Les disquaires indépendants se font de plus en plus rares dans les grands centres urbains. En région, leur présence relève carrément de l’exploit. Fredericton au Nouveau-Brunswick bénéficie de la présence de Backstreet Records, la dernière véritable boutique de disques de l’endroit, porté par son gérant, Eric Hill, depuis 20 ans. C’est dans un français impeccable qu’il donne un bref historique de l’entreprise. « Au départ, la boutique de Saint-Jean, dans le sud de la province, a ouvert dans les années 1980 et celle de Fredericton en 1988. À l’époque, les deux étaient la même boutique, mais les opérations étaient effectuées à Saint-Jean. Toutefois, les deux villes sont différentes et ce fonctionnement nous ralentissait. Étant donné que je connaissais bien Fredericton, on s’est mis à séparer les commandes et les paiements. Aujourd’hui, ce sont deux magasins distincts, mis à part quelques échanges effectués entre les boutiques ».
En tant que dernier bastion de la musique indépendante, on est porté à croire immédiatement que Backstreet Records a bénéficié de la disparition des autres boutiques. « Oui et non. C’est bon parce qu’il y a beaucoup plus de gens qui nous recherchent. Par contre, l’absence de concurrents envoie le signal que les gens souhaitent de moins en moins acheter des disques compacts ou des vinyles. Ici, notre clientèle est surtout composée de jeunes, les 30 ans et moins. Il y a quand même des collectionneurs de vinyles, mais les gens achètent leur musique sur Amazon »
Selon Hill, la nature de la ville expliquerait les choix des consommateurs. « C’est une ville de fonctionnaires et beaucoup de gens passent leur temps devant un ordinateur, c’est naturel. Sauf qu’ils n’ont pas l’expérience de venir dans un magasin, parler de musique, ça leur manque et ça se voit dans leurs choix. Ils écoutent les mêmes choses depuis qu’ils ont 16 ans. C’est souvent des gens de 40 ou 50 ans qui achètent du Def Leppard et qui n’ont pas entendu ce qui s’est fait depuis 20 ou 25 ans ». Eric Hill croit que cet aspect distingue encore sa boutique des grandes surfaces. Il espère bénéficier des curieux, surtout avec la disparition des chaînes.
Au lieu de s’essouffler, le marché cible de Backstreet Records se précise. « Le vinyle occupe de plus en plus d’espace sur le marché. Il y a des jeunes de 15 à 25 ans qui n’ont jamais acheté des disques compacts qui achètent de la musique en format physique au lieu de se contenter des alternatives numériques. Ils viennent ici et ils recherchent des vinyles, que ce soit de la musique moderne ou du rock classique des années 60 et 70 ».
Cette évolution serait due à la démocratisation du vinyle. « L’industrie en profite. Sub Pop imprime des disques vinyles depuis leurs débuts et ils ont toujours été à prix abordable. The Black Keys, représenté par Nonesuch Records, une division de Warner Music, lance un vinyle au prix bien plus élevé. Il y a encore ces deux extrêmes ; les petits joueurs sont conscients de ce que les gens peuvent se permettre avec leur budget tandis que les grosses compagnies veulent faire de l’argent dans un court laps de temps, un peu comme lorsque le CD est arrivé. Ils ont tenté de les vendre de 25 à 30 $ pour ensuite les baisser, mais les gens se sont aperçu que si ça coûte 1.50 $ à fabriquer, pourquoi payer 2000 fois le prix ».
Backstreet Records est situé au 384, Queen Street, au centre-ville de Fredericton.