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Goodbye sayonara : travailler en anglais à Tokyo

Goodbye sayonara : travailler en anglais à Tokyo

Utiliser l’anglais comme langue de travail est une façon de faire quotidienne pour au moins deux entreprises japonaises : Fast Retailing, dont la principale filiale, UNIQLO, conçoit, confectionne et distribue ses propres vêtements, ainsi que Rakuten, maintenant numéro trois mondial du commerce en ligne.

L’idée derrière Rakuten est de créer un véritable « centre commercial virtuel ». À l’instar d’Amazon, son principal concurrent, le site japonais rassemble les pages de différents détaillants plutôt que de vendre l’ensemble de ses produits sous une même bannière. Les internautes se promènent ainsi « d’une boutique à une autre ».

La méthode Mikitani

Le président-directeur général de Rakuten, Hiroshi Mikitani, insiste pour que les réunions de son entreprise se tiennent uniquement dans la langue de Shakespeare. Celui qui conseille personnellement le nouveau premier ministre, Shinzo Abe, a publié un livre au titre assez évocateur : Marketplace 3.0 : Rewriting the Rules of Borderless Business, expliquant sa vision et comment il a mis en place sa façon de faire au sein de ses différentes entreprises.

Allant bien au-delà de la maîtrise d’une seconde langue, la politique de Mikitani est un des piliers de son expansion internationale. À ses yeux, il s’agit non seulement d’avoir la capacité d’opérer sur les marchés internationaux, mais surtout de permettre à ses employés de penser dans un cadre international. Le patron de Rakuten souhaite non seulement que ses employés soient capables de communiquer en anglais, mais qu’ils accomplissent chacune de leurs tâches quotidiennes en utilisant cette langue, sans hésitation et sans la moindre nervosité.

Son entreprise investit dans des cours particuliers pour ses employés, n’hésitant pas à accorder du temps de travail pour le faire, en plus d’en encourager l’apprentissage hors des heures d’ouverture. Mikitani a aussi créé une série d’incitatifs pour ceux qui réussissent le mieux. Et gare à ceux qui n’y mettent pas les efforts : ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’au congédiement.

À la conquête du monde

Cette politique semble pour l’instant viser à consolider la position de Rakuten sur les marchés internationaux. Depuis 2010, Hiroshi Mikitani a fait une série d’acquisitions dans le commerce électronique en Amérique, en France, au Brésil, en Indonésie, en Chine et en Malaisie. Le groupe espère ainsi multiplier par sept le pourcentage de ses transactions faites à l’extérieur du Japon, qui représentent présentement 10 % de ses transactions totales.

Au nombre de ces acquisitions, la canadienne Kobo, avec laquelle Rakuten espère conquérir le marché du livre virtuel. Un pari audacieux puisque Kobo détient présentement 4 % du marché avec un million d’unités vendues. Son ennemi juré, Amazon, a vendu 17 millions de liseuses Kindle, sans oublier Apple, loin devant, avec 39 millions de tablettes iPad vendues. C’est loin d’être gagné d’avance, puisque l’essentiel du profit à faire dans ce marché provient de la vente de livres et non des tablettes ou des liseuses.

Comme principal atout en tant que compétiteur, Rakuten a mis en place la livraison en moins de 24 heures au Japon. En Europe, le groupe vient de marquer un gros coup en achetant un poids lourd du secteur, le français Alpha Direct Services, un spécialiste des entrepôts robotisés. M. Mikitani veut développer ce service dans toute l’Europe. Le Vieux Continent est donc sa priorité pour les deux prochaines années.

Le commerce en ligne asiatique : l’essor

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Hiroshi Mikitani a vu juste lorsqu’il s’est lancé en affaires en 1997. Le commerce en ligne croît de 12 % par année et 70 % des internautes disent magasiner en ligne.

Un parcours comportant toutefois sa part d’embuches, puisque Rakuten annonçait, au printemps dernier, la fin de ses partenariats en Chine. Les habitudes de consommation y sont bien différentes de celles des Japonais et le marché du commerce en ligne est survolté présentement du côté de la République populaire. Hiroshi Mikitani s’est toutefois promis d’y retourner, et pour compte : la Chine a maintenant dépassé le Japon quant au volume de son commerce en ligne, ce qui n’est pas peu dire, puisque Rakuten possède 29 % des parts de son marché intérieur et que huit internautes japonais sur dix sont inscrits sur ses sites. Son entreprise offre aussi des services bancaires et possède des agences de voyages et même une équipe de baseball !

L’anglais au Japon

Malgré le libéralisme économique japonais, la maîtrise de l’anglais demeure toujours le fait d’une élite qui a souvent eu la chance d’étudier à l’étranger. Autrement, les heures de cours accordés à l’apprentissage de cette langue sont peu nombreuses. Selon certains tests, les Japonais auraient une moins bonne maîtrise de l’anglais que leurs très isolés voisins de la Corée du Nord. Ce qui n’est pas peu dire.

Selon Mikitani, un nombre trop élevé d’entreprises japonaises se limitent au marché intérieur en raison de cette lacune. Difficile pour l’instant de dire si son succès est attribuable à l’accent mis sur la maîtrise de l’anglais par ses employés, ou tout simplement à un concept novateur dès le départ. Probablement un peu des deux.

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