«J’essaie de combler mon besoin d’essayer d’aider le monde et de partager avec mes dessins, affirme l’illustrateur. En faisant des dessins qui peuvent faire sentir bien les gens, peut-être les relaxer, les motiver…»
C’est un constat qui survient assez rapidement lorsqu’on discute avec Fred Gingras: ce besoin d’être utile, d’améliorer le monde à son échelle. Alors qu’il souhaitait se diriger en psychologie, puis en travail social, la vie en a fait autrement: un contrat en rédaction, puis d’autres en illustration et en graphisme ont fait de lui un illustrateur dont la fibre altruiste nourrit son travail.
Même s’il dessine depuis sa tendre enfance, ça ne fait pas si longtemps que le jeune homme se considère illustrateur. Depuis presque deux ans maintenant, il publie pratiquement tous les jours un dessin sur instagram, étayant son portfolio et élargissant son réseau (avec notamment près de 20 000 abonnés).
Si ses dessins était auparavant riches en textures et en détails, bien qu’avares de couleurs, son travail a pris une tangente minimaliste ces derniers mois, entièrement en noir et blanc, se concentrant sur son message.
«J’étais un peu trop académique à mon goût. J’ai de la misère à me détacher des proportions, avoue-t-il. Donc de plus en plus j’essaie de limiter mes médiums pour ne pas pouvoir tomber là-dedans. J’utilise le pinceau ces temps-ci, donc c’est des traits qui sont variables, qui sont plus gros, plus larges, des fois qui manquent de noir d’un bord; c’est plus cru.» D’éliminer les détails, petit à petit, lui amène un sentiment libérateur.
Le changement dans son trait a aussi coïncidé avec une rupture amoureuse, qui a d’une part entrainé un désir de renouveau (notamment au niveau des cheveux et de la barbe, qu’il a respectivement coupés et laissé pousser), et un constat par rapport à son travail, alors très cynique dans le choix de ses sujets, qu’il a voulu rendre plus positif.
«Là, la réaction des gens a commencé à être différente. Je me suis rendu compte que les gens étaient vraiment, beaucoup plus que je m’y attendais, touchés par ce que je faisais. Encore aujourd’hui j’ai de la misère à réaliser les messages que je reçois: les gens sont vraiment intenses, et sont vraiment reconnaissants, et tu sens que je leur ai donné quelque chose».
Pour aller plus loin dans son intention de faire du bien, Fred Gingras a de plus en plus recours aux mots, qui parfois accompagnent ses illustrations, parfois les constituent à part entière (comme ci-haut). «Je m’ennuie d’écrire», laisse tomber celui qui a longtemps rédigé des chroniques.
«Ma blonde me dit que je ne suis pas un illustrateur, je suis plus un communicateur. L’illustration ça passe en deuxième, et elle a sûrement raison.» À preuve, les compliments concernant ses écrits le touchent davantage que ceux concernant ses images. «On dirait que mes dessins, pour moi, c’est moins intime. Ce que j’écris, je le sens que ça vient de plus loin en dedans de moi. Et que ce que j’écris, je ne serais peut-être pas capable de le dire à voix haute à quelqu’un. Surtout que le dessin, vu que j’essaie de le minimaliser de plus en plus, il reste l’émotion qui est là, mais elle est plus exactement la mienne.»
Une chose est certaine: l’amour demeure un sujet de prédilection pour l’illustrateur. «C’est comme une obsession que j’ai, l’amour, les relations hommes femmes.» Il trouve fascinant que ce sujet, traité depuis des millénaires, nous taraude à un point tel qu’il habite encore la plupart de nos créations. Il croit qu’il ne sert à rien de critiquer le rapport à l’amour de la nouvelle génération et souhaiterait qu’on évite de tomber dans la critique classique du c’était-donc-mieux-avant: «Aujourd’hui, on a peut-être plus accès à différents mots pour l’expliquer, ça fait qu’on sait peut-être plus trop quels utiliser, mais le sentiment, je pense que c’est le même.»
«Dans mes followers, c’est pas mal des femmes québécoises qui me suivent. Mais c’est fou de voir que ce que moi j’ai vécu, et qui m’a heurté, ou blessé et tout ça et que j’essaie de m’autoparler avec mes dessins à moi, ça vient toucher la même corde chez d’autres personnes: on est pas mal tous pareils dans le fond.»
Ainsi, les messages véhiculés dans le travail de Fred Gingras font du bien, aux autres comme à lui-même. «T’as pas conscience de l’impact que t’as sur les gens, donc aussi ben que cet impact-là soit le plus positif possible. Juste au cas!»
Ce soir, dans le cadre des soirées mensuelles Mardi sans dessin, à La Quincaillerie, les gens sont invités à venir colorier des dessins de Fred Gingras, spécialement pour la St-Valentin. Il est le premier à admettre que «[s]es dessins, ça se colorie moyen: y a comme deux zones de coloriage maximum par dessin», mais qu’à cela ne tienne, il a trouvé le moyen d’occuper les gens tout en restant fidèle à son style. Pour passer une St-Valentin différente, rencontrer l’illustrateur et découvrir ses goûts musicaux (c’est lui qui sera en charge de l’ambiance sonore), c’est un rendez-vous ce soir.