C’est le mardi 25 et le mercredi 26 mars, qu’auront lieu les projections du documentaire Sign Painters, réalisé par Faythe Levine et Sam Maconet, au Centre Phi de Montréal (le 25) et au Cercle de la ville de Québec (le 26). Ce film, produit par Radar Studios, s’intéresse à la vie des derniers lettreurs à la main des États-Unis. À travers différents portraits d’artistes, les réalisateurs mettent à l’honneur cette pratique qui a tendance à disparaître pour laisser la place aux nouvelles technologies. Rencontre avec Sam Maconet, un des deux réalisateurs.
Baron : Pourquoi réaliser un reportage sur les lettreurs à la main ?
Sam Maconet : Faythe et moi étions des amis très proches depuis des années et l’on avait déjà collaboré sur de nombreux projets de films. On savait que l’on voulait travailler ensemble sur un documentaire, mais on n’était pas sûr du sujet que l’on voulait aborder. Nous sommes intéressés par de nombreux secteurs, mais il était important, pour nous, de trouver un sujet qui ne soit pas là seulement pour satisfaire notre créativité, mais qui soit assez intéressant pour être le thème d’un long métrage. Quand Faythe a suggéré de faire le documentaire à propos des lettreurs à la main, on s’est directement dit que c’était un sujet qui regroupait assez de matières et d’idées fascinantes, comme le design, le graphisme, l’artisanat, l’histoire, les endroits publics, les travailleurs, l’art, etc., pour en faire un film.
B. : Aviez-vous une attirance spécifique pour cette discipline méconnue ?
S. M. : J’ai toujours été attiré par l’esthétique des peintures faites à la main et des affiches en général, mais je ne savais pas exactement pourquoi avant de commencer le film.Quand on a creusé le sujet, je me suis rendu compte que mon attirance pour les affiches et écriteaux venait tout simplement du fait qu’ils étaient réalisés à la main par un individu qui comprend l’importance de la formation des lettres et du design.
B. : Quelle est l’histoire du sign painting ?
S. M. : Je ne peux pas parler au nom de l’ensemble de la profession, mais notre film examine l’état actuel et la récente histoire du lettrage à la main aux États-Unis. Sign Painters est un récit anecdotique raconté par ceux qui pratiquent la profession, jeunes et vieux. Cette pratique est beaucoup plus répandue que ce que la plupart des gens soupçonnent. Dans les années 1980, beaucoup de lettreurs ont perdu leur travail à cause des ordinateurs, rendant ainsi les espaces publicitaires plus homogènes et, selon moi, visuellement moins intéressants. Sign Painters, c’est une histoire à propos de l’engagement de certains artistes qui continuent à croire en leur passion en dépit de l’avancement technologique. La passion et l’immense talent des personnes que nous avons interviewées prouvent que ce qui est rapide et bon marché n’est pas toujours la meilleure option.
B. : Est-ce que les lettreurs à la main ont encore une réelle importance aux États-Unis ?
S. M. : Absolument ! Je peux même dire qu’ils ont un marché plus robuste qu’avant. Si vous allez dans une ville où les lettreurs ont continué à travailler, vous allez directement sentir la différence. Ces villes ont du caractère, elles vibrent.
B. : Comment avez-vous trouvé les artistes qui passent dans le documentaire ?
S. M. : On a commencé avec un nombre d’artistes que Faythe et moi connaissons personnellement à Minneapolis. Nous ne voulions pas faire des recherches trop avancées pour deux raisons : tout d’abord, il n’y avait pas beaucoup d’informations accessibles et, ensuite, je ne voulais pas que nos idées préconçues amènent le film dans une certaine direction. Une entrevue nous a donc amenés à une autre entrevue, qui elle nous a menés à une autre, et ainsi de suite. On a aussi passé beaucoup de temps au téléphone à essayer convaincre les artistes de se laisser filmer.
B. : Quels étaient les éléments les plus inspirants lors du tournage ?
S. M. : Parler avec toutes ces personnes talentueuses à propos du respect et de la passion qu’ils ont pour l’artisanat. De plus, c’était hypnotisant de les voir peindre. Nous avons aussi aimé partager le projet avec les artistes, leur famille et leurs amis. C’était génial de les voir recevoir l’attention qu’ils méritaient. Quelqu’un aurait dû faire ce film des années auparavant.
B. : Quel était le meilleur moment du tournage ?
S. M. : Notre rencontre avec Keith Knecht était un honneur. La conversation avec lui était d’une telle richesse… je n’ai jamais eu cela avec quelqu’un d’autre auparavant. Il était très près de la mort, mais cela ne se voyait pas. Il était rempli d’énergie et de sagesse et parlait avec amour de sa passion pour le lettrage à la main.
Photo: James Wojcik
B. : Est-ce que les différentes générations de lettreurs vous ont surpris ?
S. M. : Je suppose que je dois répondre que j’étais plus surpris par le MANQUE de différence. Mais cela ne veut pas dire qu’ils sont tous les mêmes. Ils ont tous leur propre point de vue, leur propre technique, leur histoire, mais la façon dont ils parlent du sign painting était remarquablement similaire. Spécialement en ce qui concerne l’importance d’apprendre les bases pour faire les choses correctement.
B. : Votre documentaire a eu un véritable impact dans les médias. Est-ce que vous vous attendiez à un tel succès ?
S. M. : Je fais toujours les choses en espérant que les gens vont apprécier mon travail. Quand vous faites un documentaire, il est important de bien le faire, pour le respect des gens qui ont bien voulu vous raconter leur vie. S’ils voient que le film raconte la vérité, je pense que l’on peut dire que l’on a fait notre job. Concernant la réaction du public, je savais que ça allait intéresser un grand nombre de personnes. Mais je ne savais pas si les gens allaient cliquer sur la page pour voir la bande-annonce d’un film appelé Sign Painters, et encore moins payer un ticket pour venir voir le film. Nous sommes donc très heureux de voir l’engouement du public pour notre film.
B. : Pourquoi avoir aussi fait un livre ?
S. M. : Faythe et moi avions fait un livre pour notre 1er documentaire, Handmade Nation. Princeton Architectural Press nous a proposé de publier un livre pour Sign Painters et, pour nous, il semblait évident qu’il fallait répondre « oui » !