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Le Festif! de Baie-Saint-Paul: un festival qui mérite son point d’exclamation

Le Festif! de Baie-Saint-Paul: un festival qui mérite son point d’exclamation

On se remet tranquillement du Festif! de Baie-Saint-Paul, dont la sixième édition avait lieu la fin de semaine dernière. On a pu s’immerger complètement dans une bulle de musique, la programmation étant particulièrement solide et variée cette année. On vous livre un compte-rendu en mots et photos.

Le plus précieux, avec les petits festivals hors-Montréal, ce sont tous ces concerts donnés en contexte intime, parfois surréel. Le FME l’avait bien compris depuis plusieurs années déjà avec ses spectacles surprises, et le Festif! ne nous a pas laissé sur notre faim en organisant cette année six concerts “impromptus”. Bonheur!

Il a donc été possible de voir Karim Ouellet avec une quelques dizaines de privilégiés dans la cour intérieur de l’Hôtel La Ferme, à minuit tapant le soir de notre arrivée. Confortablement enroulés dans des couvertures à proximité d’un feu pour faire griller des guimauves, les spectateurs ont pu se régaler d’un concert solide de Ouellet accompagné par deux choristes. Le chanteur en a profité pour glisser quelques nouvelles pièces parmi sa liste de chansons. Avec un sens de l’humour nonchalamment coquin, il a fait scander à la foule « instagram! instagram! », les bras dans les airs, et croqué cet instant pour le mettre… sur instagram, quoi d’autre.

Et que dire du deuxième spectacle secret, qui on l’apprend est une rare performance solo de Fred Fortin en formule homme-orchestre, sous le dépanneur Accommodation qui accueillera, lui, Louis-Philippe Gingras le lendemain, dans ce qui sert normalement de réservoir à bières. On renoue avec les pièces du répertoire de ce sapré musicien, qui joue avec Galaxie le soir même dans le sous-sol de l’église. Fortin enchaîne ses chansons avec humilité et habileté. Impossible pour quiconque de se frayer un chemin tant les chanceux sont entassés dans l’espace exiguë, jusqu’à la fin des marches. Inutile de spécifier qu’on est très heureux d’être là.

Notre premier périple au Festif! avait débuté le jeudi soir avec le monument Robert Charlebois, heureux comme un poisson rock dans une piscine de bière, ne boudant pas son plaisir et enfilant ses plus grands succès. La foule, hétéroclite, était ravie et le manifestait bien. Nous avons malheureusement manqué les performances de Groenland et de Marie-Pierre Arthur pour cause de route.

On a fini notre soirée du jeudi en se faufilant dans le sous-sol de l’église, dont l’entrée est identifiée comme Résidence funéraire. Pourtant, l’ambiance est tropicale à l’intérieur, un corps surfant sur la foule n’attendant pas l’autre au son des pièces de Bernard Adamus, accompagné de sa section de cuivres. On a eu droit à une reprise poignante de Faire des enfants de Leloup, question de rajouter une couche à cette soirée déjà parfaite.

Le lendemain, on débute la journée avec un concert gratuit et très couru de Milk & Bone. Les gens entassés écoutent religieusement le duo dont un problème technique (le PA qui brise au moment où elles remercient leur gars de son, une ironie qui ne s’invente pas) force à terminer le concert avec New York en version déplogue, avec le seul micro qui fonctionne encore.

On passe attraper un bout de Mara Tremblay sur la scène extérieure, visiblement heureuse d’être là. Elle jouera 1h30, en plus de sa prestation surprise en pleine rue du lendemain.

C’est sous le chapiteau qu’on retrouve Philippe b pour une rare performance en plein jour de l’oiseau de nuit. On apprécie encore plus le contraste entre son délicieux humour plein d’auto-dérision et ses chansons sombres où la tristesse et le gris y sont magnifiquement déclinés. En formule trio comme cette fois-ci, en solo ou en version orchestrale, on trouve toujours son compte chez l’abitibien d’origine.

Question contraste, nous sommes servis puisque c’est la portion ska du festival qui nous attend. On ne sait trop si c’est le résultat de la nostalgie ou d’une passion encore bien vivante, mais l’engouement pour le style est encore fort dans Charlevoix. Après avoir entendu des morceaux de Reel big Fish résonner dans la ville pendant la journée et aperçu des jeunesses aborer fièrement leur tshirt des Planet Smashers, ça y est: ça skanke, ça circle pit sur les succès des Planet Smashers puis de Reel Big Fish. L’espace de deux concerts, on est plongé 15 ans en arrière.

Et entre les deux, on a droit à notre plus belle découverte du festival: What Cheer? Brigade, un orchestre de rue d’une quinzaine de membres originaire du Rhode Island. Après avoir joué une première pièce dans l’escalier de secours de l’école jouxtant la scène principale, ils fendent la foule et viennent répandre leur énergie tonitruante au public galvanisé par tant d’énergie (voir photo d’en-tête). Ce ne sera pas notre unique rencontre avec la bande, grand bien nous en fasse.

Après le ska, on se partage entre la soirée hip-hop (Eman X Vlooper + Loud Lary Ajust), la soirée country-rock défonce (Louis-Philippe Gingras et Mononc’ Serge) et la soirée décharge de rock avec Galaxie. On fera un peu des trois, question de bien aiguiser notre sens de l’adaptation. Louis-Philippe Gingras, bien en forme, présente quelques nouvelles pièces parmi ses classiques de Traverser l’parc, pendant que Galaxie comble la petite salle surchauffée de bonheur avec sa palette de musiciens au sommet de leur art. Tout un spectacle, où même le claviériste François Lafontaine en profite pour s’adonner au body-surfing entre deux pièces du plus récent Zulu (voir photo dans la galerie plus bas). De l’autre côté du stationnement, dans le chapiteau, Loud Lary Ajust lance ses pièces devant une foule moins nombreuse qui compense par son enthousiasme impressionnant.

En sortant, avec le plan d’aller se coucher, on tombe une fois de plus sur What Cheer? Brigade et leur ambiance post-corrida. On se laisse prendre au jeu, comblé par cet instant magique qui s’abat sur nous et l’énergie oh combien contagieuse de la bande. Sous les airs chaotiques, les mélodies s’enchaînent sans fausse note, un concentré de chaleur dans la nuit fraiche de la baie.

Le lendemain, notre premier rendez-vous est avec Antoine Corriveau et sa bande sur le quai. Un peu étrange de voir résonner ses mélodies sombres sous un soleil si présent, mais le résultat est doux, les musiciens en forme et que dire du paysage sous nos yeux.

Nous attend le spectacle de Louis-Philippe Gingras juché sur le comptoir du dépanneur, alors que l’Orchestre d’hommes-orchestres interprète leur Tintamarre Caravane sur la rue Festive, bourdonnante d’activités gratuites et de festivaliers venus en profiter.

On va attraper Pierre Kwenders, qu’on avait vu pour la première foisen début d’année aux Quartiers d’hiver à Rouyn-Noranda. Le contexte ne pourrait être plus différent, en plein juillet à l’extérieur, devant un public rapidement conquis. « C’est un challenge, de toujours avoir un nouveau public et d’essayer de le convaincre, mais c’est le fun, c’est pour ça qu’on fait ça », résume-t-il après sa performance. Celui qui s’est mérité plusieurs prix depuis la sortie de son Dernier Empereur Bantou l’automne dernier avoue être « en train d’étudier [s]a géographie du Québec » avec les nombreux concerts estivaux disséminés aux quatre coins de la province.

Dany Placard suit, avec les pièces de son solide Santa Maria. Le plaisir évident des musiciens de jouer ensemble se transmet facilement au public, heureux de partager une si belle leçon de rock. La bande recevra même des cornets de crème glacée de la part de fans satisfaits à la fin du spectacle, une première dans leur histoire.

Sur la grande scène, une soirée solide s’amorce. D’abord avec Radio Radio, fidèle à eux-mêmes, bondissant d’un côté et de l’autre de la scène, puis avec Alex Nevsky, très comique malgré sa dégaine nonchalante et ses chansons romantiques. Les Trois Accords suivent, et on se laisse prendre dans leur grande bamboula, le sourire aux lèvres. On se surprend même à reprendre avec la foule les refrains, tapis au fond de notre mémoire.

Mais non, ça ne s’arrête pas là pour nous: il reste le spectacle de fin de soirée. On débute avec le quatuor montréalais Heat, dont le EP Rooms nous avait beaucoup plu, et qui entamait avec Le Festif! une tournée de l’Est du Québec et des Maritimes. On apprend que la bande travaille sur son premier album complet, dont le processus prend plus de temps que le mini-album mais dont le résultat laisse jusqu’à maintenant le chanteur Susil Sharma satisfait.

On quitte pour notre nouvelle deuxième maison, le sous-sol de l’église, où le combo Chocolat/We Are Wolves ne nous décevra pas. On se laisse happer par l’énergie théâtrale et syncopée des loups, après avoir eu notre dose de fuzz et de cheveux avec Chocolat. C’est la fin pour nous, on se couche épuisé par notre fin de semaine, rempli de musique, impressionné par la gentillesse et l’efficacité de l’équipe de bénévoles, et avec la ferme conviction que Le Festif! mérite son point d’exclamation. Baie-Saint-Paul, nous nous reverrons l’an prochain.

Le Festif!
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Crédits photos: Maryse Boyce

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