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esse: rigueur et émerveillement

esse: rigueur et émerveillement

Fondée en 1984 à l’UQAM par des étudiants de maîtrise en études et pratiques des arts, esse a depuis sa fondation analysé et propulsé l’art visuel d’ici et d’ailleurs avec rigueur  et émerveillement. La revue est devenue bilingue en 2007 pour élargir son marché à l’international. Entrevue avec la directrice de la publication Sylvette Babin.

Baron: Quelle est l’histoire derrière le magazine? 
Sylvette Babin: Esse a été fondée en 1984 à l’UQAM par des étudiants de maitrise en études et pratiques des arts, succédant à la revue des étudiants en histoire de l’art (Art Contemporain). Je ne suis pas la fondatrice de la revue (j’ai commencé à y collaborer en 1997) mais cet extrait du premier éditorial (signé simplement « l’équipe ») parle de lui-même:

« esse, c’est la cheville qui empêche une roue de tomber
. esse veut que ça tourne
. si on constate aujourd’hui un manque de dialogue entre les différentes disciplines de réflexion sur l’art et les divers champs de pratique, on accuse aussi un manque total d’informations sur les jeunes productions québécoises. 
esse veut que l’art des jeunes sorte de l’incognito.
 Il s’agit de prendre le pouls de ce qui se fait, se dit, s’écrit sur l’art aujourd’hui.
 esse, c’est un support en architecture, c’est aussi une ouverture sur la table d’un violon.
 esse est, sans aucun doute, un bon outil pour unir les arts. »

De 1984 à 2002, la revue a été dirigée par Johanne Chagnon. C’est en 1987 qu’elle a été incorporée en organisme à but non lucratif. À l’époque, la petite équipe d’artistes et de travailleurs culturels formait le comité de rédaction et le conseil d’administration. Moi-même artiste de formation, je me suis jointe au comité de rédaction en 1997 et j’ai repris le flambeau de la direction en 2002. À cette époque, la revue était publiée uniquement en français et distribuée au Québec. Nous avons débuté une distribution en France et en Belgique en 2004, puis nous sommes passés au bilinguisme en 2007 et avons élargi notre distribution vers le Canada anglais et les États-Unis.

B.: Comment décririez-vous votre ligne éditoriale ?
S. B.: Esse est une revue d’analyse critique qui s’intéresse aux pratiques pluridisciplinaires. Nous œuvrons plus spécifiquement dans le champ des arts visuels, mais abordons également d’autres disciplines de façon ponctuelle (théâtre, danse contemporaine, musique actuelle, cinéma d’auteur). Une partie de nos articles est liée à des dossiers thématiques, l’autre à une couverture plus générale de l’actualité artistique.
Esse s’est toujours affichée comme une revue proposant des réflexions engagées, des paroles d’auteurs prenant une position critique ou esthétique, et parfois aussi politique. Dans tous les cas, les textes publiés sont sélectionnés pour leur pertinence et leur rigueur.

B.: Pourquoi avoir choisi le média imprimé?
S. B.: Au moment de sa création, il y a 30 ans, la question ne se posait pas (internet et les revues numériques n’existaient pas encore). Les fondateurs ont donc certainement choisi ce média pour ce qui le distingue du livre, c’est-à-dire pour la couverture de l’actualité à travers la récurrence des publications, et pour la possibilité de publier des textes plus brefs mais néanmoins consistants. Il s’agissait d’une autre façon de prendre la parole.

Aujourd’hui, en 2015, nous pourrions reformuler la question: Pourquoi continuer avec le média imprimé ? Je répondrais que c’est encore par volonté de réfléchir sur l’art, mais aussi pour l’amour du papier et du graphisme, pour le plaisir de l’objet imprimé, pour le format de lecture qui plait encore à plusieurs. Récemment, je suis allée présenter la revue dans une classe d’histoire de l’art où presque tous les étudiants avaient un ordinateur ou un appareil électronique pour consulter des articles en ligne. Leur réponse positive et enthousiaste à la question sur leur intérêt pour les ouvrages imprimés m’a agréablement surprise.
Évidemment la revue, comme le livre, sont appelés à se transformer. On peut bien résister mais on ne peut ignorer que les médias en ligne existent, avec leur gratuité, leur diffusion massive et leur accessibilité. Il faut donc réfléchir attentivement à ce qui démarque une revue imprimée puisque la qualité des textes et la pertinence de l’éditorial, qu’ils soient publiés en ligne ou sur papier, peut équivaloir. Il en va de même pour les images. Ce sera donc à travers la forme de l’objet, par une combinaison de tous ces éléments, en l’occurrence le format, la conception graphique et la disposition des textes et des œuvres, le choix des papiers, etc. D’ailleurs, une revue est un peu comme une exposition. Et cette exposition prend la couleur des intervenants qui y collaborent: les artistes et les auteurs, les commissaires (ici le comité de rédaction) et les graphistes.

B.:  Quelle est la réaction du public?
S. B.: La réception est excellente et toujours enthousiaste. Nous avons un public très diversifié. Nos essais et dossiers thématiques attirent beaucoup les chercheurs et les étudiants, alors que les analyses d’œuvres et les comptes rendus d’expositions intéressent un public plus large. Depuis que nous participons aux foires d’art, nous rejoignons de plus en plus un lectorat de collectionneurs. Les amateurs de design graphique ont également beaucoup d’intérêt pour esse. Esse reste quand même un ouvrage assez pointu mais nous portons une attention particulière à la limpidité des analyses et à la variété des textes publiés.

B.:  Quelle est votre stratégie de vente et de croissance? Publicité ou co-branding?
S. B.:  Nous sommes avant tout motivés par le contenu éditorial, par la rigueur des textes et la pertinence des œuvres traitées, la qualité de la publication, son image graphique. Il importe donc que nos stratégies de vente et de promotion se fassent en complicité avec cette ligne éditoriale. Cela nous amène à faire des choix. Par exemple, nos publicités sont regroupées en un seul endroit dans la revue, à la fin, formant un cahier publicitaire sobre et élégant. Cette section complémentaire au contenu bonifie l’information sur l’actualité artistique et les activités de nos annonceurs. D’ailleurs, comme ces derniers sont pour la plupart des organismes intéressés par l’art, les publicités sont généralement très belles d’un point de vue graphique. Personnellement j’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir comment un organisme ou une entreprise met en valeur sa programmation ou son produit. Par ailleurs, nous nous réservons toujours le quatrième de couverture, soit pour une œuvre d’artiste ou pour une conception graphique en lien avec la thématique du numéro.
En ce qui concerne le co-branding, nous effectuons plusieurs partenariats avec des événements culturels internationaux, puisque nous sommes distribués en Europe et aux États-Unis depuis une dizaine d’années. Nous participons notamment à de nombreuses foires d’art contemporain (Paris, Londres, New York, Bruxelles, Toronto et Montréal).

B.:  Projets à venir?
S. B.: Plusieurs. En septembre, le numéro 86 (dossier Prendre position) aura un tout nouveau look sur lequel nos graphistes, FEED, travaillent actuellement. C’est donc avec un vent de fraicheur que nous entamerons notre quatrième décennie. Le 26 novembre nous présentons la 7e édition de l’encan bénéfice Vendu–Sold qui se tient chaque année au Musée des beaux-arts de Montréal. Cet événement, qui fait maintenant partie de nos activités récurrentes, est toujours palpitant. Nous y présentons les œuvres d’une quarantaine d’excellents artistes, sélectionnés par un comité d’experts.
Au cours de l’année, nous publierons Pièce montée, un livre traitant de l’usage de la nourriture dans l’art contemporain. Cela fait plusieurs années que nous y travaillons, que nous le « cuisinons » si je puis dire. Mener plusieurs projets de front avec une petite équipe est un défi considérable mais, toujours par intérêt pour les ouvrages imprimés, nous continuons à publier occasionnellement des livres thématiques en parallèle de la revue. Nous souhaitons également optimiser notre présence en ligne: une réflexion est en cours actuellement pour évaluer l’orientation de nos actions en ce sens.

esse.ca

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