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Concours Lux | Changer pour mieux représenter?

Concours Lux | Changer pour mieux représenter?

Au lendemain du dévoilement des gagnants de la 17e édition des prix Lux 2015, récompensant les professionnels de la photographie et de l’illustration au Québec, Baron a voulu créer une discussion sur ce concours, seul du genre au Québec, qui ne fait pourtant pas l’unanimité. 

« Je pense qu’un concours d’illustration et de photo québécois est nécessaire, mais je pense qu’il y a des améliorations à apporter », dit d’entrée de jeu Benoit Tardif, illustrateur qui a vu quatre de ses projets primés hier, en plus de recevoir un Grand Prix dans la catégorie Éditorial. Le Grand Prix en illustration qu’il s’est mérité en 2012 a selon lui donné une impulsion à son travail: « Je pense qu’effectivement, ça a lancé ma carrière, parce que six mois, un an plus tard, je vivais de ça. Est-ce que c’est un adon? Je pense pas. C’est certain que la majorité de mes clients à ce moment-là étaient au Québec. »

Malgré ces retombées enviables, certains illustrateurs et photographes choisissent tout simplement de ne pas s’inscrire, parce qu’il faut d’une part envoyer les originaux des pièces, d’autre part parce que les coûts additionnés (inscription par pièce ou par série, impression et frais postaux, accès au vernissage) sont trop élevés. Simon Laliberté de l’atelier BangBang est un de ceux-là. « Mes projets étaient tous pour la plupart des pièces uniques, et voyant qu’il fallait envoyer la pièce originale, sans savoir quand et comment et à quel coût je pourrais récupérer mon projet, je préférais me concentrer sur des concours qui n’exigeait pas autant de logistique et de frais supplémentaires. » Il en coûtait cette année 25$ pour récupérer les oeuvres soumises. Il a préféré s’inscrire aux concours Grafika, Pentawards et Communications Arts pour 2015.

Il faut dire que Lux est pour ainsi dire l’un des seuls concours qui garde les oeuvres physiques au coeur de son processus d’application. Que ce soit le concours canadien Applied Arts, les américains Communication Arts ou les American Illustration – American Photography, tous ont passé au numérique pour recevoir et évaluer les oeuvres. Ces concours, en raison de leur coût d’inscription moindre et d’un processus facilité, attire de nombreux artistes québécois, qui appliquent ou non à Lux par la suite. « Un moment donné, quand tu commences à participer à tout ça, ça finit que ça gonfle le prix » raconte l’illustrateur Sébastien Thibault, dont beaucoup de ses clients sont désormais à l’étranger. Il a décidé de ne pas soumettre sa candidature au concours Lux cette année, après avoir été lauréat en 2011 et 2012: « C’est encore trop compliqué, trop onéreux versus la visibilité que ça donne. »

« Je trouve ça normal d’avoir à remettre une oeuvre physique, comme c’est cette pièce qui sera présentée si jamais elle est gagnante » dit Gabrielle Sykes, photographe au studio La Garçonnière et lauréate de 3 prix en 2015, dont un Grand Prix. « Ça nous permet également de choisir le format ainsi que la qualité (choix) du papier. »

« Nous c’est une décision qu’on a prise parce qu’on pense en effet qu’on laisse libre aux photographes, avec certaines restrictions, le choix d’imprimer dans la qualité, dans le format qu’il le souhaite », explique Arnaud Granata d’Infopresse. « Ce qui est intéressant, c’est ce qu’on pense, c’est que le jury voit [les oeuvres] telles que les photographes ont décidé de les présenter et que les gens qui viennent à la soirée les voient aussi de cette façon-là. » Est-ce que ceux qui ont les moyens de s’offrir du papier de meilleure qualité, souvent des artistes mieux établis, sont alors avantagés par rapport à la relève? Chose certaine, il s’agit d’un important montant à débourser pour tous ceux qui choisissent d’y participer.

« C’est sûr que c’est participer à un coût, et on en est tout à fait conscient. » dit Arnaud Granata, qui rappelle que le concours est destiné aux professionnels de la photographie et de l’illustration. « Ce coût-là permet non seulement de couvrir les frais d’inscription – on a une équipe ici chez Infopresse qui travaille à la réception des pièces et à la mise sur pied du concours – mais ça participe aussi plus largement à l’ensemble de la visibilité autour de concours-là. » Rappelons que cette année, en plus de l’exposition ouverte au public, les lauréats verront leurs oeuvres imprimées dans un numéro spécial Lux qui sera également distribué au gala Créa le 16 avril prochain.

Pour Benoit Tardif, les prix Lux lui ont donné la confiance de continuer: « Ça m’a confirmé. Quand t’es illustrateur, tu travailles un peu dans ton cocon chez vous et t’as pas vraiment personne qui valide si ce que tu fais c’est bon ou non. Ça te donne de la confiance pour aborder les clients après, pour défoncer les portes. » Gabrielle Sykes est du même avis: « Pour ce qui est des retombées d’un prix, c’est difficile à dire concrètement. Je veux dire, mon téléphone n’a pas sonné le lendemain pour un gros contrat. Par contre, c’est une belle reconnaissance de tes pairs et des gens du milieu qui t’encouragent à continuer à faire ton truc comme tu le fais là! »

L’équipe d’Infopresse n’est pas fermée à changer certains procédés entourant les prix Lux. « Le concours existe depuis 17 ans: c’est sûr qu’au fur et à mesure des années, on a changé, on a fait évoluer le concours pour que ça reflète mieux l’industrie. » À la question de soumettre des oeuvres en numérique, Granata affirme que « c’est éventuellement une possibilité », même si pour le moment, « je ne sais pas si c’est la meilleure façon d’assurer la qualité. Je pense que c’est quand même important d’avoir des photos physiques sous les yeux. » En ce qui concerne la récupération des pièces originales: « On n’est pas fermé à l’idée, faudrait voir comment c’est possible de concrétiser une chose pareille », avec les 1700 applications cette année.

Ce sera intéressant de suivre comment le concours Lux évoluera pour sa 18e année, à la fois pour conserver son identité et faire le plus grand consensus possible.

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