La trompettiste jazz de renommée internationale a sorti son cinquième album Vena le 27 mars dernier. Reconnue pour sa signature sonore unique et l’influence de la musique du monde à l’intérieur de ses propres compositions, Rachel Therrien est aussi une musicienne hautement convoitée par la communauté jazz mondiale.
L’artiste de Québec a enregistré Vena au studio de Meudon à Paris en mai 2019 avec son nouveau Quartet Européen formé de musiciens avec qui elle partage des atomes crochus au-delà des frontières culturelles. La première inspiration du titre de l’offrande lui vient de la lettre V symbolisant le vol des oiseaux migrateurs, plus spécifiquement des Bernaches qui volent sous cette forme afin de parcourir de plus grandes distances ensemble.
Depuis son lieu de confinement, l’artiste passionnée nous partage ses coups de coeur culinaires et musicaux. Petit divulgâcheur: on a très envie de déguster une lasagne en écoutant du jazz désormais.
Qui es-tu et quel est ton parcours?
Je m’appelle Rachel Therrien, je suis une jeune femme originaire de Rimouski, maintenant basée entre Montréal et New York depuis quelques années (du moins avant la pandémie). Je suis trompettiste, compositrice et productrice professionnelle depuis une quinzaine d’années et j’ai maintenant cinq albums à mon actif.
Comment a démarré ton aventure dans la musique?
J’ai commencé à jouer de la musique à 12 ans, après un déménagement à Montréal avec ma famille. Le hasard a fait que les seuls instruments disponibles dans le cours de musique étaient la trompette et le trombone. Je n’ai pas vraiment de musiciens dans ma famille, alors j’ai demandé à ma mère ce que c’était, et donc la première trompette que j’ai vue de ma vie fut la petite photo dans le dictionnaire imagé pour enfant. Le hasard faisant bien les choses, j’ai tout de suite éprouvé une aisance avec l’instrument et j’ai très vite développé un grand amour pour la musique. Adolescente, j’ai joué dans un «corps de clairons», ce qui m’a permis de voyager et de vivre une expérience assez réelle de la vie de musicienne en tournée. J’y ai rencontré plusieurs musicien.nes professionnel.les qui m’ont tout de suite inspirée à faire de cette nouvelle passion, ma carrière.
Par la suite, j’ai étudié la musique populaire au Collège Lionel-Groulx, l’interprétation jazz à l’Université de Montréal, puis je suis partie étudier la trompette classique et jazz, ainsi que la musique cubaine à l‘Institut Supérior de Arte à La Havane, à Cuba. J’ai également suivi un cours de management des arts offert spécifiquement aux femmes artistes à la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, ce qui m’a donné beaucoup d’atouts pour faire avancer ma carrière.
Plus tard, j’ai eu la chance de participer au Banff Center Jazz and Creative Music Workshop et de rencontrer des musiciens avec les mêmes affinités que moi en provenance d’un peu partout dans le monde. C’est suite à cette expérience que j’ai décidé d’investir une grande partie de mon temps sur la scène musicale de New York, tout en restant attachée à Montréal, bien sûr!
«La cuisine, c’est comme le jazz: j’aime improviser, donc je ne suis pas du genre à suivre une recette à la lettre.»
Comment décrirais-tu ton univers musical ?
Je décrirais mon univers musical comme «comblé». Dans le sens que j’ai la chance de jouer de la musique de façon très polyvalente, et ce, depuis le début de ma carrière. J’ai toujours joué des styles de musiques de cultures provenant des quatre coins du monde et je crois que ces expériences ont grandement inspiré ma musique. Je nourris une versatilité qui, j’ose croire, se perçoit dans mon univers créatif!
Quelle est ta relation avec la nourriture?
Miam! J’adore cuisiner! J’adore aussi manger! J’avoue que les dernières semaines, avec autant de temps à la maison, je redécouvre mes gènes italiens [rires]. Sans blague, mon métier va bien avec la nourriture. Je voyage énormément et j’adore, quand j’arrive dans un nouveau pays, aller découvrir la nourriture locale. J’aime goûter à tout et j’aime essayer de reproduire des plats que j’ai aimés. La cuisine, c’est comme le jazz: j’aime improviser, donc je ne suis pas du genre à suivre une recette à la lettre.
Si tu étais un plat, lequel serait-il?
Une lasagne sept étages avec une saveur différente par étage.
Si tes compositions sur Vena étaient des recettes, quels en seraient les ingrédients?
Je vais répondre pour chaque morceau…
V for Vena: C’est un peu triste, parce le morceau évoque le vol d’oiseau, mais ce serait de l’oie à l’orange et au cumin.
Parity: Un chocolat au lait Lindt avec fleur de sel.
Pigalle: Une baguette française avec jambon serrano, mozzarella et moutarde de Dijon.
75 Pages of Happiness: Un flan à l’érable.
Assata: Jambalaya au rhum Havana club.
Bilka’s Story: Une soupe bortsch avec crème et beignet à l’ail.
Emilio: De la crème glacée au thé vert.
Women: Une galette à la mélasse avec beaucoup de gingembre.
Synchronicity: Un pâté chinois comme le faisait ma grand-mère.
This isn’t Love: Un chaï latté avec un shot d’espresso.
Just Playing: Un plat de nachos bien garni!
Bleu Tortue: Un poulet au beurre de chez Gandhi à Brooklyn avec un pain naan au fromage.
Migration: Un gâteau aux carottes avec un crémage au fromage.
Folk Tune: Un grand bol de fruits frais avec de la crème fouettée.
Es-tu aussi douée derrière les fourneaux que sur scène?
Il faudrait demander à mon copain. Je joue de la musique depuis plus longtemps que je cuisine, alors je dois être meilleure musicienne que cuisinière, mais je crois que je sais me défendre derrière les fourneaux. Quand je prends le temps de cuisiner, on reste souvent avec un petit goût de «revenez-y» . Je crois que je fais la même chose avec mes spectacles!
Qu’est-ce que tu écoutes comme musique lorsque tu cuisines?
J’écoute de tout! Dépendant dans quel esprit je me trouve, cela peut aller du jazz au R’n’B, à la musique populaire, en passant par le classique et la musique plus dansante. Cela dépend de comment je me sens.
Quelle est la première recette que tu as appris à faire?
Le pâté chinois!
«Le premier pain que j’ai essayé de faire moi-même: j’ai cuisiné une roche!»
Quels sont les aliments dont tu ne pourrais jamais te passer et pourquoi?
Des pois chiches et du tahini, parce que j’adore le houmous et c’est si facile à faire. Je suis aussi une grande buveuse de café. J’en apporte même dans ma valise quand je sais qu’il sera difficile à trouver quand je pars en tournée. Sans oublier les pâtes et le fromage.
Quel est le pire repas que l’on t’ait servi?
Quand j’ai vécu à Cuba, j’ai vite réalisé que le spaghetti là-bas est très loin de celui de la maison. Il y a tellement de bonnes nourritures à Cuba, mais je n’ai plus perdu mon temps avec du spaghetti!
As-tu des demandes spéciales aux promoteurs de spectacles lorsque tu es en tournée?
De l’hummus, du fromage, du chocolat 70 %, des fruits et une bonne bouteille de vin.
Quel est ton plus gros «fail» culinaire?
Le premier pain que j’ai essayé de faire moi-même: j’ai cuisiné une roche!
… Et ton plus gros «fail» musical?
Une fois où j’étais dans la lune, j’ai demandé aux musiciens qui m’accompagnaient de jouer un morceau et je ne sais pas où ma tête était, mais j’ai commencé à jouer un morceau complètement différent. Je suis vite revenue au bon morceau, mais on a bien ri par la suite.
Si je t’invite à souper, qu’est-ce que je devrais cuisiner et passer comme musique pour t’impressionner?
Des pâtes à la crème et au saumon fumé accompagnées de pain aux olives. Pour la musique, si j’entends du Art Farmer sur la liste d’écoute, je serai impressionnée. C’est un de mes trompettistes préférés que très peu de gens non adeptes de jazz connaissent. Mais tout est une question de préparer une bonne liste d’écoute d’avance. Passer un petit moment à y penser en amont, c’est important, parce que la musique, c’est l’ambiance.
Ton dernier repas et la dernière musique que tu écouterais… Si tu devais mourir demain?!
Un plat de fruits de mer frais du Bas-du-Fleuve avec des pattes de crabe. Pour la musique, si c’est un seul morceau, ce serait BJ’s Tune de Sean Jones pour me rappeler des souvenirs. C’est mon morceau nostalgique. Si c’est plusieurs morceaux, ce serait ma «Feel Good Playlist» qui comprend de la musique de Havana d’Primera, Pedrito Martinez, Harmonium, Fela Kuti, Freddie Hubbard, Ginette Reno, La Bottine souriante, etc.
Quels sont tes projets futurs?
Je me concentre sur la promotion de mon nouvel album Vena qui a été un peu engloutie par les circonstances mondiales, mais je profite du moment à la maison pour travailler sur un nouveau répertoire. J’aimerais bien sortir quelque chose avec Latin Jazz Project, mais je n’ai encore rien enregistré. J’ai bien hâte de rejouer devant un public avec des musiciens. J’ai plusieurs concerts prévus cet été au Canada, États-Unis et en Europe. Je croise mes doigts pour pouvoir partager mon nouvel album devant public cet été! En attendant, je pratique, je compose et je cuisine!