Métier artiste: l’envers du décor, ce sont des rencontres avec des artistes en arts visuels. Qu’ils viennent de la performance, de l’installation, de la peinture ou de la sculpture, mon but est de parler de leur situation économique. Je veux faire connaître aux lecteurs la situation d’emploi des artistes d’ici et la précarité que certains d’entre eux peuvent vivre. Sujet presque tabou, mais crucial. Voici donc l’occasion de découvrir des artistes d’une autre manière.
En allant à la rencontre de la fée urbaine, j’ai reçu la plus belle des dédicaces qui soit. Sur la page de garde d’un livre jaune se trouvaient ces mots écrits au stylo à l’encre noire: « des petites fenêtres ouvertes sur la vie de Patsy. » Et quelles fenêtres! J’ai découvert la personnalité flamboyante d’une femme qui tisse des liens par l’art auprès des gens de son quartier adoré, le Mile End, et depuis peu avec de nouvelles communautés.
D’entrée de jeu, Patsy me confie que: « Les gens ne réalisent pas ce qu’est le travail d’artiste. C’est comme être mère, c’est 24 heures sur 24. » Cette Belge au parcours atypique a étudié en arts à l’université Concordia. Elle s’est vite questionnée à savoir comment elle allait gagner sa vie après son baccalauréat. Elle travaille à l’époque au Papier japonais, un magasin spécialisé dans le Mile End. La mère de l’une de ses amies la contacte et lui demande de créer ses faire-part de mariage pour célébrer sa cinquième noce. Elle réalise rapidement qu’il existe une demande et un marché pour ce genre de produit. Ding! Ding! Ding! Elle crée son entreprise et devient par le fait même une « designer de faire-part de mariage ». Elle coud des papiers faits main et assemble ses faire-part avec une touche d’excentricité qui plaît. Ses clients ont l’impression de rencontrer une véritable artiste. Patsy est loin de se douter que cette aventure allait durer 10 ans. D’ailleurs, pendant ces années, elle participe deux fois l’an au salon de la mariée et gagne en popularité. Elle fait jusqu’à 60 mariages par année. On la désigne sous le pseudonyme de Patsy la magnifique: « J’étais dans toutes les revues de mariage. »
Puis, elle réalise que son quotidien la confine chez elle dans son atelier en plus d’élever seule son fils. Elle me confie qu’elle aimait la liberté associée à cet emploi et qu’elle avait une très bonne qualité de vie. Mais, ce qui semblait auparavant être de la liberté est devenu une routine. La création n’est plus au rendez-vous comme lorsque tout était encore à construire avec son entreprise. Elle veut passer à autre chose. Elle part en voyage en bus avec son fils de 10 ans et traverse l’Amérique du Sud. Cette pause de 5 mois lui permet de faire le point.
Malgré ses doutes, elle décide de s’inscrire au DESS en Design d’évènements à l’UQAM. Pour Patsy, c’est une révélation, un peu comme une renaissance. Elle apprend qu’elle peut “jouer dans la ville”. Elle peut toucher, sensibiliser les citoyens, en créant des projets artistiques divers qui sollicitent la participation de tous. Après ce retour aux études, c’est le dur retour à une réalité d’emploi difficile. Elle ne souhaite pas travailler pour une agence, elle préfère rester indépendante. Elle poursuit donc ses projets seule. La période des fêtes de 2012 est marquée par la folie. Elle réalise un projet avec le conte de Noël La petite fille aux allumettes. Le principe de son projet est simple. Elle imprime 25 acétates sur lesquels se retrouve ce fameux conte. Les gens de son quartier doivent afficher sur leur porte ou à leur fenêtre une section de l’histoire à la fois, un peu comme un calendrier de l’avent. C’est la première fois qu’elle fait un projet participatif avec ses voisins, la magie opère et tous répondent à l’appel. Elle se retrouve subitement à la une du journal Le Devoir et on l’affuble du surnom « La fée du Mile End ».
Malgré sa réticence à solliciter les gens, elle apprend à vendre ses projets. Elle entreprend les démarches nécessaires pour que ses projets fonctionnent. Pour ce faire, elle cogne à mille portes et essuie de nombreux refus: « J’ai tellement travaillé pour en arriver où je suis. » Pour connaître ce qui se fait en matière de projets collaboratifs et publics, elle effectue des recherches et s’informe sur les réseaux sociaux. Elle découvre que Montréal est constitué de dix-neuf arrondissements, tous pourvus d’agents culturels qui peuvent répondre favorablement à son appel. Elle effectue donc un énorme travail en amont afin de s’assurer de toujours avoir du travail. À chaque nouveau projet, elle en est déjà à établir ses trois prochaines réalisations. Pour elle, jamais rien n’est acquis et elle considère qu’elle doit toujours relever de nouveaux défis.
Cela fait trois ans qu’elle travaille exclusivement comme “fée” et elle dit être maintenant « souvent » payée pour faire son travail. Évidemment, sa priorité demeure de pouvoir en vivre à long terme. Elle dit avoir encore la flamme pour ce qu’elle fait. D’ailleurs, elle reçoit toutes les semaines des courriels, des lettres et des messages sur Facebook lui prouvant qu’elle fait une différence dans la vie de bien des gens. Ainsi, Patsy laisse son empreinte dans les quartiers où sa magie opère encore et encore.
Patsy Van Roost | patsyvanroost.com | papernurse.com
Pour voir Patsy en action, voyez ces capsules de la Fabrique culturelle.
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