Baron a bringuebalé son carnet et son appareil-photo au Salon du Livre cette fin de semaine, et vous rapporte de croustillantes entrevues à dévorer dans le confort de votre siège de bureau. Le Salon a refait peau neuve cette année, avec un kiosque numérique qui présentait des sites web où l’on peut trouver des livres publiés par des éditeurs québécois. Il y avait aussi des décorations de Noël légèrement à l’avance…
Voyage! Voyage!
Alain Olivier…
Alain Olivier a fait deux voyages marquants dans sa vie, et il les a décidé, en 2008, de coucher ces aventures sur papier. « Ca se combinait bien, l’écriture et le voyage; les deux permettent de revoir notre vie et notre façon d’être sous un autre angle » explique l’auteur. Ainsi sont nés Voyage au Viêt-Nam avec un voyou et Voyage au Mali sans chameau. Il n’avait pas nécessairement peur de se déplacer en chameau, raconte-t-il, mais « c’était un peu lent. Dans mes quelques semaines en Afrique, je n’en ai donc jamais pris un! »
Le voyou du Viêt-Nam est son fils, qui avait 11 ans lorsque la famille Olivier a traversé le Viêt-Nam, du Sud au Nord, sac au dos, en 3 mois.
« Contrairement à ce qu’on pourrait penser, mon fils permettait une bien plus grande ouverture sur les autres. Comme il allait vers les gens, les gens allaient spontanément vers lui. Grâce à lui, c’était plus facile d‘entrer en contact avec les gens», explique le fier voyageur.
Il s’adresse d’ailleurs à son fils dans son deuxième opus, en retraçant son périple solitaire en Afrique de l’Ouest, plus particulièrement au Mali, alors que pour le Viêt-Nam, il s’est adressé à sa mère. « C’es peut-être un artifice au plan littéraire, mais pour moi c’est aussi une façon d’ouvrir les choses», raconte M. Olivier, qui ne voulait pas écrire un simple guide de voyage. Son premier récit est d’ailleurs constitué de plusieurs petites scènes prise sur le vif. « Le voyage, c’est une occasion de revenir sur soi, sur son enfance. En écrivant à ma mère, je pense que ca donne un point de vue différent, plus émotif. »
Ce qui l’a le plus marqué dans ses voyages, c’est « le facteur humain ».
« J’ai été très touché par les gens, leur amabilité, leur hospitalité, leur chaleur. Oui il y a des beaux paysages, des aspects extraordinaires au plan culturel, de la nourriture différente, savoureuse… mais ce qui faisait vraiment le sel du voyage, c‘était le contact avec les gens. »
C’est la chaleur de ces inconnus qui lui donné le goût d’écrire ces aventures. Son prochain voyage n’est pas défini encore, et il est ouvert a toutes suggestions.
Éric Bertrand le quasi-Malien
Éric Bertrand a lui aussi voyagé au Mali, pendant 5 mois. En 2008, il publiait son livre Mali, Terre des hommes. Cela faisait 15 ans qu’il souhaitait partir en Afrique, et son rêve s’est réalisé dans le cadre de ses études en assainissement de l’eau au cégep de Rivière-du-Loup pour lesquelles il est parti faire un stage au Mali en 2007. Au début, il devait rester à Banako, la capitale, mais l’ONG pour laquelle il travaillait lui a proposé de partir travailler en campagne, dans des conditions plus extrêmes. Il a tout de suite accepté et n’a vraisemblablement pas regretté son choix.
« J’ai développé une complicité avec ce peuple-là; j’ai appris leur langue, leurs coutumes. Je me sens à l’aise quand je vais là-bas», raconte-t-il au Salon du livre de Montréal.
L’une des rares choses qui a choqué M. Bertrand est la mentalité patriarcale très marquée qu’il a remarqué au Mali. Malgré tout, il assure que les choses changent lentement mais sûrement dans le pays : « Il faut accepter que le changement se fasse lentement. Déjà ces dernières années, il y a eu beaucoup de changements dans les mentalités, et plus de femmes en politique », déclare-t-il.
L’auteur-voyageur s’est également lié d’amitié avec un employé de la compagnie pour laquelle je travaillais. « Comme nous habitions ensemble, nous avons développé une profonde amitié, nous étions tout le temps ensemble. »
Il a d’ailleurs fondé un projet de reboisement avec son ami; toutes les recettes de son livre aident à planter des arbres et à effectuer quelques rénovations au Mali. Lors de son deuxième voyage au pays, le mois dernier, il a pu voir les bénéfices que ses 640 arbres ont apporté. « Ca n’a l’air de rien, mais des arbres dans environnement désertique rendent l’air moins aride, plus frais, et l’ombre des arbres apportent un répit à la chaleur. Aussi, cette initiative connaît un franc succès dans les écoles, car les élèves peuvent s’occuper de leurs arbres. Je ne peux pas sauver l’Afrique, mais je peux aider à ce que la vie soit plus agréable », dit-il.
Il a commencé l’écriture de son récit un an après son voyage. « Ça prend du temps à décanter; on ne peut en parler à personne, parce que ce qu’on a vécu est tellement intense que c’est dur pour les autres de comprendre cette intensité. Pour eux, c’était comme si j’étais revenu de Walt Disney, alors que c’est complètement différent. »
Il a commencé à rédiger ses aventures car il ne voulait rien oublier de ce qu’il avait vécu. Finalement, il a poussé les choses plus loin, et a présenté son manuscrit à un éditeur. Il espère pouvoir retourner au Mali…bientôt.
Gary Klang et le roman qui ne s’est presque jamais terminé
Dans un coin de la section de littérature haïtienne du Salon est assis un homme portant une drôle de casquette. Gary Klang, 69 ans, a une quinzaine de livres à son actif. Il présente trois de ses œuvres au Salon, deux recueils de poésie et un roman, « une prose » comme il dit : Un homme seul est toujours mal accompagné.
« C’est l’horrible drame de la solitude pour un Haïtien à Paris», explique M. Klang. Il s’est inspiré de sa propre histoire pour le rédiger : à 19 ans, il débarque d’Haïti à Paris, où il s’est retrouvé seul pour la première fois. « En Haïti, le drame c’est de n’être jamais seul, les gens débarquent chez vous à toute heure, en plein milieu de la nuit, sans appeler», souligne-t-il. Il a donc subi un sacré choc lorsqu’il est passé d’Haïti à la grande ville de Paris. À partir de ce bouleversement, il a écrit Un homme seul est toujours mal accompagné, il y a de cela une quarantaine d’années. Le livre n’a cependant été publié qu’en 2005.
Il n’était toutefois pas satisfait du résultat. Il a laissé dormir le manuscrit pendant quelques années, l’a repris, l’a relaissé…jusqu’à ce qu’il trouve ce qui clochait.
« Je sentais qu’il manquait quelque chose, de presque indéfinissable : le ton. Un style, c’est d’abord un ton; c’est comme un musicien qui fait une fausse note, ca s’entend. » relate le féru de poésie et de prose.
M. Klang, issu d’une famille très multiculturelle, a passé une douzaine d’années à Paris, où il a effectué des études de littérature. Il ne s’est heureusement pas senti seul très longtemps, et il a même participé à la révolution de mai 1968. Il dit cependant ne jamais pouvoir oublier son arrivée dans la métropole parisienne.