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Unschooling : à quoi ça sert?

Unschooling : à quoi ça sert?

«Bon succès dans ton école» avait l’habitude de me répéter ma vieille tante chaque Premier de l’an. Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’université a été au coeur de bien des débats ces dernières années : hausse des frais de scolarité au Québec et en Ontario, enseignement en anglais en France, marchandisation de l’éducation, etc.  Certains vont plus loin et remettent carrément en question la pertinence des études postsecondaires.

Cette remise en question n’a toutefois rien de récent. Le mouvement unschooling prend ses racines dans les années 70. À cette époque, des parents ont tout simplement cessé d’envoyer leurs enfants à l’école, préférant les apprentissages autodidactes qu’offraient les musées et les voyages. Selon eux, l’université inculquait le conformisme et minait la créativité. Non seulement l’université serait inutile pour les gens ordinaires, mais elle serait même nuisible pour les gens brillants!

Plus récemment, Steve Jobs, Bill Gates et Mark Zuckerberg ne sont que quelques exemples de géants de la Silicon Valley ayant abandonné leurs études universitaires au profit des entreprises desquelles ils sont aujourd’hui les icônes milliardaires. Ces contemporains ont remis au goût du jour le phénomène unschooling.

Peter Thiel, le fondateur de PayPal, s’est imposé comme un ambassadeur de ce mouvement. « Changer le monde et devenir milliardaire ne s’apprend pas sur les bancs de la fac. »  Ironiquement, il est lui-même détenteur de deux diplômes de l’Université Stanford – en droit et en philosophie. On pourrait donc penser que son message est plutôt : « Faites ce que je dis et non ce que je fais ». A contrario, dit-il : « La qualité de l’enseignement et l’ambiance de travail y sont médiocres. »  Il poursuit en disant que l’université est une perte d’argent et souligne que le temps d’une génération, les frais de scolarité des universités américaines ont quadruplé, ce qui a pour effet d’aggraver l’endettement des jeunes. Et pour compte, un sondage commandité par la Banque TD et cité dans le journal Les Affaires avance qu’« en raison de leurs dettes d’études, ils sont nombreux à reporter les prochaines étapes de leur vie. En effet, 42 % repoussent le moment de commencer à épargner pour leur retraite, 34 % l’achat d’une première maison, 32 % la naissance de leur premier enfant et 16 % leur départ de la maison de leurs parents. »

En affaires, il est crucial d’être au bon endroit au bon moment. Pour Thiel, qui a été parmi les premiers à investir dans Facebook, si ses créateurs avaient terminé leurs études universitaires et attendu deux ou trois ans pour lancer le projet, il aurait été trop tard.

Ainsi, Peter Thiel a mis sur pied une série d’initiatives qui vont dans le sens de ses convictions. En 2011, il créé le programme 20 Under 20, qui sélectionne 20 jeunes de moins de 20 ans et  offre à chacun une bourse de 100 000 $ en l’espace de deux ans pour les aider à monter une  start-up, une organisation non gouvernementale ou un projet de recherche dans le domaine des technologies. La condition pour y participer : abandonner ses études pendant la durée du programme. Des candidats de partout sur la planète appliquent et sont invités à s’installer en Californie dans la Silicon Valley. Le programme aspire à fournir les contacts nécessaires à ces jeunes pour prospérer.

Un autre amant du unschooling, Dale Stephens, a plutôt fondé un centre de formation entièrement en ligne : uncollege.org. Il a été invité par Peter Thiel à participer au programme 20 Under 20 et a été hissé au rang d’étoile montante dans son domaine.  Uncollege.org continue à prendre de l’expansion et mise désormais sur les stages à l’étranger; un principe de base du unschooling. Dale Stephens aspire désormais à imposer son organisation en tant qu’alternative à l’enseignement public.

Certains observateurs y voient néanmoins un certain paradoxe. Nonobstant la valeur d’un diplôme, les études ont également pour but d’élargir nos horizons, ce qui est loin d’être assuré quand on entre si jeune sur le marché du travail et dans le monde des affaires, de la finance et des hautes technologies.  Le danger est bien réel.  Pourtant, c’est ce qui semble plaire aux amants du unschooling : l’école à la carte et la possibilité de faire ce qu’on veut quand on veut, à tort ou à raison. Autrement dit, la bataille ne se fait pas contre la scolarité, mais plutôt contre l’école telle que nous la connaissons.

Survivre à son fondateur

L’arrivée des icônes du unschooling laisse toutefois planer des doutes quant à la survie de ces compagnies à leurs fondateurs. Apple connaît un recul par rapport à l’an dernier, alors que Steve Jobs était toujours aux commandes. Bien qu’étant le trentième employé à avoir été embauché par Bill Gates, Steve Ballmer a lui aussi connu quelques difficultés depuis son arrivée à la tête de Microsoft.

Parfois, les fondateurs sont eux-mêmes mis à la porte après des résultats décevants. Ça a été le cas de Steve Jobs au milieu des années 80. À l’inverse, la montée de LinkedIn suite à l’arrivée d’un ancien de Yahoo vient nuancer cette situation.

Une étude de la Harvard Business School effectuée auprès de 457 entreprises du domaine des technologies démontre que généralement, les professionnels qui détiennent moins de parts dans l’entreprise ont plus de succès que les présidents fondateurs ayant un plus grand contrôle sur leur entreprise. L’incitatif est simple : celui qui possède moins tente de maximiser sa part du gâteau.

D’autres recherches vont dans le sens opposé. Certaines affirment que les créateurs sont de meilleurs patrons à long terme, puisqu’ils sont généralement à l’affût des dernières tendances et ont une meilleure connaissance de leurs marchés respectifs.

Finalement, l’innovation peut se faire sur deux axes : le modèle d’affaires ou encore le produit en tant que tel. Il existe toutefois très peu de documentation pour étayer cette distinction pourtant cruciale et qui nous permettrait de mieux comprendre les succès des icônes du unschooling.

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