On s’étonne toujours d’en apprendre un peu plus sur les abeilles, cette espèce méconnue. L’existence même de la Loi sur les abeilles, abrogée en 2000, a de quoi en surprendre plusieurs. Pourtant, la pratique de l’apiculture urbaine est relativement répandue à Montréal.
En effet, on compte plus de 165 ruches sur l’île de Montréal, qui produisent près de trois tonnes de miel par an. Au-delà de la sauvegarde de cette espèce menacée, le phénomène est en expansion réelle depuis les années 2000 : Paris, New York, Toronto et Londres ont emboîté le pas. Cela dit, l’impact de l’apiculture sur la survie de cette espèce est non seulement déterminé par ce regain, mais aussi par la sensibilisation accrue que cela permet auprès des populations locales.
Si le mariage entre l’apiculture et l’urbanisme semble contre-intuitif, sachez que sur bien des plans, la ville offre des avantages importants et spécifiques à l’élevage des abeilles. Par exemple, on retrouve moins de pesticides en ville qu’à la campagne, et les plantes dont le nectar est récolté par les abeilles se retrouvent davantage concentrées en milieu urbain. Et le cycle se poursuit, puisque la pollinisation contribue à la reproduction de ces mêmes végétaux.
Abeilles ou guêpes?
Pour beaucoup de gens, il est difficile de faire la différence entre une guêpe et une abeille. Pourtant, il s’agit de deux bêtes complètement différentes : l’abeille ne pique pas, produit du miel et n’attaque pas. Tout le contraire de la guêpe.
Un beau loisir?
Ceux qui pensaient pouvoir combiner la pureté d’un retour à la terre et rester sur le Plateau doivent être avertis : nul ne peut s’improviser apiculteur malgré la possibilité de construire un rucher sur le toit de son immeuble.
Les risques sont nombreux : propagation de maladies entre ruchers, comportements agressifs provoqués par le départ d’une reine de la ruche partie former une nouvelle colonie (essaimage). L’apiculture urbaine doit également faire l’objet d’une planification rigoureuse puisqu’on connait encore mal les conséquences d’une trop grande concentration d’abeilles sur les écosystèmes urbains.
À l’heure actuelle, Agriculture urbaine Mtl et Miel Montréal sont deux outils facilitant la collaboration entre les différentes initiatives existantes. Miel Montréal offre des services de formation et d’installation, ainsi qu’un suivi des ruches urbaines.
Le collectif de recherche en aménagement paysager et en agriculture urbaine durable (CRAPAUD) collecte même plusieurs échantillons de miel produit dans la région métropolitaine pour en faire des analyses. Les apiculteurs urbains contribuent ainsi à la recherche scientifique. Les résultats sont frappants et révèlent la grande variété de plantes pollinisées par les abeilles en question. On prend ainsi conscience de la relation bilatérale entre la présence d’abeilles et la biodiversité urbaine.
Créé en 2011, d’abord avec deux ruches (ils en ont maintenant six), cet institut de recherche fournit désormais le campus de l’UQÀM en miel. Encore une fois, la sensibilisation fait partie intégrante de ses activités. Les apiculteurs urbains du CRAPAUD ont d’ailleurs un blogue, où il est possible de suivre le projet de façon régulière et très pédagogique.
Pendant ce temps, à la campagne
En France, les apiculteurs du nord du pays se sont regroupés pour fournir aux amateurs la formation et les moyens nécessaires pour sauver cette espèce menacée. Plutôt que de voir l’apiculture urbaine comme une menace ou un compétiteur, les paysans ont décidé de s’imposer comme principaux propagateurs de l’information et des connaissances. Ils espèrent ainsi ouvrir les yeux au public quant à l’importance des abeilles sur les écosystèmes et sur les conséquences de l’utilisation de pesticides.
Tous les moyens sont bons pour y arriver : conférences dans les écoles, construction de ruchers pédagogiques… Jusqu’à la création d’un musée de l’apiculture qui présente du matériel agricole, des panneaux pédagogiques et des projections vidéo.
Parmi les ambassadeurs
Longtemps illégale à New York, l’apiculture urbaine a trouvé dans la grande pomme un de ses plus importants ambassadeurs : Andrew Cote. Originaire du Connecticut, il est issu de la quatrième génération d’une famille d’apiculteurs. Cote a longtemps entretenu ses ruchers dans la quasi-clandestinité jusqu’à ce que l’interdiction soit finalement levée en 2010. Aujourd’hui, ce sont près de 10 millions d’abeilles qui bourdonnent sur les toits new-yorkais.
Fort de sa formation en droit, Andrew Cote a fondé deux OSBL : Abeilles sans frontières et l’Association des apiculteurs de la ville de New York. Cette dernière a le vent dans les voiles. Là encore, l’accent est mis sur la prévention et la formation des apiculteurs en devenir, de même que sur la sensibilisation du public.
En définitive, l’émergence de l’apiculture urbaine bouscule les conventions ayant, jusqu’ici, régi la cohabitation entre la nature et la jungle urbaine. La pertinence même de cette activité remet en question notre lien avec la nature ainsi que la capacité des villes à s’adapter aux changements propres à notre siècle.