Up Here a été avant tout l’occasion d’oser ranger ses a priori chez soi et de partir sur la route, à la conquête d’un endroit où l’on ne pensait probablement pas aller danser et admirer des immenses œuvres en couleurs à chaque coin de rue. Arriver à Sudbury, c’est un peu comme se retrouver dans une ville lunaire semi-fantôme. Dépaysante pour les citadins, à l’image des clichés que l’on s’en fait.
Mais il y a des choses auxquels nous n’avons pas pu résister. Le line-up s’annonçait tout aussi hétéroclite que prometteur pour les mélomanes de ce monde: STARS, Foxtrott, Phèdre, Young Galaxy, Holy Fuck, Fresh Snow, The Visit, Paupière, Fonkynson, Odonis Odonis, LAL, Hooded Fang, Sunny Duval… Bref, s’il y a une certitude que l’on peut rapporter dans nos bagages de ce week-end festivalier, c’est que la musique canadienne a de beaux jours devant elle. Qu’elle soit électro-pop, rock, punk ou complètement psychédélique, on aura rarement vu autant de mélanges entre instruments classiques et beats électroniques qui fonctionnent bien. La programmation musicale y était éclectique et nous a fait rapidement oublier le temps maussade.
L’équipe du festival Up Here explique avoir sélectionné ses artistes avec soin. « On écoute et on étudie chaque dossier soumis. Ensuite, on se fait des post-its avec les artistes qui retiennent l’attention du comité et on commence à construire le festival en fonction des lieux, des autres musiciens, des murs et des shows surprises, détaille Christian Pelletier, cofondateur du Up Here. C’est un gros casse-tête, mais c’est vraiment cool de voir finalement le tout tomber en place. »
Comme on vous l’avais indiqué peu avant le festival, la musique se mêle à l’art au Up Here et cette année, les murs (et même les toits) se sont vus prendre d’assaut par Ella & Pitr, Ola Volo, Hobz, Kirsten McCrea, Neli Nenkova, James Kirkpatrick et Tracy Baker.
Le festival nous a aussi donné l’occasion de croiser les artistes et les musiciens dans la foule et de danser avec eux. Si les gros festivals traditionnels ne permettent pas cette cohésion, à Sudbury, rien n’était plus évident que de se retrouver à côté du groupe qui avait terminé sa prestation dix minutes plus tôt afin de jaser et de profiter du prochain show avec eux. Parce que finalement, le Up Here, c’est surtout une histoire d’union.
Un festival qui transforme Sudbury
Difficile de dissocier le festival de sa ville puisque celui-ci s’inscrit pleinement dans une initiative de reconstruction culturelle et esthétique de la ville de Sudbury. En se promenant sur les rues Elm, Elgin et Durham, on y découvre les vestiges des murales des années précédentes, et on ne peut que sourire à l’idée que cette nouvelle édition comportera elle aussi son lot d’art à offrir à la ville et à ses habitants. Sudbury s’embellit, incontestablement.
Le comité du festival a choisi de faire bénéficier des festivités à tout le centre-ville. Ainsi, sans même revenir sur les fresques murales qui se sont retrouvées dispersées un peu partout dans la ville, des concerts ont été prévus dans de nombreux lieux: dans les bars, les rues, les cafés, les parkings, la fromagerie du coin et même dans une église. Si une scène extérieure a été érigée pour le troisième et dernier soir du festival, nous avons pu assister à une poignée de concerts et de shows surprises dans des endroits plus inusités les uns que les autres, laissant ainsi la sensation aux participants de vivre quelque chose de local et surtout, d’authentique.
Un parcours à travers 14 commerces et galeries d’art était organisé afin de venir apprécier les œuvres et des installations d’art visuel. Le samedi après-midi a aussi été l’occasion de rassembler les festivaliers autour de la culture, avec une journée familiale où les enfants et les parents pouvaient venir profiter d’activités et de concerts gratuits. Enfin, pour clore en beauté cette seconde édition, jusqu’à 4h dans la nuit de samedi à dimanche, les festivaliers ont eu le choix entre une salle de gym ou la galerie du Nouvel-Ontario afin de danser sur la musique électronique frénétique de Fonkynson ou bien de planer sur le mariage sonore étonnant entre percussions et saxophone avec Saxsyndrum.
Le programme de cette année a été dense et idéal du début à la fin, tant pour les familles que les noctambules ou les amateurs d’art urbain. Up Here n’est pas juste un festival de musique et d’art, c’est une invitation à se partager l’espace public en célébrant la créativité des uns et des autres.
Le collectif We Live Up Here, à l’initiative du festival, souhaite voir s’épanouir Sudbury. Dans cette même perspective de développement urbain, la ville soutient d’ailleurs beaucoup le festival. « Que ce soit pour la logistique technique, ou financièrement, la ville nous appuie de façon quasiment inconditionnelle, indique Christian Pelletier. Cette année, nous avons travaillé de très près avec plusieurs départements de la ville afin qu’ils nous aident à monter le dôme sur la rue Durham, fermer les lampadaires de la ville, prendre possession des zones urbaines et amener des installations dans le Parc Mémorial et un peu partout. » Il mentionne également que le maire, Brian Bigger, a même été le DJ lors de l’ouverture officielle du Up Here.
Tout en haut dans le nord
Tout compte fait, si elle nous paraissait vide et décourageante aux premiers regards, Sudbury se dévoile solidaire, éclatante et festive. Son architecture industrielle ne nous semble plus si étrange lorsque l’on rencontre les Sudburois, accueillants et chaleureux avec nous autres, les gens venus de la grande ville. On lui offre donc indéniablement une seconde chance. Entre les murales d’Ola Volo, de Hobz, de Kirsten McCrea et la dizaine de concerts offerts par jour, on nous entraine dans une Sudbury méconnue et épatante. Up Here a pris soin de nous, de nos oreilles, de nos yeux et de nos émotions.
On s’est surpris à partager avec gaieté les espaces de vie des locaux, si bien qu’au bout du deuxième soir, nous étions nous aussi devenu habitué de la Town House Tavern. Entre l’hospitalité locale et la splendide sélection d’artistes et de musiciens présents au festival, on ne sait plus vraiment quelle partie fut notre préférée. Les deux, en fait.
Notre carnet de bord du festival en photos – et en petits mots :
Jour 1: On a regardé Kirsten McCrea travailler sur le chemin des concerts. Les ottaviens The Visit ont réinventé la musique classique sous nos yeux, Foxtrott nous a offert une démonstration du mariage énergique entre un cor français et sa voix et Young Galaxy nous a donné une leçon de danse contemporaine en nous en mettant plein les oreilles. On a ensuite couru pour tous se rejoindre dans un parking, avec la très bonne compagnie de Hooded Fang et de lumières multicolores psychédéliques. Ah aussi, il y avait des télévisions dans la rue ce soir-là, sans pression.
Jour 2 : Benjamin Hermann nous a ramené sur terre avec ses balades envoûtantes et on a rencontré le chef du festival: Momo, un border collie bien trop mignon. Odonis Odonis et Holy Fuck ont littéralement électrisé Sudbury, les trois Montréalais de Paupière ont chanté dans la rue Durham et on s’est sentis un peu chez nous au Little Montreal en la très bonne compagnie de Sunny Duval puis de Phèdre. Aussi, nous sommes allés embêter Hobz en plein travail (mais il ne nous en veut pas trop).
Jour 3: Saxsyndrum nous a fait vivre l’intense en plein après-midi et on s’est offert un chandail souvenir. Puis, absolument pas paniqués par la pluie, nous sommes allés applaudir Iskwé et Paupière avant de lever nos poings très haut avec plein d’optimisme dans nos coeurs avec les musiciens de STARS. Ensuite, il y a eu beaucoup d’aller-retour dans le centre-ville: Casper Skulls, Automelodi, le presque strip-tease de U.S. Girls, et beaucoup de pas de danse incertains mais très poétiques tout de même, grâce à Fonkynson et Zones.
Crédits photos: Claire-Marine Beha
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