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Patsy Van Roost, semeuse de tendresse urbaine

Patsy Van Roost, semeuse de tendresse urbaine

Patsy Van Roost, qui habite dans le Mile End de Montréal depuis 25 ans, est aussi connue comme la Fée du Mile End. Tout a commencé il y a deux ans avec un projet de Noël, La Petite fille aux allumettes, où elle distribuait chaque jour dans les boîtes aux lettres de la rue Waverly un bout du conte qui a bercé nos enfances. « Je fais toujours un projet à Noël parce que je déteste Noël, donc c’est ma façon à moi de survivre à Noël. » Une révélation surprenante venant de celle qui récidive ces jours-ci avec un nouveau conte, inédit cette fois, jumelé avec un calendrier de l’avent, le projet Un dessin à la fenêtre. Rencontre inspirante avec celle qui n’a rien d’une Grinch.

Le titre de Fée, Patsy le doit à un article du Devoir qui traitait du projet La Petite fille aux allumettes, et qui a transformé sa vie pour le mieux. Après l’article, « les gens ont commencé à m’arrêter dans la rue et quasiment exiger d’autres projets. Ça, c’était cool, parce qu’avant je me sentais presque coupable quand je faisais un projet », raconte celle qui est mère monoparentale, expliquant que le niveau de ses finances ne suivait pas ses bonnes idées. « Puis quand je suis devenue la Fée du Mile-End, toute cette culpabilité est tombée parce que les gens me disaient: “C’est incroyable, c’est quand le prochain?” Donc c’est devenu comme une mission. Là je ne peux plus m’arrêter: plus j’en fais, plus j’aime ça. » Elle se consacre d’ailleurs à son rôle de fée à temps plein depuis maintenant deux ans.

Le présent projet, qui a débuté lundi et continuera de se dévoiler bouchée après bouchée jusqu’au 24 décembre, prend la forme d’un calendrier de l’avent où des adresses du Mile End se substituent au traditionnel chocolat. Les gens sont invités à se rendre aux fenêtres de différentes maisons où un conte de Noël prend forme nuit après nuit.

Le conte a été écrit par Pascal Henrard, Belge d’origine tout comme Patsy, voisin et ami de longue date. Le design du calendrier a été conçu par Anaïs Favier, qui a étudié en design d’événements à l’UQÀM comme elle. La graphiste et illustratrice y a mis beaucoup d’attention: il n’y a qu’à voir les motifs des rideaux des 24 fenêtres, tous différents, pour avoir une vague idée du nombre d’heures impliquées. « C’est un projet plein d’amour: tout le monde a travaillé bénévolement. »

Les adresses participantes sont toutes des résidences, mis à part la boutique Comme des enfants sur la rue Bernard, qui démarrait le bal, et l’école Lambert-Closse, juste en face. Comment a-t-elle choisi les maisons investies? « Uniquement parce qu’elles ont des fenêtres horizontales! ». Elle avait arpenté le quartier pour trouver des fenêtres à l’orientation recherchée, assez rares. Des 80 trouvées, 24 ont répondu positivement à sa demande de projet, juste à temps pour l’envoi à l’impression de son calendrier: le destin est bon pour les fées.

« Moi je dis que je travaille l’extraordinaire, et non le spectaculaire. » La preuve: les quelques 200 personnes qui se sont massées lundi devant la boutique pour assister au dévoilement de la première phrase du conte et se réchauffer avec du chocolat chaud. Pas d’effets spéciaux, simplement l’action de l’interrupteur qui a soudainement illuminé le début du conte. Pourtant, la magie était bel et bien là. Est-ce que des réussites comme celles-là la réconcilie avec Noël? « Tous ces projets-là pour moi sont plein de magie. Et c’est ça Noël pour moi, mais aujourd’hui Noël, c’est acheter acheter acheter! » raconte-t-elle. « Pour moi, la magie de Noël maintenant, dans ma propre vie est associée à qu’est-ce que ça va être mon projet cette année pour Noël. »

En janvier, la Fée se reposera. Question de se ressourcer, elle qui n’a pas arrêté depuis deux ans et qui se sent heureuse mais brûlée. « Lire, regarder des films, écouter de la musique », telle sont les choses à faire sur sa liste. Elle espère sortir un peu du Mile End, sa zone de confort, pour des prochains projets. « Il y a plein de quartiers où ils auraient vraiment besoin de magie, et c’est là que j’aimerais aller. » Rassurez-vous, Patsy n’a pas l’intention de quitter le Mile End à jamais. Mais elle croit que la magie doit être disséminée. Un séjour à Alma, où elle fera une conférence et aura quelques jours pour créer un projet en début d’année 2015, est d’ailleurs un grand pas dans la réalisation de son souhait.

Les idées de projets ne manquent pas, idées qu’elle a d’ailleurs présentées dans une campagne Indiegogo qui se terminait hier, pour laquelle elle a récolté la moitié de son objectif. « Je dis que j’orchestre ces projets-là, c’est pour ça que je n’aime pas le mot artiste: c’est beaucoup plus grand que moi. J’orchestre des expériences participatives sur le trottoir, je plante des graines mais après c’est les autres qui s’approprient. » Une horticultrice de tendresse.

Avant de devenir la fée que de plus en plus de gens connaissent, Patsy se consacrait au design de faire-part de mariage seule dans son atelier, un gagne-pain qui l’aura occupée pendant 12 ans. « Je me sentais super isolée, même si j’étais dans le même appart où je suis aujourd’hui », appartement qu’elle occupe depuis maintenant 17 ans.

Ce n’est pas un hasard si nous nous rencontrons dans un café pour l’entrevue. Sa grande solitude des débuts, « c’est ça qui m’a poussée à commencer à boire du café: premièrement pour sortir rencontrer des gens », sa façon de débuter ses journées en se plaçant complètement disponible aux rencontres et aux idées qui peuvent en surgir. « Beaucoup de mes projets naissent à partir de conversations que j’ai au café », confirme-t-elle. « C’est comme si je cherche des pistes, mais sans les chercher: elles me tombent dessus. » Une excellente raison de se mettre à la caféine!

Des conseils à donner à ceux qui sentent l’appel de la Fée intérieure pour des projets? « Juste de le faire! De ne pas attendre! C’est fou tout ce qu’on peut faire! » raconte-elle dans un élan d’enthousiasme. « N’importe qui peut être Fée. Ça prend du temps et des bonnes idées, c’est tout. La Petite fille aux allumettes, ça a semé vraiment beaucoup de magie, et c’était un bout de papier et une enveloppe. Mais il fallait le faire. » À vos cafés et vos idées, donc, et rendez-vous sur un trottoir du Mile End pour goûter la magie de la Fée Patsy.

Un dessin à la fenêtre, de Patsy Van Roost.
Du 1er au 24 décembre, exposé jusqu’au 5 janvier.

Crédits photos:
en-tête: Maryse Boyce
Pascal Henrard et Patsy Van Roost: Nano Ruz photographe
Calendrier: Maryse Boyce

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