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L’ébénisterie d’art – un marché terroir et moderne

L’ébénisterie d’art – un marché terroir et moderne

Depuis plus de 25 ans, l’école d’ébénisterie d’art de Montréal forme les futurs artisans du bois. Métier qui a traversé les âges, il est aujourd’hui amené à s’adapter aux réalités contemporaines : numérique, conception, design, écologie. Tout en mêlant tradition et modernité, l’école met tout en oeuvre pour former au mieux la relève des ébénistes d’art du Québec. Le tout avec son lot de difficultés.

L’ébénisterie est avant tout un métier d’art qui a traversé les siècles, les guerres, les révolutions industrielles – périodes où les produits américains ont inondé le marché. Encore jeune, l’ébénisterie québécoise a néanmoins des racines ancrées dans des traditions anciennes.

Au début du 20e siècle, la production artisanale québécoise est en crise. À tel point que le gouvernement décide d’intervenir pour stimuler le secteur. En 1935, Jean-Marie Gauvreau, artiste et professeur né en 1903 à Rimouski, fonde l’École du meuble, reconnue comme un pilier dans le domaine de la création québécoise. En 1968, après avoir été rebaptisée Institut des arts appliqués, elle est annexée au Cégep du Vieux-Montréal.

En 1984 se met en place une entente avec le milieu des métiers d’art à propos de la formation et des services spécialisés offerts aux artisans. Cette entente a donné lieu au Plan national de formation en métiers d’art dont l’école d’ébénisterie d’art de Montréal (ÉÉAM) est l’une des spécialisations. Gérée par l’Institut des Métiers d’Art (IMA) jusqu’en 2007, elle est aujourd’hui une école-atelier indépendante.

Les élèves sont formés par des professeurs-artisans, bien ancrés dans les réalités contemporaines du métier. Mais l’immersion ne se limite pas aux quatre murs de l’établissement. Nathalie Chauvin enseigne aux élèves les métiers de l’ébénisterie ainsi que la réparation des meubles d’ébénisterie. Un aspect important de son cours est la rencontre avec les artisans ainsi que la visite de salons, boutiques et musées: « Cela permet aux élèves de voir comment ça se passe ». Des collaborations sont également mises en place. Au marché Haut+Fort (du 22 au 24 mai 2015) par exemple, la relève des créateurs en ébénisterie aura l’occasion de diffuser ses œuvres et de participer au développement et au rayonnement du design québécois. Parmi eux, on retrouve Loïc Bard, ancien élève de l’ÉÉAM et lauréat du grand prix du design de Montréal 2012. Bien qu’il ait pu profiter de ce beau tremplin, il admet que le marché des métiers d’art au Québec est assez difficile à appréhender et les investissements de départ assez élevés: « Pendant un an, je sous-louais un local avec un autre ébéniste. Ainsi je n’ai pas dû acheter beaucoup de matériel. C’est assez difficile car on n’est pas accepté partout à cause du bruit et de la poussière ».  Le monde de l’ébénisterie ne fait pas exception : se lancer dans le monde du travail une fois ses études terminées est difficile. Notamment en raison des investissements de départs dans la machinerie ainsi qu’aux premiers boulots qui ne sont pas toujours totalement en relation avec ce que les élèves ont appris à l’école :  « Nous sommes bien préparés au niveau de l’utilisation des outils techniques et des argumentaires de vente. On est aussi capables de confectionner des meubles haut-de-gamme mais ce n’est pas forcément cela qu’on vend au début ». D’après Marie-Amélie Saint-Pierre, directrice générale, sur les 25 dernières années, 120 élèves ont été diplômés et seuls une vingtaine d’entre eux sont ébénistes purs et durs.

Afin d’ancrer sa formation dans les réalités du marché de l’ébénisterie d’aujourd’hui, l’École d’ébénisterie d’art de Montréal (ÉÉAM) a revisité sa grille de programmes en 2011. Elle accorde ainsi davantage de place au développement conceptuel, c’est-à-dire la création et le design, et surtout, la dimension de la conception numérique. Désormais, le dessin à main levée n’est plus d’actualité:  « C’est une question de professionnalisme. Aujourd’hui, on n’arrive plus chez le client avec une feuille de papier » explique Marie-Amélie Saint-Pierre. Julien Duchêne, professeur de développement conceptuel et de techniques des métiers d’art enseigne à ses élèves comment concevoir de façon structurée: « Je fais travailler mes élèves dans les conditions du métier. Je leur donne les outils pour s’organiser dans un contexte professionnel, une méthodologie. On utilise de plus en plus les nouvelles technologies et des travaux doivent être effectués en ligne », explique-t-il au téléphone avant de rajouter que les techniques anciennes restent quand même la base de l’apprentissage. Cette tendance est accompagnée par une conscientisation écologique. En avance sur son temps, Nathalie Chauvin préconisait déjà il y a 15 ans l’utilisation de produits respectueux de l’environnement: « Aujourd’hui, ça a évolué: mis à part 10 % des produits, on ne trouve plus que des produits artisanaux. Dans les salons, l’écologie est également un facteur omniprésent ».

Le marché québécois est un terrain dans lequel il faut trouver sa place. Pour ce faire, il est indispensable d’apprendre à pouvoir justifier le prix d’une pièce, sans chercher à concurrencer des mastodontes comme IKEA. La valeur ajoutée du produit se trouvera dans le processus de fabrication ou les étapes de restauration. Se rapprocher du design industriel est également une voie à envisager et la polyvalence est de mise, ainsi que le contact avec le client. « 80% du salaire d’un ébéniste d’art viendra de la restauration. Avec beaucoup de chance, il pourra fabriquer une table entièrement neuve par an » conclut la directrice.

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