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Essence Workshop: confection de parfum personnalisé

Essence Workshop: confection de parfum personnalisé

photo: François Brunelle – Himagia.com

Mannequin professionnelle depuis l’âge de 15 ans, la photogénique Ruby Brown eut le coup de foudre très jeune pour les odeurs. Ayant étudié à Gasse, capitale du parfum, c’est du haut de ses 24 ans qu’aujourd’hui elle décide de se lancer en affaires. Sans toutefois mettre de côté son métier d’origine, elle décide d’amener en Amérique le concept d’atelier selon l’art de la parfumerie française. Un atelier pour tous où aucune erreur n’est possible.

Qui êtes-vous et que faites-vous?
Au départ, à l’âge de 15 ans, je me suis fait arrêter dans la rue pour devenir mannequin. Dans ma tête, c’était bien clair que ça arriverait à un moment ou un autre. Quand j’ai eu l’accord de mes parents, je suis partie à Paris. Puisque ma mère est enseignante, c’est elle qui m’a enseigné jusqu’au cégep. Puis, je me suis installée à Paris à temps plein pendant cinq ans; j’y ai fait ma vie, ai rencontré mon chum, mes amis, la totale. Ensuite le mannequinat m’a amenée à découvrir plein de pays, notamment le sud de la France. Là-bas, j’ai suivi une formation à Grasse, capitale du parfum, d’où vient le fameux livre Le Parfum de Patrick Süskind. J’ai participé à plusieurs ateliers qui ressemblent beaucoup à ce que je fais aujourd’hui. J’ai pris le meilleur de chacun pour créer Essence Workshop, un atelier de création de parfums personnalisés.

À partir de là, vous avez décidé de partir un business et d’avoir une autre passion; j’imagine que ça s’est travaillé?
Ma passion est là depuis très longtemps. La vie fait vraiment bien les choses. En ayant été basée à Paris pendant plusieurs années, j’ai été amenée à visiter la France, notamment au sud à Grasse, où je me suis formée. Je suis ensuite déménagée à New-York pour le mannequinat, tout en gardant un œil sur ce qui se passait dans le marché de la parfumerie, parce qu’il y a plusieurs parfumeurs New-Yorkais. Puis, je suis déménagée à Montréal l’année passée, récession oblige, puis je me suis dit ça y est now it’s the time, puis j’ai mis sur pied toutes ces idées pour finalement en arriver à Essence Workshop.

Avez-vous suivi un cours à Grasse?
En fait, j’ai suivi plein d’ateliers qui ressemblent beaucoup à ceux d’Essence Workshop. Ayant pris le meilleur de tout ça, tout en tenant compte que mon copain est marseillais, je suis amenée à aller à Grasse à tous les étés. C’est donc super cool parce que je reste toujours au « parfum » de ce qui se passe dans l’industrie. J’essaie de ramener un peu le meilleur de tout ce que je vois. J’ai été amenée à partir en Inde pour trouver des fournisseurs. Je suis allée voir sur place les producteurs, pour m’assurer que ce soit un marché équitable qui fournirait des produits de qualité. Je suis en constante recherche pour Essence Workshop.

Mais quel a été votre déclic pour le parfum? Vous êtes mannequin depuis l’âge de quinze ans, avez-vous toujours baigné là-dedans?
C’est drôle parce qu’en tant que mannequin, j’ai toujours voulu faire une campagne de parfum mais j’en ai jamais fait. Je ferai peut-être la mienne un jour! J’ai toujours aimé le parfum lorsque que j’étais adolescente à Paris et les femmes parisiennes se parfument beaucoup. Je passais beaucoup de temps dans les métros en faisant les castings et j’étais tout le temps confrontée à ces odeurs, parfois plus ou moins bonnes. C’est là que j’ai découvert l’univers des parfums. Ensuite, en étant à Marseille, j’ai pris le train et je suis partie quelques jours à Grasse. Là, j’ai vraiment découvert l’envers du décor; la production d’huiles essentielles et les grandes maisons de parfums comme Molinard et Galimard qui existent depuis 1700-1800. De là est venue la vraie révélation. En fait, au Québec, on ne sait pas utiliser cet atout. S’il est bien utilisé, c’est le meilleur outil de séduction possible. La philosophie de l’entreprise est de ramener l’art de la parfumerie, la manière de se parfumer, de rééduquer les gens aussi parce qu’ils sont plutôt confrontés à des produits de masse. La sélection est très restreinte au Québec parce qu’il n’y a pas beaucoup de demandes. Soit on décide de payer très cher ou on se limite au marché de masse qui est vraiment de qualité moindre, bien sur sans vouloir nommer Old Spice et compagnies, l’Azzaro de Azzaro. Mais je n’étais juste plus capable! Donc, ainsi est né Essence Workshop.

Ce trip de faire un atelier pour développer les sens, ça ne se faisait pas vraiment en Amérique du Nord?
Non, c’est quelque chose de nouveau ici, mais qui existe beaucoup en France pour la simple et unique raison qu’il y a beaucoup de maisons de parfums. Je pense à Guerlain, Mugler et Molinard, qui souvent créent leurs propres huiles essentielles et offrent des journées découvertes pour apprendre la manière de se parfumer correctement. Il y a une belle sélection d’eaux de parfums, de même que de véritables parfums. C’est une chose qu’on n’a pas au Québec.

Il n’y en a pas au Québec, ni aux-États-Unis?
Il n’y en a pratiquement pas en Amérique du Nord. Pour vous donner une idée, la parfumerie c’est le deuxième plus gros marché d’exportation en France. J’imagine que c’est exporté en Amérique du Nord et en Asie, mais on importe des produits de très grande qualité. Il y a donc des parfumeurs en Amérique du Nord. Mais le concept en soi d’atelier de création où vous devenez l’auteur de votre parfum, c’est vraiment un autre monde. Souvent le parfum fait sur mesure est un service offert à prix très onéreux en France. Je voulais aussi démocratiser, rendre ça accessible à tout le monde, parce que la base c’est que les gens se parfument bien. C’est ce qui me fait plaisir.

Y a-t-il quelques entreprises qui offrent aux gens de faire leurs propres parfums avec les essences qu’ils veulent?
Oui, il y en a sur le Web. La nouvelle tendance en marketing c’est le scent marketing. Il y a plusieurs entreprises qui vont offrir ce qu’on appelle des fragrances. Ce n’est pas la même chose qu’un parfum. Les petits trucs Glade ou les petits sapins dans le char, ce sont des fragrances, ce ne sont pas des parfums qui sont faits à partir des huiles essentielles de qualité.

Et vous, qu’est-ce que vous offrez si on compare à ce que l’on trouve sur le Web?
On offre un service personnalisé, où une chimiste est à la base de l’élaboration du parfum, ce qui n’est pas négligeable parce que tout le monde peut s’improviser parfumeur. Moi, je n’ai vraiment pas la prétention de m’appeler parfumeur; c’est vraiment ma chimiste qui est qualifiée et qui élabore les formules. J’agis comme consultante parce que je maîtrise très bien les essences avec lesquelles je travaille et je peux guider les gens dans le choix de ses essences. Par après, ça appartient à une chimiste de faire un dosage, un calcul chimique propre à la formule, chose que les sites Internet n’offrent pas. Si on avait à le faire dans une grande maison, ce serait très cher.

Pour faire un parfum dans les règles de l’art de la parfumerie française, qu’est ce qu’on a besoin et qu’est ce qui est spécial?
On a besoin de comprendre l’univers de la parfumerie. L’atelier vient d’abord avec une petite formation de 15 à 20 minutes sur les faits le fun à savoir sur le monde de la parfumerie. Ça passe par les familles olfactives. Un parfum, c’est trois notes. C’est tout simple, on travaille à partir d’une pyramide olfactive. C’est une note de tête, une note de cœur et une note de fond. La note de tête, c’est ce qui sent les 15-20 premières minutes quand vous vaporisez. On a souvent tendance à acheter un parfum sur un coup de tête en sentant seulement ces notes. En fait, ce qu’il faut regarder, ce sont les notes de cœur qui donnent le caractère à votre parfum; tout ce qui est boisé, épicé; ce sont des essences un peu plus soutenues. Et finalement, les notes de fond, c’est ce qui reste sur votre foulard et votre t-shirt, deux ou trois jours après. On parle de patchouli, d’ambre ou même d’essences à dérivés d’animaux, qui sont vraiment très soutenus. Des essences qui sont arrivés sur le marché de la parfumerie pour couvrir la puanteur des royaumes à l’époque du Moyen-âge, tellement c’était fort. On travaille avec des essences de grande qualité, pour la plupart naturelles. On se dirige vers les essences de synthèse quand c’est un dérivé d’animaux; on pense à l’ambre qui est à la base du régurgit de cachalot. Donc, ça vous donne une idée! Le musk, c’était les « coucougnettes » des cerfs. Évidemment, ça torturait l’animal, donc aujourd’hui on le produit par synthèse. Sinon, il y a aussi le casterum, qui consiste en les glandes anales du castor. Ce sont des produits plus ou moins agréables à l’état brut mais qui servent à quelque chose. On a une gamme d’essences qui sortent un peu de l’ordinaire, et qui font réaliser aux gens qu’ils pensaientt aimer le ronge ou le jasmin, alors qu’en le sentant, ils se rendent compte que ce n’est pas du tout ça qu’ils aiment. L’odorat étant le sens le plus directement relié à nos souvenirs, c’est un sens qui est le fun à travailler, qui nous évoque plein de belles ou moins belles choses, à l’émotion. C’est très sensoriel comme expérience.

Et le parfum de Ruby?
Le parfum de Ruby n’est pas en vente, parce que le but est que chacun crée son parfum. Si on est porté vers une essence, c’est parce qu’on sait qu’on va bien le porter. C’est comme lorsqu’il est question de bouffe ou de vin. Souvent quand on choisit quelque chose, c’est parce qu’on sait qu’on va aimer ça. Donc, si la chimiste est là derrière, c’est pour s’assurer que tout se passe bien.

Est-ce que vous portez tout le temps le même parfum?
J’ai mon parfum fétiche, composé de certaines essences que je ne dévoilerai pas, mais oui je le change. Déjà, il ne faut jamais parfumer ses vêtements. On parfume les vêtements seulement si c’est un coton ou un matériel naturel qui peut respirer. La meilleure place où se parfumer, c’est les cheveux, si vous en avez. Ça laisse un sillage super intéressant! Sinon on peut le faire aux points de pulsation. On ne doit jamais se parfumer la poitrine, parce que si on a des essences épicées ou boisées, ça peut créer des petites taches. C’est souvent ça, les allergies; il y a certaines essences qui font de la photosynthèse, donc exposées au soleil, il peut y avoir des petites taches qui apparaissent. On ne se parfume pas à ces endroits également parce qu’après quelque temps, on ne se sentira plus, on développe l’accoutumance olfactive. On aura tendance à en mettre plus et ce sera un peu moins agréable pour les autres.

En termes de business, vous avez commencé il y a moins d’un an. Comment ça se passe?
Ça se passe très bien. Je suis très contente. Pour l’instant, je vais avoir du mal à avoir les hommes dans mes ateliers, c’est pourquoi j’ai développé les ateliers pour un. Au lieu d’être en formule plusieurs, soit partys, événements corporatifs, soirées de filles, etc, je fais aussi l’atelier pour un. J’agis comme consultante, et par la suite la chimiste élabore la formule et vous recevez votre flacon dans les 48 heures. Le service est ultra spécialisé, autant le workshop que l’atelier pour un.

Vous parliez vaguement que les filles aiment être en groupe, qu’en est-il pour les hommes?
Ils vont être gênés. C’est surprenant, parce que c’est ceux qui viennent par après me dire « vous croyez que j’ai un don? » Je ne sais pas s’ils renient un peu plus le fait qu’ils font moins attention à ce qu’ils portent. Souvent ils portent très mal un parfum. Ils vont porter un nom ou une marque en pensant que c’est bien. Mais là, ils peuvent mettre le doigt sur ce qu’ils ont toujours aimé, sur ce qu’ils aiment moins.

Est-ce qu’on peut mélanger n’importe quoi?
On peut mélanger n’importe quoi, il n’y a aucune erreur possible, ce qui enlève un certain poids aux participants parce que tout est fait à la fin dans le dosage chimique. Nous, on sait très bien que si vous avez choisi du lilas, du muguet, de la mûre, de la cannelle, du patchouli et du camphre, ce sont des trucs, quand on y pense comme ça, qui ne vont pas nécessairement bien ensemble. Le camphre, comme la cannelle, sont des huiles très forte et on sait très bien qu’on va en mettre dix fois moins et qu’on va plutôt mettre l’accent sur une fleur blanche, plus légère pour donner une belle complexité au parfum. Alors vous, vous choisissez les essences et nous, après, on s’occupe du dosage.

Dans l’atelier, les gens peuvent sentir. Est-ce que vous leur faites faire des tests d’odeurs et essayez ainsi de développer leur odorat?
Oui, souvent j’ai des gens qui arrivent et disent qu’en 1992 ils portaient un excellent parfum qu’ils ne trouvent plus. Je leur dis d’essayer et d’attendre avant d’avoir des a priori. Les gens arrivent avec des a priori qui tombent à la fin de l’atelier. Ils se rendent compte qu’ils connaissent peu le marché et que le parfum est identifié à des marques. En connaissant les familles olfactives, les essences dans le petit cours théorique, ils sont vraiment bien préparés pour choisir leurs essences. Souvent ils vont tout sentir au complet, plus d’une centaine d’essences pour se faire plaisir, puis tomber sur la perle rare.

Votre odorat est-il développé?
Le métier de nez vient avec une base de chimie. J’ai eu la chance d’avoir de bons parrains qui m’ont bien éduquée, mais ma chimiste a une formation de chimiste spécialisée en parfumerie et elle peut reconnaître jusqu’à environ 1000 essences. Ça va de tout ce que vous pouvez imaginer, de tannage jusqu’à clémentine. C’est très large. Un nez à son top peut reconnaître jusqu’à 3000 essences. Maintenant, là-dessus, il y a plus de la moitié qui sont plus ou moins agréables à porter dans un parfum. C’est vraiment un métier d’apprentissages constants où je suis amenée à sentir de nouveaux trucs. Aussi, quand je choisis des essences, c’est toute une question de terroir. C’est un peu comme le raisin, il s’agit de la même complexité. Un patchouli qui provient des Indes n’aura pas la même senteur que celui d’Asie, par exemple. Avec le temps, on apprend tranquillement à les identifier. Après, ça peut aller très loin; par exemple, il est possible de dire si un jasmin a été distillé dans un incubateur en cuivre ou en inox. Il y a certains nez qui vont être capable de reconnaître le mode de distillation.

Comme consultante, comment aidez-vous le monde à se diriger à travers tout ça?
J’enlève les peurs, parce qu’il n’y au aucune peur à avoir. C’est une expérience sensorielle, du pur plaisir, et puis ce sont des odeurs qu’on n’a pas nécessairement l’habitude de sentir. Je les guide en leur disant la provenance, ou qu’ils l’ont peut-être déjà senti dans tel parfum ou telle confiture que leur grand-mère faisait. Il y a des essences un peu particulières, comme la fève de tonka. Les gens ne savent pas nécessairement c’est quoi. Je montre des photos. Je suis là pour les accompagner et atténuer les peurs.

Pour leur faire découvrir ce qu’ils aiment vraiment?
Si je vois que quelqu’un est porté sur une famille plus qu’une autre, je vais lui proposer des petits trucs qui vont aller avec tout ça. Ça marche par famille et par notes. Il y a sept familles olfactives : les agrumes comme la bergamote, citron, limette, ensuite il y a les fleuris qui sont les plus connues et également les plus utilisées. Souvent des femmes vont me dire qu’elles ne trouvent aucun parfum qui leur plaît. De mon côté, je vais tout de suite savoir qu’elles parlent des fleuris, parce qu’ils représentent 94% de la parfumerie pour femmes. Je sais que je vais tout de suite proposer un épicé ou un boisé. Ensuite il y a les fougères, qui sont des notes très organiques; on pense à la lavande et au tabac, ce sont des notes plus capiteuses. Ensuite on a les cuirs; on parle des modes de tannage. Ici j’ai un cuir qui s’appelle cuir de Russie, qui vient des troupes de danse Russe du début du 19e siècle, qui tannaient leurs bottes avec de la grosse cire noire. C’est ce tannage qu’on retient dans l’essence de cuir de Russie. Ensuite, on a les fruités. C’est vraiment une expérience. Notre philosophie, c’est le souci de la qualité, le produit en tant que tel et l’importance de démocratiser ce produit de luxe pour le rendre accessible à tout le monde.

www.essenceworkshop.com

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