
DEC en communications, études en sciences politiques et certificat en journalisme en poche, Iczkovits s’est vite lancé dans sa passion en sortant des bancs d’école. « Plutôt rapidement, je suis devenu photographe à la pige. Au début, j’ai gardé une day job… Mais je crois sincèrement que pour s’épanouir profondément dans ce qu’on fait, il faut le faire à temps plein. »
C’est dans la couverture d’événements culturels que tout a commencé, notamment pour Nightlife.ca de 2011 à 2014. « C’est un univers qui attire beaucoup quand on est mélomane. C’est un domaine assez ludique. » Tellement, que la compétition est féroce. « Il y a beaucoup de gens qui se lancent là-dedans. Tout le monde veut faire ça! Le ménage se fait vite par contre: soit t’es là pour le party, soit t’es là pour vraiment en vivre. C’est une super bonne école d’ailleurs: dans les spectacles, ça bouge beaucoup. Même les lumières bougent! (Rires) »
Photographier la scène musicale, glamour?
« J’ai beaucoup aimé commencer ma carrière par le journalisme culturel. Ça force à aller vers les autres, ça habitue au contact avec les gens… Quand j’ai eu ma carte de presse, je suis devenu plus rigoureux par rapport à l’éthique. Je me suis questionné: est-ce que Nightlife.ca, c’est du journalisme sérieux? » Dans quel sens? « Le site appartenait à Newad quand j’y travaillais, une compagnie qui vend de l’espace publicitaire. Quand on couvrait l’événement d’un client, disons qu’on ne nous incitait pas nécessairement à montrer les côtés sombres… »
Sans parler de la tyrannie du clic dont sont victimes tous les médias web, effet direct du virage numérique. Face au manque de revenus publicitaires, ils doivent pallier en offrant le contenu le plus attirant possible… Ce qui fait malheureusement niveler la qualité dudit contenu vers le bas, dans certains cas. « Quand un photographe couvre un show, ce n’est pas nécessairement lui qui décide quelle photo sera en couverture d’un album ou d’un article. C’est clair que si on met une belle fille sexy de l’avant, les statistiques explosent. »
Travailler pour rien, ou presque?
Plusieurs blogues et webzines ont suivi la vague de la transition vers le numérique en ouvrant en masse, profitant du moment propice – ou tout simplement pour couvrir des sujets délaissés par les médias traditionnels. Malheureusement, la plupart des courageux qui se lancent dans l’aventure le font bénévolement. « Il y a plusieurs photographes qui travaillent gratuitement, pour avoir de la visibilité. Et parfois, ce travail n’est pas optimal. Personnellement, j’ai moi-même accepté à quelques reprises dans mes débuts. Mes collègues m’ont mis en garde: si on accepte ce genre de conditions, c’est toute l’industrie que ça affecte. »
Parce qu’aujourd’hui, vivre de la photographie du milieu musical est très difficile – quasi impossible – selon Iczkovits. « C’est un métier très précaire, ce n’est pas pour tout le monde. Les conditions de travail sont exécrables. Je vois une différence en couvrant d’autres milieux. Des compagnies de marketing – qu’on ne nommera pas ici – ont pour but de récolter le plus de clics possibles, en investissant le moins possible dans le contenu. Comme si le seul fait d’être intégré dans le milieu culturel devenait une récompense. »
« Je pense qu’on a une des plus belles scènes à Montréal. »
Celui qui touche autant à la politique qu’à des événements sociaux ou culturels le dit d’emblée: « Ce que j’aime de mon métier, c’est d’être aux premières lignes de l’Histoire. » Et si on lui demande de commenter l’industrie musicale actuelle? « Je pense qu’on a une des plus belles scènes à Montréal. Par contre, je n’ai pas assez d’informations pour savoir si elle va bien. Aucune idée si les musiciens ont toujours le moyen de payer leur loyer. Souvent, je me rends compte que des artistes ont un autre emploi à côté, un autre revenu… Tout le monde s’est fait avoir par le virage numérique. »
Comment percer dans ce milieu alors, à travers tous les photographes du dimanche, les problèmes à avoir un revenu fixe et les exigences des clients, qui paient parfois en visibilité (Iczkovits a essayé, ça ne paie pas les factures)? « Je crois que ceux qui fonctionnent le mieux, c’est ceux qui sont passionnés par ce qu’ils font. En ce moment, la tendance est aux journalistes qui font des articles, des vidéos, des photos… J’encourage plutôt les gens qui veulent faire ce métier à se spécialiser tout en diversifiant ses couvertures. » Pas évident? Peut-être. Mais Toma Iczkovits est la preuve vivante que c’est possible.