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Cette semaine, on se penche sur le mariage interdisciplines entre architecture et design graphique. Étant architectes, on avait envie de connaître le point de vue d’une designer graphique sur la question. Entrevue donc avec Christine Lavallée, designer graphique qui, par sa pratique au sein de cabinets d’architectes, a su faire la démonstration que l’association de ces deux disciplines peut être porteuse d’un fort potentiel créatif.
Parka : Qui es-tu? Ton travail, tes passions…
Christine Lavallée : Je travaille en design graphique au sein de bureaux d’architectes depuis 7 ans et suis en processus de terminer une maîtrise dont le sujet concerne le processus créatif. En ce qui concerne ce qui me passionne, je crois que c’est davantage une fascination pour l’être humain en général. On est vraiment de drôles de bibittes. J’adore le fait que notre vie n’a souvent aucune cohérence ni logique et qu’on soit remplis d’un million de contradictions et de paradoxes. Daniel Eatock est le maître ultime selon moi.
Parka : Quels sont les principaux défis que tu rencontres au quotidien et relatifs au fait que tu travailles avec des gens qui, à la base, sont issus d’une autre discipline?
C.L. : Le principal défi est très concret, soit la rapidité de notre domaine. Tout est vite. Je me sens souvent comme une petite machine à vapeur, pleine de pression, qui roule dans le tapis. Je dirais aussi qu’il y a une méconnaissance du potentiel de notre travail. On peut faire beaucoup plus que de monter un fichier pour appliquer une image sur un mur. Ce n’est peut-être pas tous les projets qui s’y prêtent, mais une réflexion sur des éléments tels que l’orientation et l’identité du lieu changent totalement un projet. Ceux-ci restent en mémoire, ils deviennent des lieux que l’on souhaite fréquenter, habiter.
Parka : Processus de création en design graphique vs. architecture : Quelles similitudes ou différences marquantes as-tu pu observer entre les deux?
C.L. : Selon moi, la créativité est davantage une question d’individu et non de discipline. Je crois que les réflexions d’un designer graphique peuvent fortement nourrir celles d’un architecte, notamment parce que nous avons une méconnaissance de toutes les contraintes techniques. Je dois mentionner que j’ai été fascinée par la complexité d’un projet d’architecture; le nombre de dessins, de règlements, de codes, d’intervenants. J’admire beaucoup cette profession.
Parka : As-tu eu à adapter tes façons de concevoir ou de produire pour œuvrer dans le milieu de l’architecture?
C.L. : Je ne considère pas vraiment ça comme de l’adaptation, mais plutôt comme de la curiosité et de l’ouverture d’esprit. En tant que designer graphique, on sort de l’école avec une bonne connaissance des techniques d’impression, des papiers, du web, de la publicité. On est habitués à travailler avec des formats conventionnels. Pour appliquer le design à l’environnement, il est nécessaire d’ouvrir nos connaissances sur des méthodes de fabrication, d’assemblage, d’éclairage. Il y a aussi la notion d’échelle. Le travail doit être réfléchi complètement différemment lorsqu’on travaille à une échelle humaine. On doit mettre en contexte le design. Sera-t-il vu de près, de loin ou les deux? Est-ce qu’on découvre celui-ci graduellement au fil de nos déplacements? Doit-on informer, divertir, habiller un mur ou orienter les gens? Il est important de tenir compte du côté très fonctionnel du design graphique.
Parka : De manière générale, crois-tu qu’on te laisse assez de place et de corde ou, au contraire, tu dois travailler fort pour te bâtir une place au sein d’une équipe d’architectes?
C.L. : De manière générale, je crois que la multidisciplinarité est souvent souhaitée par tous les intervenants d’un projet, mais encore très difficile à obtenir, principalement dû à des contraintes très concrètes de budgets et d’échéanciers. Les procédures de travail entre un designer graphique et un architecte sont encore souvent très séparées; traditionnellement, la signalisation se fait à la fin d’un projet. On s’interroge sur la signalisation une fois le bâtiment construit. Je ne crois pas que les architectes ne considèrent pas l’orientation dans la conception du bâtiment, mais je trouve qu’ils oublient trop souvent que l’objet signalétique peut être conçu d’une matière architecturale, dès le début du processus conceptuel. Comme je l’ai mentionné plus tôt, la vérité est que, comme dans tous les milieux créatifs, tout va de plus en plus vite. Toutefois, en regardant quelques années en arrière, je crois qu’il y a eu un changement. Les gens sont plus allumés (autant du point de vue des architectes que des clients) sur l’apport créatif que peut avoir un designer graphique dans les étapes de conception d’un projet d’architecture. Je crois que les projets qui ont du succès, sont ceux qui mélangent parfaitement le branding à l’architecture, ont un effet boule de neige sur notre travail au quotidien. Ils sont efficaces et démontrent que mieux communiquer = mieux vendre, mais aussi que le design améliore notre milieu de vie.
Deux coup de cœur :
https ://www.behance.net/gallery/11809313/21e-arrondissement-Brand-identity
http ://www.humadesign.com/en/project/la-fabrique-125-2/
Pour consulter le site web de Christine Lavallée :
www.christinelavallee.com
Image par Christine Lavallée