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Photoshop et la publicité, duo de promesses

Photoshop et la publicité, duo de promesses

La retouche photo se place au centre de débats éthiques lorsqu’elle attaque le physique pour l’uniformiser, lorsqu’elle fait croire aux lecteurs de Vanity Fair que la jeune femme en Une s’impose un régime de légumes verts pour gagner une silhouette parfaite ou de prendre des produits naturels pour lutter contre l’acné. Derrière la polémique se cache un métier minutieux, exigeant et surtout, qui ne s’intéresse pas qu’à la traque du zéro défaut.

De l’art de la manipulation d’images

Il y a ceux qui forment l’image, et ceux qui la transforment, l’interprètent, leur donnent une deuxième portée. C’est le cas de l’artiste australienne Jane Long qui a travaillé sur les clichés de la photographe roumaine Costică Acsinte datant de la Première Guerre Mondiale. Il s’agit de «ramener ces sujets à la vie, plus encore: de leur donner une histoire». Alors elle redonne des couleurs aux portraits figés et bichromes, mets en scène ces visages du passé tombés dans le domaine public, pour donner un monde à la croisée de Magritte et Alice au Pays des Merveilles. Chez Erik Johansson, Photoshop fait office de ciment dans la création de ses univers délirants, seul outil qui lui permet de réaliser des fils électriques découlant d’une guitare électrique ou de confronter un cycliste à un paysage tombé à pic. À tel point qu’il a lui-même signé une publicité pour le logiciel.

Ce goût du surréalisme a titillé les plus grands, Annie Leibovitz en tête. Pour de l’art, mais pas que. Combien de publicitaires sont allé puiser dans le genre pour contourner les messages conventionnels destinés à la consommation. Il n y a qu’à jeter un œil au palmarès imprimé des derniers Créas, aux visuels proposés par les Sid Lee et autre LG2 pour s’en rendre compte.

L’image au service de tous les fantasmes

Exprimer une vision intérieure, rendre le fantastique réel et le réel fantastique… La retouche photo et l’imagerie 2D et 3D sont de loin les meilleures alliés pour donner libre cours à son imagination et rendre possible toutes sortes de situation. Ces techniques permettent de mettre l’image au service du slogan, voire illustrer le mot à mot comme il est le cas pour Sloche.

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En réponse à cette demande, ces «bricoleurs de l’image» s’organisent. Le Visual Box, par exemple, rassemble des monteurs et retoucheurs et œuvre pour mettre en image tous les scénarios inimaginables de façon les plus folles possibles. Drôle, magique, trash, sur réel, fantastique… toutes les situations et toutes les dimensions sont rendues possibles, visuellement parlant.

L’œil de l’expert

En mai dernier, M&H a lancé sa nouvelle division d’imagerie cam&leon. Fabrice Loyola, artiste 3D, analyse la tendance et nous en dit davantage sur l’aspect technique.

Comment et pourquoi avez-vous créé cam&leon?

Cam&leon est une division de Graphiques M&H, une maison de production graphique implantée depuis environ 35 ans à Montréal. M&H fût l’une des premières entreprises à engager des retoucheurs. Au cours des années, grâce à son succès, cette activité a pris beaucoup d’importance. Une division spécialisée consacrée aux projets spéciaux s’imposait. La formule répond à une demande flagrante du marché. L’avènement des écrans numériques grand format susceptibles de remplacer l’affichage imprimé traditionnel autorise de remplacer les images statiques par des images animées. Cam&leon offre un service complet de retouche d’image, de photo compositing, d’illustration 2D et 3D et d’animation.

Quelles sont les technologies utilisées ? 

Pour l’image statique, principalement la retouche d’image avec le logiciel Photoshop. Des logiciels de compositing tel After Effects permettent de rassembler différents médias en vue de créer des animations et des effets spéciaux. Ces techniques sont empruntées au cinéma. Elles combinent des photos, des vidéos et des images de synthèse en 3D. La modélisation 3D permet en général de fabriquer des objets virtuels n’existant pas et ne pouvant donc pas être photographiés, le défi étant de rendre ses objets de synthèse photo-réalistes. L’artiste numérique se doit de représenter les moindres détails perceptibles à l’œil que l’on retrouverait dans une véritable photographie. Outre les formes plus ou moins complexes de l’objet, le réalisme des textures nécessite un soin particulier.

D’où viennent les artistes numériques? 

Beaucoup sont des graphistes convertis à la retouche d’image numérique. Les photographes sont de plus en plus nombreux à faire leurs propres retouches. En ce qui concerne le compositing et le motion design, ils proviennent pour la plupart d’écoles de cinéma d’animation.

En analysant un peu la façon dont la retouche et la composition photo sont utilisées ces dernières années dans la publicité affichée et imprimée, mélange hyper réaliste et fantastique. Je pense notamment aux campagnes Sloche, SAQ, ou encore les Une d’Urbania. Êtes-vous d’accord pour dire qu’il y a une tendance dominante en ce moment? Est-elle propre au Québec? 

La tendance ne date pas d’aujourd’hui. La pub a toujours fait appel aux effets spéciaux qu’ils semblent photo-réalistes ou semi-réalistes. On l’utilise tout simplement plus souvent. Les pionniers de Photoshop étaient des gens autodidactes, curieux, avant-gardistes et fortunés étant donné que l’équipement informatique coutait cher. Une heure de retouche produite sur des ordinateurs spécialisés était facturée de 300$ à 500$ en 1995. Aucune école ne donnait de formations il y a 20 ans en arrière. Le traitement d’image n’était pas à la portée de tout le monde. Aujourd’hui Photoshop est un incontournable dans le monde de l’imagerie numérique. Tous les étudiants en graphisme y ont droit. Le publique s’est habitué à voir des images de plus en plus fantastiques. Il peut aussi s’en lasser. Un retour à des images plus vraies n’est pas improbable. Ceci s’est produit dans le monde de la mode et de la retouche cosmétique. Certains magazines se sont engagés auprès de leurs lecteurs à limiter l’utilisation des retouches sur les mannequins.

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