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Philippe Nieuwbourg, analyste

Philippe Nieuwbourg, analyste

 Qui êtes-vous et quel est votre parcours?

Bonjour, je m’appelle Philippe Nieuwbourg, je me qualifierai d’autodidacte immigré. Je n’ai pas vraiment fait d’études longues, juste un diplôme de comptabilité en France, et j’ai commencé tout de suite à travailler dans le domaine des technologies. A 16 ans, je donnais des cours d’informatique sur Tandy TRS-80 à des gens qui avaient l’âge de mes parents. Depuis maintenant plus de 20 ans, je suis mon propre patron, et j’en suis très heureux. J’ai commencé chez Concept, une société d’informatique, à 20 ans, en finissant mes études. J’installais et je paramétrais des logiciels de comptabilité. Puis, je me suis intéressé à l’écriture, et à la formation. Grâce à la révolution qu’a apporté Internet dans le domaine de la production d’information, je me suis lancé à mon compte. Aujourd’hui j’ai la chance de beaucoup voyager, d’avoir des lecteurs partout dans le monde, et des clients en Amérique du Nord, du Sud, et en Europe. Aujourd’hui je gère la communauté www.decideo.fr qui regroupe des dizaines de milliers de lecteurs en français, et depuis peu en espagnol via www.decideo.com. J’ai cofondé une société de conseil et de formation www.DataScienceInstitute.org et je suis également actif sur le marché de l’internet des objets au travers de www.objecteo.com.

Votre emploi actuel:

Pas facile de le définir… Je suis à la fois analyste, c’est à dire que j’écris des articles, des rapports, des livres; mais aussi enseignant, en France et au Québec. Je me définirais plutôt par rapport à mon sujet de travail : l’analyse de données. Nous vivons dans un monde où les données ont remplacé les machines et parfois les Hommes, et elles génèrent beaucoup de valeur. Pour cela, que l’on parle de Big Data ou d’Internet des Objets, on doit utiliser des outils pour collecter, stocker et analyser ces données; pour transformer les données en dollars. Mon métier est donc de tout savoir sur ces outils, pour bâtir des formations professionnelles sur ces sujets, et partager mon expertise au travers de mes écrits. Je ne sais pas si c’est très clair… mais c’est ce qui définit le mieux mon occupation actuelle, qui doit paraître bien nébuleuse pour les non-initiés.

Dans quelle ville:

Le monde ! Je suis français, je vis depuis trois ans à Montréal, et je me déplace beaucoup. J’adore Montréal et le Québec. J’ai découvert ce pays il y a 25 ans, à l’occasion d’un voyage de presse organisé par l’ambassade du Canada, et j’en suis tombé en amour. Je suis très heureux, si longtemps après, d’avoir pu y poser mes valises. Mais comme me le disait un ami québécois il y a plusieurs années, “le Québec est un pays fantastique pour vivre… et faire du business ailleurs”. Car le Québec est petit. Et sans faire de politique, certains décisions ont éloigné, et éloignent encore le Québec du reste de l’Amérique. Dans le domaine des technologies, je retrouve à Toronto ou à Vancouver une énergie et une capacité d’innovation qui manque au Québec. Même si l’écosystème des startups est en plein développement, beaucoup ne doivent leur salut après quelques années, qu’à la conquête du reste de l’Amérique du Nord. Je suis toujours étonné de découvrir autant d’entreprises québécoises… qui n’ont aucun client au Québec !

Permettez moi d’en profiter pour partager une réflexion. Je pense que la notion de lieu est totalement dépassée aujourd’hui. Nous ne sommes nulle part et nous sommes partout à la fois. La notion de frontière est totalement dépassée. Internet n’a pas de frontière et les États s’y accrochent pour tenter de justifier leur existence. Mais qu’il s’agisse du rejet de Über au Québec, des craintes qu’inspire Amazon, ou d’autres sujets, le monde limité qui nous définit depuis des centaines d’années a perdu sa raison d’être. Pourquoi changer de taxes d’une province à l’autre, d’un pays à l’autre, alors que ceux qui produisent, qui distribuent, qui servent, ne connaissent pas de frontière. J’écris un article de mon fauteuil aux États-Unis, je le publie sur un site hébergé en France – je n’en suis même pas sur – et il est lu par un Canadien en voyage en Amérique du Sud… si quelqu’un peut m’expliquer en quoi la notion de frontière a encore un sens… Si j’étais plus jeune, je crois que je serais devenu un “digital nomad”. Des jeunes travaillant uniquement au travers d’Internet, passent de pays en pays, en fonction des visas qu’ils peuvent obtenir, et découvrent le monde, tout en travaillant pour eux-mêmes. Leur bureau est une plage de Thaïlande, puis un café à Cartagena, puis un espace collaboratif à Montréal pendant l’été, etc. Je les envient de n’avoir aucun bureau fixe.

Un mot pour définir quel type de travailleur vous êtes:

Libre

Quels outils sont essentiels à vos vies (app, logiciel)?

Ma vie professionnelle est entièrement numérique. Je ne me déplace donc jamais sans mon Macbook Air. J’avais acheté un Apple II dans ma lointaine jeunesse. Je ne remercierai jamais assez Steve Jobs d’avoir mis sur le marché ces outils. Sans eux, ma vie serait bien plus compliquée. Mon Macbook Air donc, mon iPhone également, et côté logiciel, tout ce qui est en cloud, mais synchronisé. Je déteste les outils qui ne fonctionnent qu’à distance. Vous devez en permanence être connecté, et c’est loin d’être toujours possible dans le monde réel. Dropbox, Google Drive sont donc mes amis. Et je peste tous les jours où je voyage contre Gmail, Asana et tous les autres outils qui ne fonctionnent pas en mode asynchrone.

De manière plus générale, je trouve que les technologies ont apporté au monde ce mode de fonctionnement fantastique à la fois asynchrone et instantané.

À quoi ressemble votre espace de bureau?

A pas grand chose… Des piles ! Je suis un partisan de l’organisation en tas. J’empile les dossiers, dans l’ordre dans lequel j’aimerais les traiter, et je dépile au fur et à mesure. Mais ça ne marche pas toujours. Bien souvent, après quelques mois, une pile inutilisée révèle des retards inquiétants ou des dossiers qui n’avaient finalement aucune importance.

Ma conjointe me disait que j’avais besoin de voir les choses pour y penser. Elle avait certainement raison. Et je ne suis pas un modèle d’organisation; Et je ne donnerai pas de conseils en la matière.

En revanche, mon espace de bureau numérique est bien mieux organisé. J’emporte toute mon entreprise, et mes documents, où que je sois, grâce à DropBox et Google Drive. Ce sont des piles également, mais elles sont bien mieux rangées.

Qu’écoutez­-vous comme musique en travaillant?

J’écoute très peu de musique. Cela ne m’aide pas à écrire. Et puis souvent je dois écouter une interview ou une conférence, et donc je ne peux pas, en plus, mettre de la musique. Mais quand j’ai besoin d’énergie, je mixe un cocktail détonnant entre David Guetta, les grands opéras de Mozart, les tubes des années 80, et les meilleurs airs d’opérette !

Avez­-vous une façon d’organiser vos journées pour optimiser votre travail?

Sauf quand j’ai des rendez-vous, je me lève quand je le sens, c’est à dire souvent très tôt. J’aime travailler avant que je jour ne se lève. Et étant maître de mon temps, je peux faire une pause dans la journée, travailler tard si je le souhaite. Je laisse mes envies dicter mon rythme. C’est pour cela que je me sens un travailleur libre. Parfois cela veut dire travailler toute la nuit pour finir un dossier, ou comme maintenant, prendre une heure au bord de la piscine à Las Vegas pour répondre à vos questions.

Quels trucs donneriez­-vous pour améliorer la productivité?

Je ne vais pas faire l’unanimité, mais je dirais : supprimez le téléphone ! Pas l’outil bien sur, qui est indispensable pour accéder aux données et aux applications, mais les conversations téléphoniques.

Je suis un fervent militant de l’asynchrone. Or, quand vous appelez quelqu’un au téléphone, vous décidez, seul, du moment où vous allez l’interrompre dans son activité. Quelle impolitesse ! Finalement, appeler quelqu’un à un moment non prévu, c’est lui jeter à la figure : je suis plus important que toi, j’ai décidé de t’appeler, peu importe si je te dérange.

Donc je fonctionne de manière radicale, je ne réponds jamais au téléphone. J’utilise le téléphone uniquement pour les cas d’urgence. Pour tout le reste j’utilise les outils asynchrones comme le courriel ou la messagerie instantanée. Car je ne dérange pas le destinataire. Il est libre de répondre quand c’est le bon moment pour lui, et pas pour moi. Je respecte mon interlocuteur. Et les outils ne manquent pas. Vous pouvez me joindre par SMS, sur Google Hangout, Skype, Telegram, Viber, etc. Mais en asynchrone.

Je dois vous avouer… j’ai un associé qui ne comprend pas cela. Il continue de m’appeler tous les jours, et parfois doit s’y reprendre à quatre fois, avant que je ne décroche.

Alors que le fait d’écrire est aussi un bon moyen de synthétiser sa pensée et ses demandes. Plutôt que de décrocher votre téléphone pour appeler quelqu’un, essayez de mettre en quelques lignes ce que vous souhaitez dire ou demander, vous verrez, cela vous aidera à être concis et précis. Vous gagnerez du temps, et vous en ferez gagner à votre interlocuteur.

Vous êtes meilleurs que vos collègues de travail pour:

Je suis arrivé à un âge où l’on ne cherche pas à être meilleur. Je suis heureux d’être entouré de jeunes, bien meilleurs que moi. Mes atouts sont tout d’abord l’expérience, je sens certaines choses tout simplement parce que je les ai déjà vécues.

Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné?

“Lâcher prise”. C’est un ami, Alain Lefebvre, qui m’a appris cela. Nous travaillions sur un projet ensemble, qui n’avançait pas comme il le fallait. Et c’était largement de ma faute. Mais ne voulant pas dire non, ne voulant pas abandonner, ne voulant pas reconnaître mes erreurs, je m’enfermais dans le déni. Comme si ce projet était la clef de voûte de l’univers. Alain m’a tout simplement fait comprendre qu’abandonner n’avait rien de déshonorant ni de définitif. Chaque jour est un moment de notre vie. Ce serait bien prétentieux de se croire indispensable. Il m’a donc appris à “lâcher prise”, et à dire non. C’est le meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné. Cela m’a libéré.

Quel est votre meilleur truc pour sauver du temps?

Ne pas faire les choses en avance. Je suis le roi de la procrastination. Ou plutôt ma devise serait, pourquoi faire le jour même quelque chose que tu peux faire faire par un autre, ou pas du tout, le lendemain. Plus sérieusement, j’ai constaté deux choses. La première, c’est que les plans changent. Une réunion décalée, une conférence annulée, un dossier qui change de commanditaire… et tout est à refaire si vous avez préparé votre travail en avance. Alors que si vous le faites au dernier moment, vous êtes certain de ne faire que des choses utiles, et une seule fois. Deuxièmement, pour réaliser une tâche, vous avez besoin de tout le temps qui vous reste jusqu’à la date limite. C’est à dire que si vous avez deux heures pour écrire un article avant sa remise finale, vous saurez le faire en deux heures. Alors que si vous vous y prenez en avance, cela vous prendra huit heures. Pour la même tâche, si vous êtes sous la pression du temps, vous serez beaucoup plus productif et efficace. Les deux trucs combinés me font gagner un temps précieux. Mais je ne les conseille pas à tout le monde. Cela ne marche que quand on est fainéant, comme moi, et que l’on accepte la pression et le stress, comme moi.

 Quelle est votre routine de fin et de début de journée?

Aucune ! Prenons la vie comme elle vient.

Mis à part votre ordinateur et votre téléphone, de quel gadget ne pouvez ­vous pas vous passer?

Mon sac, ou plutôt mes sacs ! Je dois vous avouer une chose, je suis “BagAlcoholic”, je ne peux pas m’empêcher de changer de sac, et je suis toujours à la recherche du sac parfait, du sac ultime. J’en ai des dizaines. Je ne pars jamais, que ce soit pour un rendez-vous d’une heure ou pour un voyage d’une semaine sans le sac du moment. J’ai eu des périodes sac à dos, des périodes sac en cuir, des périodes sac à l’épaule…Je suis un infidèle des sacs. A chaque fois que j’en achète un, j’espère que ce sera le dernier, pendant une semaine, puis je recommence à regarder ailleurs. En ce moment, je m’étonne moi-même. Cela fait cinq mois que j’utilise le même sac ! Je l’ai commandé sur Kickstarter l’an dernier, il s’appelle “Everyday Messenger bag”, et a été réalisé par Peak Design. Il m’accompagne tous les jours depuis plusieurs mois, et je l’aime toujours autant. Ce n’est pas le sac parfait, mais il en est très proche ! Et à cause de cette nouvelle fidélité, le marché mondial du sac risque de connaître une crise majeure 🙂

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