La montée du commerce en ligne soulève bien des questions à l’heure actuelle. Des questions qui affectent autant les grands centres commerciaux que les boutiques. À ce propos, les tenants du commerce de proximité vont parler d’« expérience de magasinage » puisque dans bien des cas, la guerre des prix avec les géants Amazon ou Rakuten est perdue d’avance.
Ces inquiétudes quant à l’avenir du commerce au détail découlent d’un phénomène bien précis : le showrooming. Une expression qui désigne les consommateurs qui magasinent en boutique, mais qui achètent en ligne.
En soi, ça n’a rien d’illégal. Toutefois, les boutiques sont exposées à des coûts fixes et à des contraintes comme le loyer, l’électricité, les salaires et les heures d’ouverture auxquels Amazon est pratiquement soustraite (ce qui explique parfois ses meilleurs prix). Le commerce en ligne bénéficie ainsi des salles de montres que deviennent de facto les commerçants ayant pignon sur rue.
Le tout est rationnel : le consommateur veut profiter à la fois d’un maximum d’information et du meilleur prix.
Le phénomène
Près de 80 % des commerçants français se disent victimes de ces « repérages ». Pourtant, l’Europe est en relative bonne posture : 54 % des consommateurs affirment pratiquer le showrooming. Au États-Unis, cette proportion frise les 60 %. En Asie, cette proportion monte au-dessus des 70 %, loin devant une moyenne mondiale de 33 %.
Plus encore, 21 % des gens qui ont recours à cette pratique le font simultanément sur leur appareil portable afin de comparer les prix et de lire des commentaires en temps réel.
Solutions
Si la solution réside dans un virage numérique, 17 % des 460 commerces interrogés pour l’étude française l’ont fait, et un autre 15 % s’apprête à le faire.
Si les concessionnaires automobiles représentent la quintessence du commerce de détail tel qu’on le connaît sous sa forme actuelle, cette industrie subit aussi de profonds changements. L’exemple par excellence est celui de Tesla Motors, qui a toute la misère du monde à contourner la loi américaine empêchant les fabricants automobiles de vendre directement aux consommateurs. Cette loi vise essentiellement à favoriser une plus grande concurrence.
En effet, Tesla Motors a été forcé d’ouvrir récemment, en Virginie, des galleries – autrement dit, des salles de démonstration – où il est impossible d’acheter ces voitures électriques haute performance. Le fabricant californien voulait essentiellement suivre le modèle d’Apple et avoir ses propres boutiques ou concessions. Actuellement, toutes les transactions de Tesla sont faites via Internet.
D’un côté, certains disent qu’à terme, plusieurs géants du commerce en ligne n’auront d’autre choix que de créer des salles de démonstration.
De l’autre, plusieurs grands magasins offrent déjà un service de commande en ligne avec cueillette sur place afin d’éviter les défauts de livraison, concernant la taille, entre autres.
Pour l’instant, les entreprises qui semblent s’en sortir le mieux sont celles offrant des produits haut de gamme. Souvent, ces boutiques se distinguent par des produits pour lesquels les prix réduits sur Internet sont inexistants, et un service à la clientèle fortement bonifié. Pensons notamment à tout ce qui est sur mesure ou qui nécessite des services d’installation ou de calibrage.
D’autres solutions, plus radicales, ont vu le jour en Australie. Une boutique fait payer quelques dollars aux clients qui ressortent les mains vides ou facturent les clients pour essayer un morceau. Si les boutiques ont néanmoins besoin d’achalandage pour survivre, l’implantation de cette mesure semble peu recommandable.
Au final, quelle qu’elle soit, la solution devra s’articuler autour de trois axes. Premièrement, les prix; Best Buy et Target ont déjà commencé à aligner leurs prix avec ceux du web et offrent même une garantie de 15 jours sur les produits offerts en ligne. Deuxièmement, les boutiques devront miser sur leur seule force : le service. Troisièmement, il faudra négocier des produits exclusifs et proposer des offres qui sont absentes d’Internet.
S’adapter
Les enjeux auxquels fait face le secteur des services à l’heure actuelle sont importants. Les concessionnaires automobiles, à eux seuls, emploient près de 1,1 million de personnes aux États-Unis. En définitive, c’est une partie significative de notre économie qui fonctionne selon cette structure que les différentes mesures de relance mises en place maintiennent de façon plus ou moins artificielle.
Le showrooming démontre que cette transformation profonde est non seulement entamée, mais que si les commerçants établis ne s’y adaptent pas autrement que via un blocage politique, ils risquent bien de se faire damer le pion par de nouveaux venus.
Pourtant, alors que la technologie a créé de toutes pièces le problème du showrooming, elle peut aussi servir de piste de solution. À terme, certains produits devront composer davantage que d’autres avec le showrooming. Que le Dr. Pepper soit offert à deux pour un à 4 km de chez vous est probablement peu pertinent lorsque vous faites votre épicerie au coin de la rue. Et les choses ne sont pas près de changer, showrooming ou pas. Par contre, de tout temps, un objet plus gros et de plus grande valeur, comme un téléviseur, fait nécessairement l’objet d’un magasinage attentif. En définitive, les commerçants devront s’adapter en observant les habitudes de consommation et en déterminant quels produits sont sujets au showrooming,et lesquels y sont soustraits.