
Avec des initiatives comme le Marché des Possibles, Shamrock, Bella Stock ou encore les Jardins Gamelin, les installations éphémères pullulent à Montréal. Ces événements encore hybrides pour certains permettent à la créativité de s’exposer hors des murs et à des collaborations de se créer.
« Il y a un mouvement d’appropriation du domaine public par le citoyen » affirme Benoit Lemieux, directeur des opérations au partenariat du Quartier des Spectacles. Il a organisé, en collaboration avec Pépinière & Co, l’inauguration ainsi que la direction et la production des Jardins Gamelin, place Émile-Gamelin. Mais au-delà de la soirée d’ouverture, le plus gros défi est de faire vivre les installations au quotidien, lorsque les paillettes et les illuminations de la soirée d’ouverture ont disparues.

Une vision à mettre en place
Timing serré, budgets coupés, la conception de ces espaces relève parfois d’une course contre la montre. « Nous devions concevoir une installation interactive qui amènerait les gens dans la rue à s’arrêter. Le défi était de faire en sorte qu’une rue devienne une place » explique Cécile Combelle, co-directrice et co-fondatrice de l’atelier Barda. « Shamrock, c’est un point d’attraction où on peut, grâce au carrousel, retrouver la convivialité perdue dans les villes ». Pour Mistaya Hemingway, coordinatrice et programmatrice du Marché des Possibles, il s’agissait de créer un espace ludique sans pour autant en faire un lieu commercialisé: « Ce n’est pas une place pour les logos, les entreprises, mais un projet pour revitaliser l’offre alimentaire destiné à tous les âges, toutes les cultures. Le tout gratuit, durant tout l’été »
Espace pour et par le citoyen
Les différents instigateurs de projet ont tenu à intégrer les citoyens dans le processus. Renouant avec une pratique qui peut paraitre désuète à l’ère des réseaux sociaux, le porte-à-porte, ils ont pris le temps de présenter aux riverains, souvent intrigués, leur vision. Selon Mistaya Hemingway, s’ils ne se sentent pas intégrés, les groupes communautaires des alentours peuvent devenir un obstacle à la bonne réalisation du projet: « Il faut aller chercher le soutien de toute la communauté, présenter le projet à chaque groupe, les convaincre et leur expliquer d’où vient l’argent car certains se demandent pourquoi nous avons reçu un budget plutôt qu’eux ». Dans le cas du Marché des Possibles, quiconque souhaite participer à l’événement peut venir y installer une table, organiser une conférence, des débats. Un système de parrainage est également organisé afin d’aider à couvrir les frais inhérents à l’organisation d’une programmation gratuite.
Vivre au quotidien
Outre les événements qui ponctuent la vie de chacune des installations, la spontanéité de la vie de tous les jours est également un facteur de réussite des projets. Par exemple, le carrousel de la place Shamrock a mis en place un dispositif interactif low-tech pour que « l’interaction viennent des gens. Cela correspond à l’esprit de la place ». Lien entre le marché Jean-Talon et une partie du boulevard Saint-Laurent qui a d’après Cécile Combelle « besoin de se revitaliser », la place Shamrock invite les gens à s’y déplacer pour faire en sorte qu’elle reste vivante. Ces projets sont basés sur la collaboration. Aussi bien entre les institutions créatrices qu’avec les citoyens lambdas. D’ailleurs, les bénévoles ont joué un grand rôle dans le respect des échéances et permis aux concepteurs de mettre à projet les budgets déjà serrés: « Nous avons fait appel à une équipe de bénévoles pour la fabrication de la place. Ils ont aussi aidé à retaper les vélos récupérés recyclés. Ils étaient une petite dizaine et sans eux, tout cela n’aurait pas été possible », raconte Cécile Combelle, tout en précisant que la collaboration avec l’arrondissement de Rosemont La-Petite-Patrie fut fructueux.

Eviter l’effet de mode
Ces installations sont éphémères, oui. Mais la vision de changement qu’elles apportent doivent, elles, perdurer dans le temps: « Le vrai test, c’est le lendemain, au quotidien » affirme Jérome Glad, développeur de projet chez Pépinière & Co. « Il y a une vague propice en ce moment à Montréal. Mais on voudrait éviter l’effet de mode lié à l’événementiel » ajoute Cécile Combelle. « Les citoyens sont et resteront les premiers ambassadeurs de nos projets qui apportent une image qui correspond bien à la ville, fraiche et dynamique ».
Situés entre les projets permanents et les événements ponctuels, ces aménagements hybrides doivent souvent faire face à une législation pas encore tout à fait adaptée, avec laquelle il faut parfois jouer. Ce sont les programmations à l’échelle des quartiers, le rassemblement citoyen autour d’initiatives innovantes et rassembleuses dans des lieux publics qui permettront à ces installations éphémères – parfois avant-gardistes – de se faire une place durable dans le paysage montréalais. Reste à la ville et aux arrondissements de porter leur soutien à ces projets qui demandent beaucoup d’énergie.
Les Jardins Gamelin
Du 7 mai au 4 octobre 2015 de 7h30 à 23h
Place Emile-Gamelin, 1500 rue Berri, Montréal
Marché des possibles
Du 19 juin au 9 août 2015, du vendredi au dimanche de 11h à 23h (dimanche jusque 19h)
5635, rue Saint-Dominique, Montréal
Crédits photo : Yves Provencher et Ulysse Lemeryse (Jardins Gamelin), Susan Moss (Marché des Possibles), Fabien Lasalle et Atelier Barda (Place Shamrock)