Métier artiste: l’envers du décor: Ce sont des rencontres avec des artistes en arts visuels. Qu’ils viennent de la performance, de l’installation, de la peinture ou de la sculpture, mon but est de parler de leur situation économique. Je veux faire connaître aux lecteurs la situation d’emploi des artistes d’ici et la précarité que certains d’entre eux peuvent vivre. Sujet presque tabou, mais crucial. Voici donc l’occasion de découvrir des artistes d’une autre manière.
Cynthia est une femme pleine de ressources, toujours en action, qui mène plusieurs projets de front. Calme et posée, elle affiche en cette matinée ensoleillée un sourire serein. Peut-être est-ce parce qu’elle a confiance en ce que lui réserve le futur et qu’elle est prête à relever de nouveaux défis dans sa carrière artistique.
Les défis, ce n’est pas ce qui va manquer à cette artiste polyvalente en 2017, l’année s’annonçant comme un point tournant dans l’évolution de sa carrière. Elle expose présentement en solo à la galerie privée D’Este à Montréal sur le boulevard St-Laurent jusqu’au 9 octobre. Sa prochaine exposition sera au Musée national des beaux-arts du Québec dans le cadre de la Manif d’art, sans compter qu’elle a été conviée à exposer dans quatre centres d’artistes au courant de l’année. Ces expositions en centre d’artistes représentent énormément de travail, mais malheureusement un cachet minime qui ne lui permet pas d’en vivre. Ses cachets vont tout de même lui permettre de couvrir le prix de ses matériaux pour la réalisation de ses expositions.
Elle a également son premier projet de 1 % pour le CHUM en chantier. Si tout se passe comme elle le souhaite, elle envisage appliquer pour d’autres projets de 1 % afin de poursuivre son incursion dans cette avenue offerte aux artistes. Elle m’explique qu’elle doit être très organisée et que la gestion d’un projet de 1 % est similaire dans son fonctionnement à une PME. Elle doit tout d’abord trouver les bons fournisseurs spécialisés, puis négocier les contrats et gérer des devis en plus de travailler avec une contrainte de temps ainsi qu’un budget fixe. Cynthia possède une solide expérience en tant qu’entrepreneure grâce à son entreprise qu’elle a fondée il y a treize ans. Elle a donc l’habitude de ce genre de tâches et se débrouille dans les différentes sphères de ce métier: « Je suis bien dans ce que je fais et je me considère comme très chanceuse de pouvoir le faire. »
Elle gère également sa compagnie de sacs artisanaux qu’elle a créée lorsqu’elle a terminé son baccalauréat à l’université Concordia en arts imprimés en 2002. À l’origine, elle souhaitait faire quelque chose d’utilitaire avec sa formation. Elle a donc décidé d’imprimer en sérigraphie sur du textile pour en faire des sacs à main. Au fil des ans, sa compagnie a pris de l’ampleur et elle a pu engager une couturière à temps plein afin de l’aider. Elle m’explique que jusqu’à tout récemment, elle a souvent été en dilemme par rapport à ces deux statuts « Pendant de longues années, je me sentais comme une intruse dans les métiers d’arts et en arts visuels. Je me sentais toujours comme entre les deux. Aujourd’hui, je m’affirme un peu mieux. Je suis une artiste et une artisane. Le monde des métiers d’arts influence mon art et vice-versa. C’est vraiment perméable. »
Lors de ses présentations dans des salons, Cynthia découvre qu’elle a un réel plaisir à concevoir ses kiosques. Le défi est de fabriquer un espace tridimentionnel en proposant une atmosphère propice à la vente et à la découverte de ses produits. Cette découverte l’amène à développer des installations en arts visuels. Cynthia fabrique des décors avec de multiples objets choisis et de plus en plus, elle souhaite fabriquer elle-même les objets qu’elle choisit d’intégrer. Elle peut donc créer des pièces plus ambiguës qui entrent dans un univers surréaliste. Son souci du détail, presque maniaque, est omniprésent dans ses oeuvres où tout est réfléchi, qu’il s’agisse du revêtement de l’ameublement, de la tapisserie qu’elle crée, de ses objets en céramique ou des somptueuses sérigraphies coloriées à la main qui ornent les murs. Cynthia sait comment charmer les yeux et le coeur en proposant des installations qui regorgent de couleurs chatoyantes et d’objets précieux qui nous font découvrir son savoir-faire méticuleux.
Ultimement, Cynthia souhaiterait remplir sa bourse en combinant les revenus provenant de la réalisation de 1 %, de la vente de ses oeuvres et d’expositions en centre d’artistes plus expérimentaux. Elle dit en riant: « Je ne suis pas amère de mon choix d’être artiste. Je ne sens pas que je passe à côté de quelque chose, même au contraire. »
En ce moment à Montréal :
Botanical Bend à la Galerie D’Este
Jusqu’au 9 octobre 2016
Crédit image d’en-tête: Cynthia Dinan-Mitchell