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Un passage au Freeman’s Sporting Club Barber

Un passage au Freeman’s Sporting Club Barber

Il fallait que ça m’arrive. Alors que l’effervescence des barbershops montréalais atteint son plein pour suivre la tendance, je me rends compte que ma pilosité faciale et mon cuir chevelu ont déjà goûté à la lame des barbiers de chez Freeman’s Sporting Club Barber; La Mecque new-yorkaise des barbershops dans le vent. Je vous déballe mon sac.

Octobre 2011, New-York. Il pleut. Il pleut à verse, même, mais, fidèle à mon habitude lorsque je foule le sol de Manhattan, je vais à pied, peu importe les caprices de dame nature. Malgré mon parapluie, j’ai la tignasse mouillée et en bataille à la fois. Je traverse l’île, de West Central Park au West Village, direction 5 Horatio Street, l’adresse du Freeman’s Sporting Club Barber (F.S.C. Barber).

L’heure est au changement et je me sens mûr pour une redéfinition stylistique. Comme je séjourne dans la Grosse Pomme pour le travail, j’en profite pour me payer une « vraie » coupe. L’endroit, conseillé par un ami qui habite Brooklyn et travaille dans le milieu de la musique, est difficile à trouver. Horatio Street est une petite rue incongrue qui fait face à un minuscule parc triangulaire qui porte le nom de Jackson Square. Au bout de la verdure, je tourne le coin de la 8e Avenue et je l’aperçois. Brique rouge, enseigne tubulaire tricolore, vitrine d’époque et l’éternel banc public adossé à la façade de l’établissement  : le cliché du barbershop authentique, vieillot.

J’entre au F.S.C. Barber. Le concept est simple. Pas de rendez-vous  : on s’annonce au comptoir et on s’assied pour attendre. Je m’annonce et m’assois. J’observe et je sèche, en attendant de passer sur la chaise. Le barbershop est joint à la boutique de vêtements Freeman’s Sporting Club, qui propose une garde-robe masculine où se croisent des influences BCBG/hipster/vintage; le style parfait pour accompagner le look de la place.

Tout comme au dehors, l’intérieur du F.S.C. Barber est simple, authentique et classique. Une dizaine de fauteuils antiques font face à de grands miroirs ornés de boiseries foncées. Le plancher et les murs sont recouverts de céramique blanche, éclairée par une lueur jaune, émanant des luminaires d’époque. La radio diffuse Hank Williams. Tout dégage un impressionnant mélange de classe et de chaleur réconfortante, même les barbiers. Les souliers cirés, les pantalons impeccables, en bras de chemise, moustache et cheveux finement taillés, sans compter les accessoires et les rasoirs à l’ancienne. Si ce n’était des tatouages et perçages apparents, on croirait vraiment voyager dans le temps. D’ailleurs, certaines scènes de la série Boardwalk empire ont été tournées au F.S.C. Barber. Rien d’étonnant.

Mais c’est cette classe qui m’a sauté aux yeux. Ce désir d’être bien mis, distingué, d’avoir l’air d’un homme sans payer le prix d’un salon, au delà de la nostalgie des beaux jours du barbershop, est un des facteurs qui a favorisé la multiplication des barbiers branchés. Sam Buffa, qui a eu l’idée de jumeler un coiffeur pour hommes à la boutique F.S.C. en 2006, voulait offrir un service immédiat, sans rendez-vous, pour ceux qui se lèvent le matin et se disent  : « J’ai besoin d’une coupe. » Pendant qu’ils attendent leur tour, ils lisent le journal, boivent un café ou font le tour de la dernière collection de Freeman’s.

« Ces mêmes jeunes hommes, au delà de l’apparence faussement nostalgique de l’endroit, a expliqué Buffa en entrevue au New-York Times, dans cette dépression économique, ne peuvent se permettre de ne pas avoir l’air professionnel en tous temps, mais ne veulent pas dépenser une fortune pour entretenir leur faciès (le F.S.C. charge 40$ pour une coupe ou un rasage). » Le fondateur du F.S.C. Barber ajoute qu’il n’est pas rare d’entendre un client dire qu’il a besoin d’une coupe ou d’un rasage avant d’aller à une entrevue pour un boulot. Ce qui, quand j’y songe, est précisément la raison pour laquelle j’y suis allé.

Mais le prix n’est pas la principale raison derrière la popularité de ces barbershops modernes. La qualité des services offerts y est aussi pour beaucoup. Pour certains consommateurs qui savent précisément ce qu’ils recherchent comme look, que ce soit une coupe à la Don Draper ou une tête de « greaser » plus rebelle, le talent et l’œil des stylistes du F.S.C. pèse lourd dans la balance. Et il n’y a pas que Sam Buffa qui recrute des barbiers à même les grands salons de coiffure new-yorkais. Ricky Pannell, un autre pionnier de la renaissance du barbershop, est un styliste accompli qui a décoré son commerce, Snip ‘N’ Sip, avec de véritables antiquités sorties des ateliers de barbiers d’un New-York qui n’existe plus aujourd’hui.

Avec les années, le phénomène a évolué. Bien plus qu’une mode nostalgique, les nouveaux barbiers d’aujourd’hui sont en train de s’afficher comme de véritables coiffeurs avant-gardistes, au top de la tendance. « À l’époque, raconte Ricky Pannell, un « vrai » barbier pouvait faire quatre coupes par heure! Moi, je charge 100$ la tête et je n’ai même pas de « clippers »! »

Une complexité que je ne pouvais envisager à cette situation, alors que je sortais du F.S.C. Barber, complètement revampé, il y a un an. Mais à voir la prolifération des barbershops nouveau genre à Montréal, comme dans toutes les grandes villes occidentales, on peut croire qu’un retour de ces services esthétiques a trouvé une clientèle plus que réceptive. La tendance est devenue culture.

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