L’histoire débute lorsque Jean-Daniel Petit, fondateur de la compagnie de canots et kayaks abitibi & co, constate que le monde du plein air, fragmenté en plusieurs disciplines sportives, gagnerait à être considéré comme une seule et même communauté. Il a envie de remédier à la situation par le biais d’un magazine, d’autant plus que de nombreux liens unissent les amateurs de ces sports et le développement durable et qu’une conversation se doit d’être engagée.
Il fait donc appel à Nicolas Langelier d’Atelier 10, « connaissant les belles réflexions que Nouveau Projet soulève, et connaissant la qualité du travail et le côté plus intellectuel de ce qu’eux produisent », relate Catherine Métayer, qui a d’ailleurs été recrutée au sein du projet par Langelier lui-même. Éliane Cadieux complète l’équipe au graphisme et à l’illustration, un choix qui tombe sous le sens puisqu’elle occupe cette fonction chez abitibi & co.
« Le fil conducteur, c’est vraiment notre lien à la nature, résume l’éditrice. L’idée philosophique derrière le magazine, c’est que plus on se rapproche de la nature, plus on passe du temps dans la nature, plus on la comprend, on en est imprégné et plus on a le goût de la protéger. »
Dans cette lignée, la nécessité de créer un magazine imprimé s’est imposée, même si cela peut sembler contradictoire à première vue. « C’était important pour nous parce que l’idée, c’est vraiment de déconnecter aussi du numérique pour mieux se connecter à la nature, confirme-t-elle. Par contre, il fallait pour ça qu’on imprime sur du papier recyclé. »
Là n’est pas le seul engagement de B-SIDE pour l’environnement. Un dollar par magazine vendu sera versé à un organisme à vocation environnementale (pour le premier numéro, l’américain Outdoor foundation, qui incite les jeunes à connecter avec la nature par diverses activités), alors que la compagnie a joint le réseau 1% pour la planète et s’engage ainsi à verser 1% de ses ventes à des organismes approuvés par la fondation.
Bien qu’abitibi & co soit à l’origine de la création du magazine, tant au niveau de l’idéation que de l’investissement des fonds nécessaires au démarrage, l’équipe de B-SIDE « a construit du contenu qui est 100% indépendant sur le plan éditorial » assure Catherine Métayer. B-side sera sans publicité et sans article commandité, à l’exception d’un cahier en début de publication (en partenariat avec la Sépaq pour le premier numéro), où l’équipe abordera le contenu sous forme d’histoires.
Le magazine de 116 pages se déclinera en plusieurs chroniques et rubriques assez éclectiques, passant de l’essai au guide pratique, du récit d’aventure à la réflexion philosophique. L’ensemble se situe en équilibre entre la volonté d’inspirer et celle d’outiller de manière pratique, une réussite que met en valeur le design léché de l’ensemble. « Pour moi cet équilibre-là, c’est quelque chose que je ne trouve pas assez, que je cherche constamment dans les magazines, confie Mme Métayer. Parce qu’on a tous des réflexions éthiques, spécialement maintenant, et on a tous envie de changer des choses pratico-pratiques dans nos vies. »
L’intention de s’adresser à l’ensemble de la communauté de plein air en Amérique du Nord est certes louable, mais s’est tout de même parfois avérée un casse-tête. Elle a ainsi donné lieu à deux magazines jumeaux, l’un en français, l’autre en anglais, où la qualité de la langue y est dans les deux cas d’une qualité irréprochable. Les textes ont été écrits à raison de 70% en langue originale anglaise et de 30% en français, puis adaptés et traduits dans l’autre langue.
Il s’agissait également d’aborder les sujets de manière qui soit pertinente pour différents publics, autant le Refuge Pageau en Abitibi pour les lecteurs de la Floride qu’un article sur une espèce hybride entre le grizzly et l’ours polaire pour les lecteurs d’ici. Une attention particulière a été portée sur l’entrepreneuriat et ce « côté de se reconnecter à soi-même et de se dépasser », qui comme le raconte Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia qui figure dans ce premier numéro de B-SIDE, se rapproche beaucoup de la montée d’adrénaline propre aux expériences de plein air. « C’est pour ça qu’on a voulu amener beaucoup d’entrepreneurs dans le magazine, confirme l’éditrice. Des entrepreneurs qui font des choses incroyables, auxquelles on n’aurait même pas pensé, et qui peuvent s’inspirer, entre la côte Est et la côte Ouest. »
Alors que le magazine n’est pas encore sorti, la réponse enthousiaste dépasse les attentes de ses créateurs. « Ça fait six, huit mois qu’on bâtit ce magazine-là, et en approchant les gens [pour contribuer au contenu], on n’a pas eu un non de personne. Ça a été la réponse unanime, et beaucoup de soulagement de gens qui disaient: enfin, un magazine qui va nous représenter. »
Même chose du côté de la campagne Kickstarter en cours, qui a connu une lancée impressionnante, dont l’objectif initial de 5000$ a été presque doublé en 48h (au moment d’écrire ces lignes, plus de 15 000$ ont été amassés et il reste encore 16 jours à la campagne). Pourquoi être passé par le socio-financement? Pour se faire connaître de sa communauté-cible, bien sûr, mais également « pour être capable d’imprimer un nombre de magazines honnête, d’éviter le gaspillage de papier ».
« Le plus grand défi, on s’apprête à le vivre, c’est celui de la distribution, raconte Mme Métayer, les yeux pétillants d’excitation. Parce que la beauté de l’affaire, c’est que notre magazine, c’est pas juste un magazine à acheter en librairie, c’est un magazine qui va rejoindre une communauté de gens à travers des boutiques de plein air, autant que des salons de plein air, des boutiques de design, des librairies indépendantes. » Pour la titulaire d’une maîtrise en édition, B-SIDE constitue une formidable occasion de revoir le modèle de distribution traditionnel.
Pour ce faire, l’équipe lancera le fruit de son labeur à Montréal le 20 octobre prochain, puis prendra la route avec tentes et planches de surf pour aller à la rencontre de sa communauté de lecteurs dans une série de microlancements. « Pour nous, c’est un peu comme ça qu’on veut la faire notre distribution, de la même manière qu’on a fait le magazine aussi: de vraiment miser sur les communautés locales dans tous les endroits où on va se retrouver. »
B-SIDE magazine
À paraître le 20 octobre
campagne kickstarter | site web
Lancement à l’Espace Art Lounge MTL le 19 octobre | événement facebook