Close
Entrevue: « C’est plus facile de liker que dire je t’aime » – William Mazzoleni

Entrevue: « C’est plus facile de liker que dire je t’aime » – William Mazzoleni

Au-delà d’être de merveilleux outils de communications, les réseaux sociaux – et plus particulièrement Facebook – peuvent également causer des discordes au sein des couples. Dans son nouveau court-métrage, le réalisateur William Mazzoleni nous conte l’histoire d’amour d’Alex et Clara, un couple dans la trentaine qui vit l’impact des technologies sur leur relation amoureuse.Interview.

Je viens de visionner votre court-métrage et j’ai trouvé l’esthétique de l’image très belle. Est-ce dû à l’influence de la publicité?
Tout d’abord, merci pour le compliment. La publicité ne m’a pas influencé directement pour le look du film. Peut-être que de manière inconsciente dans mes choix de cadrages et de lumières, j’ai cherché le cadre parfait pour bien exposer mes comédiens. Il faut dire aussi que j’ai commencé ma carrière par la direction de la photographie. Disons que le contenant a toujours été important dans mon approche. Bref, je ne crois pas que mon film soit aussi propre que les images publicitaires. J’ai justement voulu m’en détacher et tourner un court-métrage à la manière d’un film!

De quoi ou de qui vous êtes-vous inspiré pour le scénario?
Je me suis surtout inspiré de conversations que j’ai entendues ici et là, du genre: « Moi pour vrai, Facebook, les likes pis tout ça là, j’m’en calisse ! », « Ah ouais, tu t’en calisses? Mais mettons qu’une belle fille te like, ça te fait vraiment rien ? Tu t’en fous? », « Pour vrai, oui! Mais c’est sûr qu’il y a des likes qui vont me faire un peu plus plaisir que d’autres. Un peu! Pis toé, ta blonde comment qu’à trouve ça, quand tu reçois des beaux likes non-stop de belles jeunes femmes qu’à connaît pas ? », « Ah moé, j’men calisse sérieux ! »

Sérieusement, je trouve que ça sonne souvent comme ça aujourd’hui! J’aime, j’aime pas, je swipe à gauche, à droite [avec Tinder, ndlr]. Mais à la fin personne ne se dit je t’aime.

Comment avez-vous choisi vos 4 acteurs principaux? Et pourquoi eux?
Je voulais du beau monde physiquement et assez jeune. Je voulais créer un effet d’attirance entre les personnages, que l’un puisse tomber sous le charme de l’autre et vice versa. Pour le choix des acteurs, ce sont des coups de cœur tout simplement. J’adore la distribution. J’en profite pour les remercier encore une fois pour leur générosité mais surtout pour leur talent. A la fin de chaque visionnement, le monde me parle des comédiens et à quel point ils les trouvent bons et justes !

Pouvez-vous nous raconter comment s’est déroulé le tournage? Des anecdotes particulières?
Le tournage s’est fait en 3 jours. C’est vraiment très court. J’ai dû couper pas mal de choses du scénario initial car j’avais 15 pages à tourner. Nous étions environ 18 sur le set plus les comédiens. Un vrai plateau avec chaque personne à son poste. Je sais qu’il y a une grosse tendance à tourner en petite équipe, mais personnellement j’aime quand des gens s’occupent de mon image. Ça me donne plus de temps pour réfléchir et parler avec mes comédiens. Je ne suis pas en train de courir pour enlever quelque chose qui me gosse dans mon background. Sinon, je n’ai pas vraiment d’anecdotes à raconter, tout le monde était juste très bon. Puis, on a mangé de la lasagne comme tout plateau low budget qui se respecte.

Avec votre histoire et la manière dont elle est montée, j’ai le sentiment qu’il y a une volonté de votre part de perdre le spectateur entre la réalité et la fiction. Est-ce un parallèle que vous avez désiré faire entre la vie réelle et la vie sur Facebook, ou sur Internet de manière plus générale?
En fait, oui j’ai essayé de créer les pensées facebookiennes qui nous passent par la tête de temps en temps. Du genre « Est-ce que mon post a été populaire? Oh, pourquoi elle m’a liké elle ? Qui m’a liké? Oh, je devrais peut-être répondre à son commentaire ou peut-être pas? Est-ce que je like ? Elle va le percevoir comment? » Bref, ça n’en finit plus.

Aujourd’hui, on pense constamment à aller voir nos réseaux sociaux, nos messages, nos likes et à publier. C’est sûr qu’à un moment donné, ça nous rentre dedans et que ça nous joue dans la tête. Effectivement, j’ai voulu montrer qu’entre les réseaux sociaux qui existent seulement dans les airs et notre vraie vie, des fois, ils créent des problèmes interpersonnels. Des petites querelles du type 2.0 et ça me gosse énormément. Tout ça à cause d’un monde virtuel qui existe et qui n’existe pas en même temps. Réalité ou fiction, qui dit vrai et quel like est vraiment vrai like? Une chose est sûre, c’est qu’on est en plein dedans, dans un beau parallèle nouvellement apparu.

Quels ont été les obstacles, s’il y en a eu, à la réalisation de votre film?
Le principal obstacle, comme dans bien des cas de court-métrage, c’est budgétairement parlant. J’ai dû tourner très rapidement chaque scène. Même si j’arrive toujours bien préparé, ça ne m’a pas laissé beaucoup de place à la recherche on set. Les décisions ont été prises rapidement et nous avons tourné l’essentiel. J’aurais aimé y mettre un peu plus de dentelles. Pour un projet indépendant n’ayant reçu aucun financement, je trouve que le film n’en souffre pas du tout dans son ensemble et j’en suis très fier. Imagine quand je vais recevoir ma première vraie grosse subvention! Je travaille là-dessus!

Comment a-t-il été accueilli jusqu’à présent dans les festivals par les spectateurs, et les professionnels? Quels sont les retours?
Jusqu’à maintenant, le film est passé dans 2 festivals – Les rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ) et le Toronto International Short Film Festival (TISFF) à Toronto. Il a fait beaucoup jaser sur les blogues montréalais urbains, car le film s’adresse à notre génération et le titre attire les visionnements. Un feedback courant que je reçois, est qu’il s’agit d’un portrait assez réaliste de nos excitations et de nos angoisses face à tous ces likes. Beaucoup de monde dit se reconnaître dans le film et ça, pour moi, c’est très encourageant à foncer vers l’écriture de fiction. De faire confiance à mes dialogues et à mes choix de sujets.

Votre film a évoqué à certaines personnes une version moderne d’un mélange entre Watatatow et 19/2. Qu’est-ce que vous en pensez?
Ah tiens, je ne m’attendais pas à celle-là. Je pense que vous pensez à 19/2 pour son look tourné à l’épaule et légèrement désaturé, sombre. Mes locations de tournage étaient très grises, ça peut faire un certain rappel à 19/2 aussi. Habituellement, je suis plus coloré que ça, mais étant donné que c’est un drama, le gris était parfait! Sinon pour Watatatow, oui c’est un film avec des jeunes qui font face à des situations, à des problématiques de leur temps, mais reste que Watatatow a su marquer une génération complète et dans ce sens-là, je vais le prendre comme un compliment.

C’est plus facile de liker que de dire je t’aime
par William Mazzoleni
sur facebook

Close
0