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Distillerie du St. Laurent: fière, obstinée, indépendante comme son gin

Distillerie du St. Laurent: fière, obstinée, indépendante comme son gin

Un nouveau gin inspiré par la mer est en vente à la SAQ depuis février, le gin St. Laurent. Un gin artisanal 100 % naturel dont l’ingrédient vedette est la farine d’algues laminaires. Les amateurs de spiritueux, les mixologues et les chefs l’aiment déjà beaucoup. Les commentaires sont élogieux et les bouteilles ne restent pas longtemps sur les tablettes. La SAQ a rarement vu un lancement de produit aussi prometteur. De cet angle, l’histoire est parfaite et donne le goût d’ouvrir sur le champ une microdistillerie.

Toutefois, ce n’est pas si simple… Les propriétaires de la Distillerie du St. Laurent, Jean­-François Cloutier et Joël Pelletier, sont heureux de ce qui leur arrive, mais la route a été longue pour se rendre où ils sont aujourd’hui. Ils ont travaillé fort. Voici l’histoire inspirante de deux gars fiers de leur gin, obstinés à produire en région et indépendants face aux multinationales qui inondent les tablettes de produits génériques.

« On est parti en cowboy! Faut être un peu cinglé et inconscient pour fonder une microdistillerie au Québec actuellement! La législation n’a pas changé depuis la prohibition. Présentement, on est dans la même situation que les microbrasseries en 1987. C’est complexe. Il y a beaucoup d’obstacles pour obtenir des permis [deux fédéraux et un provincial] et les lois actuelles ne permettent pas au producteur de vendre son produit à la distillerie à des commerçants ou dans des événements. On peut uniquement vendre à la SAQ », explique Joël Pelletier, qui s’occupe des communications, du marketing, des ventes et du développement de projets à la Distillerie du St.Laurent. L’Association des microdistilleries du Québec (AMDQ) milite pour la modification de la législation. Joël Pelletier croit que ça pourrait bientôt se faire, étant donné que le nombre de microdistilleries va croître au cours des prochaines années dans la province. Pour le moment, on en compte seulement une dizaine.

Pourquoi fonder une microdistillerie alors? Joël Pelletier répond: « On croyait en notre projet! En 2013, je suis allé suivre une formation à Chicago en microdistillation et j’ai constaté que cette industrie était en pleine effervescence. Pour vous donner une idée, en 2000, il y avait une dizaine de microdistilleries aux États­-Unis et aujourd’hui il y en a 700. Il y a eu une explosion! La Colombie­-Britannique et l’Ontario ont suivi. Je me suis dit qu’il fallait que j’emmène ça au Québec! Tout comme c’est arrivé avec les microbrasseries, les microdistilleries vont bientôt pousser au Québec. »

Les deux propriétaires de la Distillerie du St. Laurent n’ont pas eu droit à un grand soutien financier pour démarrer leur projet, même s’ils avaient un plan d’affaires élaboré. « Les investisseurs potentiels voulaient avoir la certitude que ça fonctionne. Il n’y a pas beaucoup de microdistilleries ici, ce n’est pas encore très connu alors ils se posaient beaucoup de questions et doutaient. On a passé une partie de nos paies dans l’entreprise! On a eu quelques prêts, un petit soutien du CLD, de l’aide de la famille. C’est beaucoup du financement personnel. Maintenant que le produit existe et qu’il se vend bien, les offres de soutien commencent à rentrer. » raconte M. Pelletier.

Joël Pelletier est aiguilleur-­réalisateur de métier et Jean­-François Cloutier, technicien en architecture navale. Ils ont une vision semblable de l’entrepreneuriat, ils veulent aller au même endroit et leurs compétences sont complémentaires. Jean-­François est le capitaine de la production. C’est lui le grand maître de la distillerie. « On s’est connus parce que la blonde de Jean­-François est ma collègue. Ça vite cliqué entre nous. On s’est découvert une passion commune pour les spiritueux. Dans des soirées entre amis, on aimait s’en jaser et goûter à des nouveaux produits. Comme on est deux gars curieux, on se demandait comment c’est fait. On a commencé à lire sur la fabrication de spiritueux. » raconte le copropriétaire de la Distillerie du St. Laurent, qui a remis sa démission à son employeur il y a quelques jours pour se consacrer uniquement à l’entreprise.

Le produit

Le gin St. Laurent est distillé en petits lots dans un alambic de 380 litres. L’entreprise peut produire ainsi 325 bouteilles par jour. Le gin comporte plusieurs aromates: baie de genièvre, coriandre, racine d’angélique, casse, réglisse, citron, orange, poivres et algues laminaires. Les laminaires, ce sont ces algues qui ressemblent à de longues lasagnes avec lesquelles les enfants jouent sur la grève. C’est le chercheur Martin Poirier d’OrganicOcean, une entreprise de Rimouski qui se spécialise dans le développement et la fabrication de produits d’origine marine, qui a proposé aux entrepreneurs la farine d’algues laminaires comme ingrédient vedette. Pour Joël Pelletier et Jean­-François Cloutier, cette idée est la bonne, puisque l’algue représente bien la région, le fleuve. De plus, les laminaires sont récoltées au Bas-Saint-­Laurent.

Quelle est la meilleure façon de goûter au gin St. Laurent? « Straight! », lance Joël Pelletier en souriant. Il propose ensuite avec un morceau de citron ou avec du tonique artisanal et de l’eau pétillante.

La mer est aussi au coeur de l’image du gin St. Laurent. L’étiquette est inspirée de l’univers de Jules Verne et de Vingt mille lieues sous les mers. Les illustrations sont des oeuvres de Maria Tiurina et l’étiquette a été conçue par l’artiste texan Chad Micheal.

L’avenir de la distillerie

Jean­-François Cloutier et Joël Pelletier se voient faire ce métier à long terme et espèrent le meilleur pour leur entreprise. « Dans 30 ans, je veux que notre distillerie soit aussi performante que celles de l’Écosse! » souhaite Joël Pelletier.

Le duo est actuellement en recherche de financement pour se lancer dans la production de whisky. Le succès du gin St. Laurent aide à obtenir du financement. La Distillerie du St. Laurent veut notamment créer un bourbon, spiritueux qui n’est produit par aucune distillerie présentement au Québec. « La Chine ouvre ses portes aux produits de luxe comme le whisky. Les producteurs ne fournissent pas. Il y a une pénurie de whisky dans le monde. C’est le bon temps pour partir ça! » dit Joël Pelletier, qui ne manque manifestement pas de flair.

Nul doute que dans quelques années, ces deux entrepreneurs seront une référence dans l’univers québécois des spiritueux et on parlera d’eux comme de défricheurs.

Gin St. Laurent | fiche SAQ

par la Distillerie du St. Laurent

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