Le spectacle «The Goblin Market» suit les péripéties de deux sœurs devant faire face à leurs démons. Enivrées par les fruits offerts par des gobelins, elles découvriront le plaisir charnel, seront confrontées à la tentation, au sacrifice et devront se sauver d’elles-mêmes. La mise en scène du cirque The Dust Palace amène la performance multidisciplinaire à un autre niveau en fusionnant astucieusement les codes du cirque, du théâtre, de la poésie et de la danse.
La performance s’inspire d’un poème victorien pour enfants du même nom paru au 19 siècle. «Le poème de Rossetti est considéré comme l’une des premières œuvres qu’on pourrait qualifier de féministes dans l’histoire moderne», estime Eve Gordon. Publié en 1862, The Goblin Market est en effet une œuvre littéraire candide, mais bien en avance sur son temps. «On a gardé les thèmes déjà présents du pouvoir, de la sexualité et des relations entre femmes présents dans le poème, mais on a transposé l’intrigue dans notre univers contemporain, à la frontière entre le réel et le rêve.»
Une profusion de médiums et de disciplines s’entremêlent dans cette nouvelle mouture de «The Goblin Market». Les arts de l’acrobatie, du trapèze, du théâtre, des masques et de la lecture orale s’amalgament dans une fable où l’amour entre deux sœurs se révèle plus fort que tout.
Eve Gordon et seulement deux autres artistes se partagent la scène et effectuent ainsi un véritable tour de force en terme de prouesse physique. «L’art du cirque n’est pas encore très développé en Nouvelle-Zélande. C’est pourquoi nous sommes appelés à être extrêmement polyvalents. On doit faire tous les numéros, au lieu de se spécialiser dans un numéro en particulier.» Rares sont les spectacles de cirque ayant une si grande diversité de numéros avec une aussi petite distribution.
Comme le contenu a une saveur érotique, le spectacle est réservé aux personnes âgés de 16 ans et plus. Pourtant, «en Nouvelle-Zélande, la majorité de notre public était assez âgé. C’est dommage parce que les jeunes adultes risquent autant d’apprécier la prestation», croit Gordon.
Si la performance est lascive, les concepteurs n’ont pas nécessairement voulu verser dans la gratuité. «C’est davantage une façon comme une autre de raconter une histoire que pour choquer les gens. On ne s’est donné aucune limite dans la création, car on pense qu’il faut se donner un maximum de liberté au moment de concevoir ce genre de spectacle.»
La troupe The Dust Palace évolue dans la région d’Auckland depuis 2009. Avec The Goblin Market, elle en est à ses premières incursions dans le marché international. «Nous sommes venus à Montréal, parce qu’avec le Cirque du Soleil, le cirque Éloize ou encore les 7 Doigts de la main, c’est le berceau du cirque contemporain tel que nous le connaissons aujourd’hui», affirme Eve Gordon. Le voyage a aussi une valeur profondément affective pour Gordon, car elle a utilisé l’argent que sa grand-mère lui a légué à son décès pour faire du rêve d’une tournée une réalité. «En voyageant ainsi, on espère s’inspirer des dernières tendances en cirque dans les grandes capitales et aussi faire connaître notre art».
Lorsqu’on la questionne sur l’avenir de la troupe, Eve Gordon répond à la blague qu’ils souhaitent «conquérir le monde». L’artiste n’a pourtant pas entièrement tort, car les spectacles de The Dust Palace ont fait des vagues un peu partout de par leur esthétique épurée et leur grande originalité. «Depuis 7 ans environ, on développe notre marque de commerce, soit de prioriser la trame narrative à travers les numéros. On raconte une histoire avant de présenter une série de numéros. Personne d’autre ne fait ça en Nouvelle-Zélande et je crois que notre style reste dur à copier chez n’importe quelle autre compagnie circassienne.»
The Goblin Market par The Dust Palace
Au Théâtre Centaur du 15 au 17 novembre
Crédit photo principale: Jen Raoult