, c’est très reconnu. Mais lorsque j’en parle avec mes proches – pas des amis, mais des collègues disons -, certains vont banaliser le fait que c’est un blogue, les heures investies… J’ai l’air de généraliser, mais je suis consciente que ce n’est pas tout le monde qui pense comme ça!» Si les gens qui travaillent dans les médias ont eux-mêmes de la difficulté à suivre ce qui se passe, imaginez les personnes qui ne travaillent pas dans ce domaine! Les zones de flou ne sont pas rares et les incompréhensions, nombreuses.

Entre 514 et 450

De son oeil nouveau dans le milieu, comment perçoit-elle la scène alternative actuelle? «Elle va bien, mais j’ai l’impression qu’elle n’est pas très connue des gens hors Montréal. Si je parle de Dead Obies à mes ados par exemple, 1 sur 30 va connaître ça. Ça me surprend! Les jeunes écoutent plus de la musique mainstream. On dirait que dès qu’on passe le pont vers le 450, ça change drastiquement.» Mais Hamon est convaincue: les artistes à découvrir ne manquent pas. «Ben oui!» s’exclame-t-elle avec enthousiasme. «Juste aux Francouvertes, c’est bourré de talent.»

Comment vit-elle d’ailleurs avec tous ces talents, mais si peu d’heures pour les découvrir ou même, en parler dans son webzine? «Il faut que je survive!» lance-t-elle en riant. Celle qui se verrait encore couvrir des shows à 50 ans, toupet gris au vent (sous une jolie teinture CoverGirl, bien sûr), a-t-elle un conseil pour les petites Marie-Pier qui aimeraient suivre ses traces? «Foncez, allez-y! Au pire, ça ne marchera pas. Ah et achetez du cache-cernes!» 

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