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Trente ans pour Illustration Québec

Trente ans pour Illustration Québec

C’est officiellement en 1983 que l’association Illustation Québec est née. Un OBNL ayant comme mission de promouvoir le métier d’illustrateur et de l’aider à sortir de son isolement. L’association offre divers services allant des outils de promotion au « lobbying » auprès des instances gouvernementales pour améliorer les conditions de vie dans le métier. Baron a rencontré Nicolas Trost, directeur d’Illustration Québec depuis 2008, à son bureau pour en savoir plus sur le métier.

Baron : Vous venez tout juste de fêter la clôture de votre 30e année d’existence avec l’Exposition de tous les péchés. Pouvez-vous m’en parler un peu plus ?
Nicolas Trost : L’exposition se termine le 16 février et a lieu à la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal. C’est 49 illustrateurs qui revisitent les péchés capitaux. De façon aléatoire, nous avons imposé un péché à chaque illustrateur. L’expérience était intéressante, car nous avons plusieurs artistes faisant généralement du livre jeunesse qui se sont retrouvés avec la thématique de la luxure, par exemple, ce qui créait de beaux défis, en les faisant sortir de leur zone de confort.

B. : Vous avez déjà eu votre propre galerie d’art, pourtant…
N. T. : Si je ne me trompe pas, c’est de 2008 à 2012 que nous avions une galerie au Belgo. Mais ça demandait trop de travail promotionnel pour attirer le public. Même s’il y a beaucoup de galeries d’art au Belgo, il n’y a pas beaucoup de communication et d’entraide entre chacune d’elles. C’était très difficile. Nous avons quitté la galerie tout en gardant l’idée d’organiser des expositions collectives sur des thématiques. Par exemple, il y en a une que nous avions nommée Tête, bédaine, orteil. Tous les artistes devaient utiliser trois canevas pour dessiner un personnage. Et, finalement, on pouvait mélanger les œuvres de chacun. Ça, c’est une expo qui a eu beaucoup de succès. C’était très ludique. Et on s’aperçoit que les artistes et les illustrateurs aiment le côté thématique parce que ça leur permet d’explorer autre chose.

B. : La saga de Claude Robinson vient de prendre fin. Avez-vous suivit ça de près ?
N. T. : Absolument. Et nous sommes très satisfaits du dénouement de cette histoire. La seule chose que nous trouvons dommage, c’est que le jugement ne fait pas force de loi. Le tribunal n’a pas donné les moyens à Robinson pour aller chercher l’argent qui lui est dû. Il devra encore se battre pour ça. D’autant plus qu’au début, le tribunal avait demandé aux entreprises visées de mettre de l’argent de côté en prévision du jugement et, à part CINAR, aucune autre compagnie n’avait gardé d’argent en provision. Ça risque d’être plus difficile pour lui.

B. : Est-ce qu’il vous arrive de voir des cas de vol de propriété intellectuelle à plus petite échelle ?
N. T. : On a vu des illustrateurs avoir des problèmes avec des compagnies de design. Les artistes ont proposé des illustrations qu’on leur a rendues en disant qu’elles n’avaient pas été choisies. Pourtant, le design a été réutilisé et donné à un autre illustrateur qui a refait le travail par dessus. Les deux illustrateurs se sont parlé et se sont rendu compte du subterfuge. Il faut faire attention à ça en publicité. Ça finit toujours par se savoir et on identifie alors les mauvais clients. C’est ici qu’Illustration Québec entre en scène pour aider les illustrateurs en négociation. Nous ne négocions jamais pour eux, mais nous leur fournissons l’information tarifaire et contractuelle nécessaire.

B. : D’hier à aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé dans le métier ?
N. T. : Avant, on avait un répertoire papier avec tous les illustrateurs. C’était le moyen principal de promotion du métier. Aujourd’hui, ce sont les médias sociaux. Et c’est de plus en plus difficile de savoir quels sont les outils 2.0 qui fonctionnent bien. Il y en a qui sont payants et d’autres gratuits. C’est aussi très énergivore de gérer un compte Twitter et Facebook. Les clients n’ont pas forcément le temps d’être sur Facebook. Aujourd’hui, l’artiste doit choisir ses batailles. Avec tous les outils de promotions disponibles, un illustrateur va se faire choisir parce que son travail a été vu dans un magazine ou sur un site Internet. Ça demande beaucoup plus d’énergie pour obtenir des contrats. La grosse différence, aussi, est qu’avant, pour pouvoir vivre de son travail, un artiste faisait une dizaine de contrats qui étaient relativement bien payés. Maintenant, il faut multiplier par 20 ou 30 le nombre de contrats pour espérer obtenir un salaire équivalent. Même histoire pour les entreprises qui engagent les illustrateurs : leur budget publicitaire est resté le même, mais les outils de promotion se sont multiplié. Pour ajouter à tout ça, avec Internet, tu n’es plus en compétition localement, mais internationalement.

B. : Est-ce qu’Internet complique la mission d’Illustration Québec ?
N. T. : C’est certain qu’on a modifié nos outils de promotion. On a délaissé l’annuaire pour Internet. Mais on reste avec l’idée que le collectif est plus fort que l’individu. Pour un client, avoir 25 courriels, 25 cartes d’affaires de 25 illustrateurs différents versus un contact d’un regroupement, rend la deuxième option plus simple. L’an dernier, on a eu la chance d’aller à la Foire du livre de Bologne, qui est spécialisée dans le livre jeunesse. Nous sommes donc allés rencontrer des éditeurs étrangers. En se présentant comme un regroupement de 300 illustrateurs, disons qu’il y avait plus d’intérêt à s’asseoir et discuter avec nous.

B. : Est-ce qu’il y a un plafond à la clientèle qu’un illustrateur peut rejoindre au Québec ?
N. T. : C’est clair qu’il y a de l’éducation à faire auprès de certaines entreprises qui ne connaissent pas le métier d’illustrateur. Par contre, le Québec possède un marché plutôt protectionniste. Il va surtout aller chercher ses ressources à l’interne, parce qu’il y retrouve une culture, des mœurs et une langue communes. L’autre avantage est que souvent, dans le domaine de l’édition, pour obtenir des subventions, l’auteur ou l’illustrateur doit être québécois. Il peut certainement y avoir un certain plafond, mais il y a beaucoup de secteurs en développement, notamment dans le jeu vidéo où ils engagent de plus en plus ponctuellement. Ou même dans l’industrie de la musique pour les pochettes de disque. Ce ne sont pas des contrats nécessairement récurrents, mais ponctuels.

B. : Quelle est la suite pour Illustration Québec ?
N. T. : Comme nous ne sommes malheureusement pas subventionnés, notre but est surtout la pérennité de l’association, puisque notre service est demandé tant du côté de l’illustrateur que du client. Au-delà de la pérennité, nous allons essayer de convaincre les différents paliers de gouvernement d’améliorer les conditions de travail des illustrateurs. Le gouvernement ne sait pas qu’en général, les auteurs-illustrateurs sont le dernier maillon de la chaîne. Sans eux, le livre n’existe pas et ce sont quand même ceux qui sont les moins bien payés.

www.illustrationquebec.com

Ne manquez pas jusqu’au 16 février 2014
l’Exposition de tous les péchés
À la maison de la culture du Plateau-Mont-Royal
465, avenue Mont-Royal Est, Montréal

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