Très reconnu à l’extérieur des frontières de son pays d’origine, traduit en plusieurs langues, David Toscana s’inspire beaucoup du classique espagnol Don Quichotte pour façonner dans ses romans des univers à cheval entre le rêve et la réalité. Ses classiques comprennent L’Armée illuminée, Un train pour Tula et El último lector. Il est né en 1961 à Monterrey dans l’état de Nuevo León, au sud du Texas. Voici ses réponses à nos questions.
Vous avez fait paraître un nouveau roman cette année, Evangelia, qui explore l’idée que le premier enfant de Marie aurait été une femme. D’où vous est venue cette idée et qu’avez-vous eu envie d’explorer?
L’idée a simplement surgi pendant l’écriture d’un autre roman, Santa María del Circo [malheureusement pas traduit en français], dans lequel se déroule une tentative de crucifier une femme à barbe. J’ai pensé que l’idée en elle-même n’était pas suffisante pour en faire un roman, mais j’ai alors compris qu’il y a une énorme différence entre l’écriture d’un évangéliste et celle d’un romancier. Ce dernier n’a pas l’autorité divine, et donc il doit séduire et convaincre le lecteur avec des détails, de la vraisemblance et une prose captivante. En changeant le sexe du Messie et en l’écrivant du point du vue du romancier, j’ai compris que je tenais une toute autre histoire, même quand j’essayais de rester fidèle aux évangiles.
Quel a été votre premier contact avec l’écriture?
Je suis un lecteur depuis mon enfance. Ce n’est seulement que dans ma vingtaine, lorsque j’ai lu Don Quichotte, que j’ai ressenti l’immensité de la littérature et que j’ai eu envie d’y prendre part. Encore aujourd’hui, j’écris avec Don Quichotte en tête et j’essaie d’égaler Cervantes.
Votre écriture est marquée par le nord du Mexique, et vos personnages se situent souvent dans des villes frontalières. Croyez-vous que l’élection de Trump et le changement du paysage politique qui s’ensuivra aura un impact sur votre écriture?
Pas vraiment. J’ai toujours écrit sur le passé, à partir d’une certaine nostalgie. L’actualité n’a jamais porté ombrage à mon écriture.
Qu’est-ce qui selon vous distingue la littérature mexicaine en 2016?
Je ne sais pas, parce que je ne pensais pas que l’on pouvait considérer la littérature mexicaine comme étant unique. En ce moment, beaucoup de romanciers mexicains écrivent ce que l’on pourrait qualifier de «narconovelas», ce qui, en fait, sont des romans qui traitent des trafiquants de drogue, mais cela a déjà été fait en Colombie il y a des années. Bien entendu, si on étire le terme unique, on peut dire que tous les auteurs sont uniques, mais certains le sont plus que d’autres. Et en tant qu’équipe, ou nation, ou génération, les auteurs mexicains ont une forte tendance à s’inscrire dans le courant du réalisme littéraire, qui existe déjà et qui est loin d’être unique.
Si vous aviez trois auteurs mexicains à faire découvrir aux lecteurs québécois, quels seraient-ils et pourquoi?
Juan Rulfo – Il a écrit le meilleur roman et le meilleur recueil de nouvelles du Mexique. Son roman Pedro Paramo, que Gabriel Iaculli a récemment (et brillamment) traduit en français, est empreint de beauté et d’imagination.
Eduardo Antonio Parra – C’est lui signe en ce moment les meilleures nouvelles au pays; il traite de la violence avec un souci de la rendre universelle, sans opportunisme.
Jorge Ibargüengoitia – Il a écrit des parodies de l’histoire du Mexique et de l’Amérique latine. Son écriture est à la fois très drôle et très incisive. Un bon romancier pour goûter le Mexique!