Qui êtes-vous et quel est votre parcours?
Stéphane Lefèvre, j’ai 33 ans et je suis originaire de Nouvelle-Calédonie, une petite île française dans le Pacifique, à deux heures d’avion de l’Australie! Après des études en sciences politiques à Strasbourg, un passage à l’Assemblée nationale, une première création d’entreprise, deux ans de cours d’acting et un diplôme d’opérateur de brasserie à La Rochelle, j’ai créé Big Bang Beers avec deux amis. Grégory, un ami d’enfance de Nouvelle-Calédonie et ingénieur de formation, et Paul, ami rencontré par Grégory pendant ses études!

Votre emploi et titre actuel?
Je suis officiellement maître brasseur chez Big Bang Beers. C’est à dire que je m’occupe de créer les recettes de bière, de choisir les matières premières et de superviser le brassage. En réalité, je ne pourrai rien faire sans Greg qui maîtrise bien mieux nos machines et notre outil de production!
Quant à Paul, il assure toute la partie administrative, la gestion et la commercialisation, comme ça on a la tête libre pour se concentrer sur le produit avec Greg. À côté de cela, je m’occupe également d’assurer notre présence sur les réseaux sociaux et je sers d’intermédiaire pour nos débouchés à Paris, puisque j’y vis.

Dans quelle ville?
La brasserie est installée à Cercottes, au nord d’Orléans dans le Loiret (à une heure de train au sud de Paris).

Un mot pour définir quel type de travailleur vous êtes…
Passionné!

D’où provient votre intérêt pour la microbrasserie?
Ayant fait mes études à Strasbourg, je suis rapidement tombé amoureux de la bière. Une association étudiante m’a initié à la richesse de ce breuvage millénaire et depuis ma curiosité ne s’est jamais tarie!
Mes voyages en Belgique, en Allemagne, en République tchèque, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, aux États-Unis, au Canada et en Australie n’ont fait que me convaincre de la richesse de l’univers brassicole. Une infinité de recettes, de goûts et d’histoires se cachent derrière ses robes dorées, blanches ou brunes. À l’été 2013, Greg est passé me voir à La Rochelle où je passais mon diplôme de brasseur. Deux mois plus tard, on commençait à brasser dans son garage! On alternait les dégustations de bières et les brassins sur notre petite installation. On a rapidement été rejoint par Paul. C’était parti pour la grande aventure!

Qu’est-ce qui rend votre bière unique?
Parce que nos bières sont cosmiques! En réalité, chaque bière est unique si elle est brassée avec du cœur et de la passion. Toutes nos recettes, on les a testées et expérimentées. Parfois elles évoluent encore. Notre bière blanche au gingembre et combawa n’a pas été évidente à équilibrer, mais ça nous tenait à cœur qu’elle existe, car ce sont des ingrédients exotiques qui nous rappellent l’Asie et le Pacifique. Idem pour notre imperial IPA au seigle et poivre du Sichuan. J’ai découvert cette baie exceptionnelle lors de vacances en Chine et je voulais en faire quelque chose! Lors du premier salon où on l’a présentée, quelqu’un nous a dit que c’était sûrement la bière la plus originale du salon et, franchement, ça nous a fait chaud au cœur!

Quelle est la taille de la brasserie?
On vise les 500 hectolitres pour cette année.

Quels outils sont essentiels à votre vie?
Le logiciel Beersmith aide pas mal pour bosser les recettes, mais les vrais outils au quotidien à la brasserie se sont surtout les clés, les tournevis, le teflon et… Les seaux! Et pour la dégustation, un bon décapsuleur dépanne toujours quand on a pas de briquet sous la main!

À quoi ressemble votre espace de bureau?
Mon bureau à la brasserie c’est une paillasse de laboratoire, puisque c’est là qu’on fait aussi les analyses microbiologiques et les dosages des sels de brassage ou de produits de désinfection. Le tout est surmonté d’une vieille affiche du tableau périodique des éléments… Mais en réalité, je ne suis pas vraiment chimiste ou physicien dans l’âme, c’est plutôt pour la déco! Pour le reste, mon bureau finit toujours recouvert de bouteilles vides ouvertes pour des «contrôles qualités». Bref, je dois faire un grand ménage une fois par mois si je veux m’y retrouver un peu!

Avez-vous une façon particulière d’organiser vos journées afin d’optimiser votre travail?
On a pas beaucoup de régularité dans nos modes d’organisation à la brasserie. On est dans l’expérimentation organisationnelle constante… Et ça marche pour l’instant!
Quelles astuces conseilleriez-vous pour améliorer la productivité?
S’imposer des horaires et les respecter. Ça évite de faire des journées interminables qui épuisent tout le monde, cassent la motivation et font que la fin de semaine est un calvaire.

Vous êtes meilleur que vos collègues de travail pour?
Préparer les recettes… C’est pour ça que c’est mon job! Je suis gourmand et gourmet, j’adore bien boire et bien manger donc ça m’aide à faire des associations intéressantes et je déploie toute ma créativité pour trouver des recettes originales. Pour tout ce qui est du travail de rigueur ou des tâches plus techniques, je suis moins performant… Greg et Paul assurent bien plus là-dessus.
Comment entrevoyez-vous la croissance de votre microbrasserie?
On essaie de procéder par étapes. Au début, nous avons commencé par vendre notre bière à Orléans et dans les environs, puis on s’est étendu à la région Centre. Notre objectif actuel est de trouver un distributeur national. Aujourd’hui, la France. Demain, le monde. Après-demain, la galaxie toute entière. On est Big Bang Beers après tout, et on a des contacts sur Tatooïne, ça peut aider!

Quelles votre stratégie pour faire connaitre votre bière?
On essaie d’assurer une présence importante sur les réseaux sociaux et de faire en parallèle un maximum d’événements et de dégustations. L’objectif c’est de vendre du rêve «virtuellement» pour titiller la curiosité des gens et susciter une attente. Ensuite on vient à la rencontre des gens «dans la vraie vie». Mais là il faut assurer: le produit doit être à la hauteur de la promesse!
On essaie d’avoir une gamme universelle: des bières légères pour le public en quête de simplicité et des produits beaucoup plus originaux pour les «beer geeks». On veut faire plaisir à tout le monde! À côté de cela, on cherche des partenariats cools. On a par exemple réalisé des étiquettes spéciales pour le laboratoire du CNRS (Centre national de recherche scientifique) installé au sud d’Orléans et qui avait travaillé sur des instruments embarqués à bord de sondes spatiales. On a même des bières qui sont allées à la NASA pour célébrer le départ de la sonde Parker Solar Probe partie vers le soleil à l’été 2018. Dans la même optique, on a travaillé avec l’association danoise Copenhagen Suborbitals qui tente de réaliser un vol suborbital habité. On a des levures qui sont parties sur une de leurs fusées tests et qu’on doit récupérer pour brasser une «rocket beer». Bref, on se fait plaisir et ça fait plaisir au public aussi!

À propos du design, qu’est-ce que votre marque reflète?
Dès le début, il était essentiel à nos yeux de conférer une véritable identité à la brasserie. On voulait qu’il y ait un peu de chacun de nous dans nos produits, que nos bières aient une âme contrairement aux produits industriels commerciaux. On a voulu faire ça proprement en adoptant malgré tout une charte graphique assez rigoureuse pour que le public puisse reconnaître nos bières au premier coup d’œil.
On est parti sur les thèmes de l’astronomie et de la science-fiction, car c’est une passion qui nous est commune. Et puis ce sont des thèmes qui véhiculent des idées qui nous sont chères: la curiosité, le progrès, l’ouverture d’esprit, le voyage, la rêverie, l’esprit d’aventure et même la poésie. Le tout dans une ambiance colorée, élégante et humoristique, avec des clins d’œil au cinéma, à la BD et aux jeux vidéos.
Comment et par qui le design a-t-il été conçu?
C’est Barbara Fregosi, la compagne de mon frère et amie de longue date maintenant, qui a conçu toute notre identité graphique. Du logo aux étiquettes, elle a tout réalisé et nous accompagne depuis les débuts du projet. Barbara est à l’écoute, rigoureuse et très réactive, c’est un vrai plaisir de travailler avec elle. On est toujours impatient de découvrir la nouvelle étiquette qu’elle nous a dessinée! On n’est jamais déçus, même si parfois on lui demande de reprendre pas mal de détails ici ou là. On a le sens du détail chez Big Bang Beers!

Qu’est-ce qui vous inspire et vous motive à aller au travail chaque jour?
Ça reste un métier difficile, surtout que notre local n’est pas très confortable, peu lumineux et pas chauffé… Mais c’est la satisfaction de créer de A à Z un produit de qualité. De s’être affranchi du salariat. Et (même si c’est un peu cliché de dire ça) de voir le sourire sur la bouche d’un client qui vient de boire une de nos bières, ça met vraiment du baume au cœur!
Quel est le meilleur conseil qu’on vous ait donné?
«Quand tu es démotivé, pense à ce que tu faisais avant et rappelle-toi pourquoi tu as voulu arrêter et lancer ce projet de brasserie.»
On est toujours insatisfaits de sa situation présente, mais il ne faut jamais oublier que si on en est arrivé là c’est qu’à un moment donné c’était un rêve. Et il faut tout faire pour l’alimenter et lui permettre de continuer à vivre!

Quels seraient les conseils que vous donneriez à quelqu’un qui souhaite démarrer une brasserie?
Réfléchis bien. Si par amour pour la bière tu es prêt à abandonner le confort du salariat, celui d’un bureau chauffé ou d’un univers fait de certitudes et de routines, alors tu peux te lancer! Et en cas de coup dur, n’oublie pas que les autres brasseurs artisanaux ne sont pas des concurrents, mais de confrères prêts à te conseiller et te soutenir.
Mis à part votre ordinateur et votre téléphone, de quel gadget ne pouvez-vous pas vous passer?
On a un marionnette d’oiseau multicolore équipée d’un micro qui répète tout ce qu’on dit. J’avoue que je suis triste quand elle n’est pas dans les parages… Sinon, le décapsuleur reste un outil professionnel indispensable!

Avez-vous des nouveautés à venir?
Mes associés n’avaient pas l’air emballés par mon projet de bière sour jambon-beurre, du coup je pense qu’on va sortir prochainement notre projet de bière saison belge probablement aromatisée avec une baie (c’est encore un secret!). Sinon, on devrait bientôt lancer pour de bon notre production de sous-bocks et de décapsuleurs à l’image de la brasserie!

À la fin d’une journée, quelle sorte de bière buvez-vous pour vous détendre?
J’essaie de ne jamais prendre d’habitude, c’est pourquoi j’alterne toujours les styles et les brasseries. IPA, sour, triple, saison, vin d’orge, stout, weizen… Tout y passe à un moment donné. C’est ça l’esprit Big Bang Beers: l’aventure, la découverte et le plaisir avant tout!
Big Bang Beers
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